Courrier papal

«André Breton photographié par Henri Manuel», 1927

On glisse à l’oreillette de l’Oreille tendue qu’un nouveau pape aurait été désigné. Si jamais vous souhaitez lui écrire, Alexandre Vialatte a des conseils pour vous :

Lorsque vous écrivez au pape, mettez sur l’enveloppe : «Sa Sainteté»; pour l’en-tête : «Très Saint-Père»; dans la lettre : «Votre sainteté». Soyez bref, châtiez votre style, faites accorder les participes et vérifiez le pluriel des noms à trait d’union. Terminez par : «Que Votre Sainteté daigne agréer l’assurance de la très respectueuse considération avec laquelle j’ai l’honneur d’être, de Votre Sainteté, le très humble et très obéissant serviteur.»
Pour les patriarches orientaux, employez «Sa Béatitude».
Avec des camarades, soyez plus familier (p. 118).

À votre service.

P.-S.—L’Oreille a déjà cité ces utiles conseils dans une œuvre de jeunesse (1997).

 

Illustration : «André Breton photographié par Henri Manuel», 1927, photo déposée sur Wikimedia Commons

 

Références

Melançon, Benoît, «Le cabinet des curiosités épistolaires», Bulletin de l’AIRE (Association interdisciplinaire de recherche sur l’épistolaire, Paris), 20, novembre-décembre 1997, p. 58-59; repris, sous le titre «Écrire au pape», dans Écrire au pape et au Père Noël. Cabinet de curiosités épistolaires, Montréal, Del Busso éditeur, 2011, p. 9-12. https://doi.org/1866/32393

Vialatte, Alexandre, Almanach des quatre saisons, Paris, Julliard, 1981, 232 p.

Curiosité voltairienne (et tatouée)

Tatouage «écrasez l’infame» sur le bras d’un homme

Ce tatouage, repéré sur Bluesky, est une citation de Voltaire, dans sa propre calligraphie. En effet, celui-ci utilisait souvent, dans ses lettres, la formule «Écrasez l’Infâme» (à partir de 1760), parfois ramenée à «Écrlinf» (à partir de 1763). Cet «infâme» désigne notamment l’intolérance des dogmes religieux.

 

Voltaire est toujours bien vivant.

Accouplements 257

Portraits de Giacomo Casanova et de Denise Filiatrault, collage

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Hoffmann, Benjamin, les Minuscules. Roman, Paris, Gallimard, coll. «NRF», 2024, 285 p.

«Un examen minutieux, inspiré par la jalousie la plus vive qui ne me laissait ignorer ni recoins, ni cachettes, qui me poussait à explorer les pages des livres et le revers du matelas, les profondeurs des chaussures et l’envers des édredons, m’apprit une vérité qui me déchira le cœur : la lettre de ma rivale devait reposer contre le sien puisque je ne la trouvais nulle part. Mon imagination troublée me représentait Giacomo [Casanova] relisant pour la millième fois les mots d’Henriette, les baisant avec des transports passionnés puis les plaçant contre sa peau comme le substitut d’une caresse» (p. 178-179).

Filiatrault, Denise, «Rocket Rock and Roll», 1957, 2 minutes 37 secondes, disque 45 tours et disque 78 tours, étiquette Alouette CF 45-758; repris dans Une simple mélodie. Une anthologie de la chanson québécoise de 1900 à 1960, coffret de dix disques audionumériques, 2007, étiquette Disques XXI XXI-CD 2 1571 et dans les Légendes des Canadiens, Musicor, disque audionumérique, 2009.

«J’ai beau chercher
Tout retourner
Tout chavirer
Je n’peux pas l’trouver

Rock’n’roll Rocket Rocket
Rock’n’roll Rocket Rocket

C’est vraiment bête
De manquer son Rocket
Pour un ticket

Monsieur le placier, quel bonheur
J’ai retrouvé mon ticket
Il était là sur mon cœur
Je vais voir mon Rocket
Ah ! zut ! La partie est finie»

Voler sans Jean Echenoz

Jean Echenoz, Bristol, 2025, couverture

On l’a vu il y a plusieurs années, Jean Echenoz n’aime pas les pigeons.

Dans Cherokee (1983), il les appelle des «rats de l’espace» (p. 168).

Ça ne va pas mieux pour eux dans Au piano (2003) — «une bande de pigeons trempés, hirsutes et froissés qui — preuve qu’ils sont conscients d’être sales — venaient de prendre un bain lustral dans un caniveau d’eau courante avant de s’envoler pesamment» (p. 187) — ni dans Des éclairs (2010) —«Le pigeon couard, fourbe, sale, fade, sot, veule, vide, vil, vain» (p. 142).

Qu’en est-il du récent Bristol (2025) ? Les colombophiles risquent de se récrier une fois de plus : «souvent ces animaux roucoulent et c’est exaspérant, parfois même ils s’accouplent et c’est inacceptable» (p. 15).

Heureusement, Echenoz a un faible pour les chiens (voir ici ou ) et pour les mouches (Luc Jodoin vous le confirmera).

P.-S.—Autant l’avouer : l’Oreille tendue, dans son jeune temps, a publié un petit quelque chose sur les pigeons voyageurs.

 

Références

Echenoz, Jean, Cherokee. Roman, Paris, Éditions de Minuit, 1983, 247 p.

Echenoz, Jean, Au piano. Roman, Paris, Éditions de Minuit, 2003, 222 p.

Echenoz, Jean, Des éclairs. Roman, Paris, Éditions de Minuit, 2010, 174 p.

Echenoz, Jean, Bristol. Roman, Paris, Éditions de Minuit, 2025, 205 p.

Melançon, Benoît, «Le cabinet des curiosités épistolaires. Sur les pigeons», Revue de l’AIRE (Association interdisciplinaire de recherche sur l’épistolaire, Paris), 27, hiver 2001, p. 171-172; repris, sous le titre «Du pigeon voyageur», dans Écrire au pape et au Père Noël. Cabinet de curiosités épistolaires, Montréal, Del Busso éditeur, 2011, p. 33-36. https://doi.org/1866/32393

Correspondre, en 2024

Sapin de Noël, 24 décembre 2021

Depuis une demi-douzaine de lustres, l’Oreille tendue répète à qui veut l’entendre, aussi bien qu’aux autres, que l’écriture épistolaire n’est pas morte, malgré ce que l’on raconte depuis l’arrivée du courrier électronique. Ses usages se sont, en fait, spécialisés (voir ici et ).

La Presse+ du 23 décembre 2024 donnait deux exemples de cette permanence de la correspondance.

Au Québec, on invite des gens seuls à partager un repas de Noël («Il était une fois monsieur Bélanger, votre voisin»).

Des Ukrainiens, dont des enfants, envoient des «lettre[s] de remerciement à l’intention des soldats engagés sur la ligne de front» («Un troisième Noël sous les bombes»).

Certaines formes d’adresse ne sont pas près de disparaître.

 

Référence

Melançon, Benoît, Écrire au pape et au Père Noël. Cabinet de curiosités épistolaires, Montréal, Del Busso éditeur, 2011, 165 p. https://doi.org/1866/32393

Benoît Melançon, Écrire au pape et au Père Noël, 2011, couverture