Accouplements 120

Collectif Devenir chercheur. Écrire une thèse en sciences sociales, 2013, couverture

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Hunt, Lynn, «The Art of History. How Writing Leads to Thinking», Perspectives on History. The Newsmagazine of the American Historical Association, 1er février 2010.

«Most problems in writing come from the anxiety caused by the unconscious realization that what you write is you and has to be held out for others to see. You are naked and shivering out on that limb that seems likely to break off and bring you tumbling down into the ignominy of being accused of inadequate research, muddy unoriginal analysis, and clumsy writing. So you hide yourself behind jargon, opacity, circuitousness, the passive voice, and a seeming reluctance to get to the point. It is so much safer there in the foliage that blocks the reader’s comprehension, but in the end so unsatisfying. No one cares because they cannot figure out what you mean to say.»

Van Campenhoudt, Luc, «La communication orale. Partie intégrante du processus scientifique», dans Moritz Hunsmann et Sébastien Kapp (édit.), Devenir chercheur. Écrire une thèse en sciences sociales, Paris, Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales, coll. «Cas de figure», 29, 2013, p. 217-228.

«La clarté et la cohérence rendent évidemment vulnérable à la critique car elles permettent aux interlocuteurs de saisir la signification des propos» (p. 225).

Lecture recommandée du jour

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Il y a quelques années, l’Oreille tendue a découvert l’enseignement de l’éveil aux langues; elle en a parlé ici et , et dans un livre de 2015, mais de façon bien (trop) générale. Cela restait de l’ordre du vœu pieux : expliquer aux jeunes élèves la nature des langues et des échanges linguistiques, pas seulement les règles d’une langue.

Wim Remysen, qui enseigne la linguistique à l’Université de Sherbrooke, vient de publier un texte où il va bien au-delà de pareils vœux pieux. Après avoir distingué «insécurité» et «sécurité» linguistiques, il y propose huit «pistes» (p. 47) pour «diminuer l’insécurité» à l’école (p. 46) et pour «faire voir la langue sous un autre angle» (p. 27) :

valoriser le bagage linguistique de l’élève;

intégrer la notion de valorisation linguistique;

éviter de promouvoir une conception désincarnée de la langue standard;

redéfinir la notion de faute;

découvrir les règles et les structures de la langue;

utiliser le dictionnaire à sa juste valeur;

intégrer des éléments de l’histoire de la langue;

s’intéresser à des formes d’expression variées.

Vous devriez aller lire ça. Vous apprendrez plein de choses sur la «culture linguistique» (p. 26), sur «l’imaginaire linguistique des francophones» (p. 30), sur les «représentations linguistiques» (p. 40), voire sur les «idéologies linguistiques» (p. 41). Bref, de la bien belle ouvrage.

P.-S.—Wim Remysen a aussi collaboré au dossier de la revue numérique Arborescences intitulé «La norme orale en français laurentien», sous la direction de de Marie-Hélène Côté et Anne-José Villeneuve (numéro 7, décembre 2017).

 

Références

Melançon, Benoît, Le niveau baisse ! (et autres idées reçues sur la langue), Montréal, Del Busso éditeur, 2015, 118 p. Ill.

Remysen, Wim, «L’insécurité linguistique à l’école : un sujet d’étude et un champ d’intervention pour les sociolinguistes», dans Nadine Vincent et Sophie Piron (édit.), la Linguistique et le dictionnaire au service de l’enseignement du français au Québec. Mélanges offerts à Hélène Cajolet-Laganière, Montréal, Nota bene, 2018, p. 25-59. https://www.usherbrooke.ca/crifuq/fileadmin/sites/crifuq/uploads/Remysen-2018__insecurite_ecole_.pdf

Benoît Melançon, Le niveau baisse !, 2015, couverture

Parlons éducation

Dans la Presse+ du jour, le professeur et essayiste Mathieu Bélisle publie un texte d’opinion intitulé «Des élections résolument provinciales». On y lit cette remarque particulièrement juste et révélatrice de la place de l’éducation dans les programmes politiques québécois :

On se prend à rêver du jour où un chef de parti éprouvera le même empressement, la même fierté à présenter aux Québécois la personne choisie pour diriger le ministère de l’Éducation que celle qu’il éprouve en présentant les éventuels responsables de la Santé et du Trésor, du jour où il fera de l’éducation la grande priorité de son gouvernement en lui donnant l’ampleur d’une véritable vision pensée sur le long terme, où il reconnaîtra, quoi que disent les sondages et les groupes d’intérêt, qu’une société vieillissante n’a pas seulement besoin de soins de santé de qualité et d’une fin de vie vécue dignement, mais aussi, et peut-être surtout, d’un système d’éducation fort, soucieux du commencement de la vie et de son épanouissement.

Lors des élections de 2012, pour le Journal de Montréal, dans «Autoportrait électoral d’un privilégié insatisfait», l’Oreille tendue exprimait des positions bien proches de celles-là.

Moins ça change…

La clinique des phrases (x)

La clinique des phrases, logo, 2020, Charles Malo Melançon

(À l’occasion, tout à fait bénévolement, l’Oreille tendue essaie de soigner des phrases malades. C’est cela, la «Clinique des phrases».)

Voici un cas lourd et un beau défi :

Par ailleurs, lorsqu’il dit que les enfants de Mme de Sabran ne font pas assez de cas d’elle, il met en valeur l’estime qu’elle mérite pour les qualités qui la distinguent, que lui-même ressent, voulant que Delphine et Elzéar le prennent pour modèle pour l’expression de l’estime due à Éléonore.

Par où commencer ? Enlevons un «de» inutile.

Par ailleurs, lorsqu’il dit que les enfants de Mme de Sabran ne font pas assez cas d’elle, il met en valeur l’estime qu’elle mérite pour les qualités qui la distinguent, que lui-même ressent, voulant que Delphine et Elzéar le prennent pour modèle pour l’expression de l’estime due à Éléonore.

Clarifions au moins une identité.

Par ailleurs, lorsqu’il dit que les enfants de Mme de Sabran ne font pas assez cas de leur mère, il met en valeur l’estime qu’elle mérite pour les qualités qui la distinguent, que lui-même ressent, voulant que Delphine et Elzéar le prennent pour modèle pour l’expression de l’estime due à Éléonore.

Économisons une relative.

Par ailleurs, lorsqu’il dit que les enfants de Mme de Sabran ne font pas assez cas de leur mère, il met en valeur l’estime qu’elle mérite pour ses qualités distinctives, que lui-même ressent, voulant que Delphine et Elzéar le prennent pour modèle pour l’expression de l’estime due à Éléonore.

Simplifions un peu le début de la phrase, histoire d’éviter une répétition («estime»).

Par ailleurs, lorsqu’il dit que les enfants de Mme de Sabran ne font pas assez cas de leur mère, il met en valeur ses qualités distinctives, que lui-même ressent, voulant que Delphine et Elzéar le prennent pour modèle pour l’expression de l’estime due à Éléonore.

Scindons, refaisons complètement la suite de la phrase et essayons de comprendre.

Par ailleurs, lorsqu’il dit que les enfants de Mme de Sabran ne font pas assez cas de leur mère, il met en valeur ses qualités distinctives. Il ressent ces qualités et il veut que Delphine et Elzéar le prennent pour modèle pour l’expression de l’estime qu’ils doivent à Éléonore.

Allons un peu plus loin — en employant un verbe plus expressif («déplorer» pour «dire»), puis en enlevant un adjectif inutile («distinctifs»), une évidence («Il ressent ces qualités») et un «pour» de trop.

Par ailleurs, déplorant que les enfants de Mme de Sabran ne fassent pas assez cas de leur mère, il met en valeur ses qualités. Il veut que Delphine et Elzéar le prennent pour modèle dans l’expression de l’estime qu’ils doivent à Éléonore.

À votre service.