Suggestion de cadeau de Noël

Bingo de colloque, première carte

Quoi offrir à l’universitaire qui a déjà tout ? Ce «Bingo de colloque. Pour colloques de littérature et de sciences humaines. 50 feuilles détachables. 10 cartes différentes», une création de Mathieu Arsenault et François Rioux, disponible ici.

Voici la première phrase de la présentation du jeu : «Même quand le thème était proche de leur sujet de recherche, ils finissaient inévitablement par s’ennuyer en colloque.»

L’Oreille tendue connaît trop bien ce sentiment; voyez . Dorénavant, elle aura de quoi s’occuper.

Incultes ou pas ?

Georges Leroux. Entretiens, 2017, couverture

Le philosophe Georges Leroux a donné de longs entretiens à Christian Nadeau. Dans le huitième chapitre, «L’enseignement et les défis de la démocratie», il évoque le souvenir d’un étudiant qu’il appelle Paul : «Tous les enseignants ont de temps à autre un Paul dans leur classe : c’est l’étudiant attentif, plutôt réservé, mais qui à l’occasion pose la question qu’on attendait, la question qui nous force à aller plus loin et qui crée instantanément un lien entre lui et vous» (p. 206). Puis, un jour, Paul a cessé de venir en classe.

Pourquoi ? «Comme tant d’autres, Paul avait intégré comme un discours vrai s’adressant à lui le portrait que la société aime dresser de sa génération comme une génération sans culture, incapable de l’effort nécessaire. L’éducation qu’il avait reçue le condamnait, pensait-il, à un échec certain. Nous connaissons ce discours, cette description de l’étudiant inculte, produit par une école secondaire incompétente, nous sommes tous responsables de n’avoir pas travaillé à le réfuter. Car, je le soutiens fermement, ce discours est faux. La critique de l’école démocratique, qui est le fait de penseurs conservateurs nostalgiques de l’éducation d’élite, fait l’impasse sur les succès de nos écoles. Les cohortes successives qui arrivent dans nos universités le prouvent tous les jours» (p. 207).

L’Oreille tendue, à qui il arrive de tenir un discours qui va dans le même sens, se sent un peu moins seule.

 

Référence

Nadeau, Christian, Georges Leroux. Entretiens, Montréal, Boréal, coll. «Trajectoires», 2017, 373 p. Ill.

Effectuons un moratoire

Périodiquement, du haut de sa tour d’ivoire, l’Oreille tendue essaie, sans le moindre succès, d’imposer des moratoires.

Celui du jour ? Effectuer.

Le domaine sportif en raffole.

Effectuer un retour au jeu ? Revenir au jeu.

Effectuer une feinte ? Feinter.

Effectuer une mise en échec ? Mettre en échec.

Il n’y a pas que lui.

Effectuer un déplacement ? Se déplacer.

Effectuer une mineure en philosophie ? Faire une mineure.

Effectuer un vol ? Voler.

Effectuer une recherche ? Chercher.

Effectuer un dépouillement ? Dépouiller.

Effectuer un partage ? Partager.

L’Oreille se sent déjà mieux. Merci pour elle.

P.-S.—Ce n’est pas la première fois que l’Oreille vitupère ce verbe. Voir ici, et, bien sûr, de ce côté.

P.-P.-S.—Faire est un verbe tout à fait fréquentable, comme le sont avoir et être. Suivons dès lors la recommandation de la cinquième édition du Multidictionnaire de la langue française de Marie-Éva de Villers, à l’entrée effectuer : «S’il s’agit d’une action simple, on préférera le verbe faire

Actualités québécoises

Laurence Pivot et Nathalie Schneider, les Québécois, 2017, couverture

(Par souci de transparence, ceci : l’Oreille tendue a été interviewée par une des auteures du livre dont il sera question ci-dessous, ce qui explique qu’elle se trouve dans ses remerciements. Cela étant, les propos de l’Oreille n’ont pas été retenus par les auteures — ce dont elle ne leur tient point pantoute rigueur.)

Il peut être risqué de vouloir présenter son pays d’adoption, permanent ou temporaire. Voilà pourquoi l’Oreille a une rubrique «Ma cabane au Canada» : les titres qui y sont évoqués ne brillent pas tous par leur pertinence (euphémisme).

Qu’en est-il de l’ouvrage les Québécois (2017) de Laurence Pivot et Nathalie Schneider ?

Le livre est fait de descriptions, de commentaires, d’entrevues et de portraits — avec les inévitables Fred Pellerin et Kim Thúy, pour ne retenir que deux noms. Il ne cède pas, comme c’est si souvent le cas, à la folklorisation de son objet et c’est particulièrement vrai dans le choix des sujets abordés : au lieu de tartines sur les grands espaces ou sur le hockey comme religion, on parle de coopératives d’habitation, de médiation familiale, d’entreprenariat. Journalistes «franco-canadiennes» (quatrième de couverture), Pivot et Schneider se sont intéressées à l’actualité bien plus qu’à l’histoire. Elles vont droit au but : les textes sont courts et incarnés. Elles sont enthousiastes, mais sans complaisance (p. 69-70, p. 90).

Elles considèrent que les Québécois sont obsédés «par le consensus» (quatrième de couverture); il est difficile de leur donner tort. Le point de vue est surtout montréalais, mais pas uniquement : elles ont aussi interrogé Serge Bouchard sur le Nord. Il est question des Québécois «de souche», francophones comme anglophones, et des immigrants. Le reportage ratisse large, du choix de la langue d’expression par les chanteurs au Canada «postnational» de Justin Trudeau.

Certaines des affirmations du livre méritent discussion. L’influence amérindienne sur l’identité québécoise est-elle aussi profonde que les auteures le disent ? Les pages sur l’implication des pères de famille ne sont-elles pas un brin trop roses (couleur de circonstance) ? L’Oreille tendue serait ravie que «l’accès au savoir» soit le «socle de la société québécoise» (p. 29); elle est loin d’en être convaincue. Les auteures ont un point de vue, avec lequel on peut être en accord ou pas.

En revanche, quelques erreurs factuelles leur ont échappé. Le film l’Enfant martyre de la page 48 est la Petite Aurore, l’enfant martyre. Les créateurs seront aussi étonnés que les patrons de Bombardier de lire que «les arts et la culture au Québec sont certainement le secteur qui reçoit le plus de subventions» (p. 57). La phrase «l’arrivée par l’autoroute 20 et par Montréal-Nord» (p. 66) risque de laisser le lecteur désorienté. Fernand Dumont étant mort en 1997, il est peu plausible qu’il ait publié un livre avec Gérard Bouchard en 2011, comme l’affirme Akos Verboczy (p. 104). Le cours obligatoire Éthique et culture religieuse (et non le «cours d’éthique religieuse») n’a pas été créé à la recommandation de la Commission de consultation sur les pratiques d’accommodement reliées aux différences culturelles, dite commission Bouchard-Taylor (p. 110).

Une relecture attentive, par quelqu’un d’informé, aurait permis d’attirer l’attention sur ce qui est neuf dans ce portrait des Québécois, plutôt que sur ses erreurs. Ce n’est pas elles qu’il faut retenir.

P.-S.—En haut de la page 56, il est certes question de sexe, mais de là à confondre «satirique» et «satyrique»… L’usage fréquent de «drastique» fera tiquer ceux qui chassent l’anglicisme.

P.-P.-S.—Les auteures semblent apprécier le Code Québec (2016); l’Oreille est moins sûre qu’elles.

 

Référence

Pivot, Laurence et Nathalie Schneider, les Québécois, Paris, Ateliers Henry Dougier, coll. «Lignes de vie d’un peuple», 2017, 143 p.

Autopromotion 332

Argument, 20, 1, 2017-2018, couverture

Pour marquer son vingtième anniversaire, la revue Argument a invité des paires d’intellectuels à débattre. L’Oreille tendue y est; elle cause, encore et toujours, de langue, cette fois-ci avec Lionel Meney.

 

Référence

«Savoir débattre. Numéro anniversaire 20 ans», Argument, 20, 1, automne 2017-hiver 2018, 182 p. ISSN : 1481-3971; ISBN : 978-2-89578-624-5.

Table des matières

Charbonneau, François et Patrick Moreau, «Dossier. Savoir débattre. Présentation», p. 3-6.

Quérin, Joëlle et Louis Rousseau, «Doit-on supprimer le cours Éthique et culture religieuse ?», p. 7-19.

Vinay, Patrick et Alain Naud, «L’aide médicale à mourir est-elle un progrès ?», p. 21-32.

Meney, Lionel et Benoît Melançon, «Les Québécois parlent-ils bien français ?», p. 33-45. https://doi.org/1866/31980

Scraire, Mathieu et Étienne Beaulieu, «Les animaux sont-ils des personnes ?», p. 46-58.

Durand, Guy et Daniel Weinstock, «L’État québécois doit-il cesser de financer les écoles privées ?», p. 59-71.

Gibeau, Élisabeth et Youri Chassin, «Le remboursement de la dette publique au Québec doit-il être une priorité ?», p. 72-84.

Vibert, Stéphane et Vanessa Udy, «L’appropriation culturelle, est-ce bien grave ?», p. 85-99.

Moisan, Sabrina et Éric Bédard, «Doit-on enseigner d’abord l’école nationale à l’école ?», p. 100-112.

Simard, Marc et Simon Tremblay-Pepin, «Faut-il sortir du capitalisme ?», p. 113-124.

Boucher, François et Mathieu Bock-Côté, «Immigrants : intégration à la culture commune ou multiculturalisme ?», p. 125-138.

Trottier, Jean-Philippe et Marilyse Hamelin, «Vivons-nous dans une société patriarcale ?», p. 139-151.

Benhabib, Djemila et Louis-Philippe Lampron, «La laïcité ouverte, est-ce toujours la laïcité ?», p. 152-164.

Jacques, Daniel D. et Sol Zanetti, «Doit-on en finir avec le projet d’indépendance du Québec ?», p. 165-176.

Jacques, Daniel D., «20 ans. L’esprit d’Argument, bis», p. 177-182.