Autopromotion 668

Épistolaire, 48, 2022, couverture

Depuis la nuit des temps, l’Oreille tendue collabore à Épistolaire, la revue de l’Association interdisciplinaire de recherches sur l’épistolaire. De sa chronique, «Le cabinet des curiosités épistolaires», elle a tiré un recueil en 2011, Écrire au pape et au Père Noël.

La 48e livraison d’Épistolaire vient de paraître (2022, 267 p., ill., cahier couleurs, ISSN : 0993-1929). L’Oreille y parle des lettres déchirées et découpées, donc de mode féminine.

 

Table des matières

Haroche-Bouzinac, Genevière, «Avant-propos», p. 5-6.

«Dossier. Épistolaire et biographie»

Simonet-Tenant, Françoise, «Introduction. Les lettres et le “secret de vie…», p. 9-18.

Diaz, José-Luis, «“Il est tout entier dans sa correspondance…” Usages biographiques de l’épistolaire dans la seconde moitié du XIXe siècle», p. 19-32.

Haroche-Bouzinac, Geneviève, «Réflexions sur un papier à lettres», p. 33-41.

Genand, Stéphanie, «L’épistolaire comme trace mémorielle chez le marquis de Sade et Germaine de Staël», p. 43-49.

Hovasse, Jean-Marc, «La vie et les lettres de Victor Hugo», p. 51-60.

Dufief, Pierre-Jean, «Les Goncourt au confessionnal de la correspondance», p. 61-71.

De Vita, Philippe, «La lettre dans les biographies de Jean Renoir : un document subjectif», p. 73-86.

Gestern, Hélène, «Armen Lubin, une vie à écrire», p. 87-98.

«La lettre dans l’univers de la biographie», p. 99-103. Entretien avec Dominique Bona. Propos recueillis par Geneviève Haroche-Bouzinac.

«Perspectives»

Rizzoni, Nathalie, «Écrans nouveaux et petite poste de Paris au début des années 1760», p. 107-128. Ill.

Guiot, Tristan, «Une correspondance au statut problématique : enjeux historiques, théoriques et critiques des Lettres de Renée Vivien à Kérimé», p. 129-141.

Allorant, Pierre, «Jeanne Jozon (1868-1946) artiste “art nouveau”. Aspects d’une correspondance inédite», p. 142-161. Ill.

Obitz-Lumbroso, Bénédicte, «L’édition numérique de correspondances : pour quoi, pour qui ? Réflexions autour de l’édition de la correspondance de Beaumarchais», p. 163-173.

«Chroniques»

Melançon, Benoît, «Le cabinet des curiosités épistolaires», p. 177-179.

Vanackere, Mathilde, «État présent des études sur la correspondance de Bussy-Rabutin», p. 181-188.

Rouch, Marine, «Simone de Beauvoir “épistolière” : état de la question», p. 189-203.

«La revue Plumes, une aventure éditoriale singulière. Entretien avec Marianne Vic», p. 205-208. Propos recueillis pas Geneviève Haroche-Bouzinac.

«Recherche»

Forner, Fabio, «Présentation du Centre de recherche sur les correspondances de Vérone, Centro di ricerca sugli epistolari del settecento (C.R.E.S.)», p. 211-215.

Biron, Caroline, «L’émergence du roman épistolaire en France au XVIIe siècle. Thèse de doctorat en Langue et littérature françaises, soutenue à l’université de Nantes le 19 novembre 2021, sous la direction de Mme Nathalie Grande», p. 217-219.

«Comptes rendus», p. 221-259.

«Table des figures», p. 261-262.

«Résumés», p. 263-267.

Benoît Melançon, Écrire au pape et au Père Noël, 2011, couverture

Autopromotion 651

Guy Lafleur dans une publicité épistolaire de la Fondation des maladies mentales du Québec

Aujourd’hui, l’Oreille tendue sera au micro de Chantal Dauray, à l’émission de radio Au fil du temps, de Canal M Vues et voix. Il sera question d’écriture épistolaire.

L’émission commence à midi. Elle peut être écoutée en direct ou en différé sur le Web.

 

[Complément du jour]

On peut (ré)entendre l’entretien ici, à partir de la 32e minute.

Carences de l’Oreille

Marie-Hélène Voyer, Mouron des champs, 2022, couverture

L’Oreille tendue n’est douée ni pour la calligraphie ni pour le dessin. Demandez-lui de vous écrire un mot ou d’illustrer quelque chose et le résultat est assuré : un barbeau / barbot. Définition d’Usito : «Tache d’encre sur du papier; dessin, caractère d’écriture maladroit, confus ou informe.»

On trouve au Québec les deux graphies.

«Un barbot ! Saloperie !» (De Saint-Denys Garneau, Lettres, à François Rinfret, 23 juin 1932, p. 245)

«Chaque fois que j’écris me revient ce jeu auquel ma mère s’adonnait parfois avec moi. Elle dessinait d’abord sur une feuille des lignes tortueuses et torturées. Des barbeaux têtus et obscurs» (Marie-Hélène Voyer, Mouron des champs, p. 165).

C’est comme ça.

 

Références

De Saint-Denys Garneau, Lettres, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, coll. «Bibliothèque du Nouveau Monde», 2020, 918 p. Édition préparée, présentée et annotée par Michel Biron.

Voyer, Marie-Hélène, Mouron des champs suivi de Ce peu qui nous fonde, Saguenay, La Peuplade, coll. «Poésie», 2022, 196 p.

Raconter Jackie Robinson

Kostya Kennedy, True, 2022, couverture

Jackie Robinson est le premier joueur noir du baseball «moderne». L’Oreille tendue l’admire et elle a beaucoup parlé de lui (voir ici). Elle a lu plusieurs livres à son sujet, le plus récent étant la biographie publiée il y a quelques mois par Kostya Kennedy, True. The Four Seasons of Jackie Robinson. Comment dire quelque chose de neuf d’une figure si souvent commentée ?

Kennedy se concentre sur quatre «saisons» dans la vie de Robinson : 1946 (au moment où il jouait pour les Royaux de Montréal), 1949 (quand il a été nommé joueur le plus utile de la Ligue nationale de baseball), 1956 (lorsque sa carrière se termine), 1972 (alors qu’il meurt à 53 ans). Cela est suivi d’un texte intitulé «Afterlife», où il est est question de la Fondation Jackie-Robinson et de la postérité du joueur (culturelle, politique, sociale). Quel que soit l’événement retenu, l’auteur ne se gêne jamais pour reculer dans le temps ou pour évoquer ce qui viendra : il peut ainsi aborder tous les aspects de la vie ou de la carrière de Robinson à partir des quatre dates qui structurent l’ouvrage.

Les Montréalais, pour d’évidentes raisons, sont attachés à la saison 1946. Si Branch Rickey, le patron des Dodgers de Brooklyn, a choisi Montréal pour faire entrer Robinson dans le baseball professionnel «blanc», c’est, d’une part, parce qu’il mesurait les difficultés que le joueur aurait rencontrées en commençant sa carrière à Brooklyn et, d’autre part, parce qu’il croyait que le milieu montréalais lui serait moins hostile qu’une ville états-unienne. Cela s’est confirmé : Robinson et sa femme Rachel ont passé des décennies à partager les souvenirs heureux de leur séjour.

L’année passée à Montréal par Robinson est bien connue, notamment grâce au livre de Marcel Dugas, Jackie Robinson, un été à Montréal (2019). Kennedy n’apporte guère d’informations nouvelles à ce propos, mais il est plus sensible à ce qui s’est passé en 1946 que le réalisateur Brian Helgeland dans 42, son film de 2013. Il ne dore pas non plus la pilule : il y avait du racisme contre les Noirs à Montréal dans les années 1940, mais il ne prenait pas les mêmes formes instituées qu’aux États-Unis à la même époque (p. 18-19). S’il est prudent sur ce plan, Kennedy l’est moins en matière culinaire — il n’est pas du tout sûr qu’on ait mangé de la poutine à Montréal en 1946 (p. 40) — ou linguistique — c’est quoi, ça, le «Franglais» (p. 60) ?

Là où True apporte de l’information intéressante (à défaut d’être complètement inédite), c’est autour de quelques figures. Kennedy insiste, par exemple, sur les motivations de Branch Rickey et sur son importance, non seulement pour le recrutement de Robinson, mais pour les modes d’organisation du baseball professionnel : «Branch Rickey […] bowed with equal piety at the altars of Methodism and capitalism» (p. 112); «Alfred North Whitehead suggested that the last 2,500 years of Western philosophy can be viewed as a series of footnotes to Plato. It’s as easy to see the last century of baseball player development as a series of footnotes to Branch Rickey» (p. 143 n. 19). La comparaison entre Roy Campanella et Robinson est éclairante : «I’m no crusader» (p. 150), aurait un jour déclaré le premier au second, qui, lui, en était un. En 1955, pendant un match des séries mondiales, Robinson essaie un jeu osé; un de ses adversaires, Yogi Berra, est convaincu qu’il a raté son coup, mais l’arbitre en décide autrement, ce qui rend Berra furieux. Pendant des années, cela sera un rituel conversationnel entre Berra («Out !») et Rachel Robinson («Safe !») (p. 165). Même avec un ami comme Martin Luther King, Robinson pouvait monter le ton, comme le montrent ses lettres (p. 212-217).

Des questions hypothétiques sont abordées : que serait-il arrivé si Robinson était passé aux Dodgers dès 1946, sans attendre 1947 (p. 49-54) ? Le jeu le plus excitant au baseball ne serait pas, comme on le dit souvent, le triple, mais une souricière impliquant Robinson (p. 70-73). En effet, là où Robinson aurait été le plus dangereux, c’est comme coureur («Basepaths», p. 65-73). Le principal intéressé le savait : «“Daring,” he said. “That’s half my game”» (p. 66). S’agissant de lutte contre la ségrégation, le stade des Dodgers, dans les années 1940 et 1950, aurait été un lieu inédit : «What was happening on the Dodgers in those years was not happening in many other places» (p. 90); «Was there in 1949 another public accommodation in America so naturally desegregated as Ebbets Field ?» (p. 122)

Kennedy ne passe pas sous silence les aspects les plus sombres du tempérament de Robinson. Quand il commence sa carrière, beaucoup est attendu de lui — «the most anticipated, talked-about, and heavily freighted debut in the history of professional sports» (p. 50) — et Rickey lui demande de ne pas répliquer aux attaques dont tout le monde sait qu’il sera la victime. Par la suite — après les «steely early years of self-restraint» (p. 215) —, Robinson n’hésitera pas à se défendre. Comme il n’avait pas peur de la controverse («his readiness to antagonize» (p. 216 n. 28), il n’avait pas peur non plus de s’en prendre, verbalement ou pas, à ses adversaires (p. 172) comme à ses coéquipiers (p. 107, p. 164).

True est une lecture agréable à plusieurs égards, mais tout n’y est également réussi. Kostya Kennedy, à l’occasion, attribue des pensées à ses personnages, comme s’il avait accès à ce qu’ils ont de plus intime : «I can’t fail again, he thought. I won’t let that happen» (p. 179). L’excellent passage sur la position au bâton de Robinson, qui ouvre le livre («Stance», p. 3-6), est suivi d’une bien artificielle tentative de mise en parallèle entre cette position et le rôle des États-Unis dans le monde après la Deuxième Guerre mondiale (p. 4). Les amateurs de bons sentiments apprécieront quelques passages (p. 42-43, p. 90-91, p. 187-189, p. 193); ce n’est pas le cas de l’Oreille.

Terminons, comme il se doit, en rappelant les propos de Robert B. Parker dans Hush Money, en 1999 : «Nobody’s Jackie Robinson» (p. 229). C’est triste, mais c’est comme ça.

 

Références

Dugas, Marcel, Jackie Robinson, un été à Montréal. La fin de la ségrégation raciale dans le baseball, Montréal, Hurtubise, 2019, 204 p. Ill.

Helgeland, Brian, 42, film, 2013.

Kennedy, Kostya, True. The Four Seasons of Jackie Robinson, New York, St. Martin’s Press, 2022, viii/278 p. Ill.

Parker, Robert B., Hush Money. A Spenser Novel, New York, G. P. Putnam’s Sons, 1999, 309 p.

Accouplements 187

Kostya Kennedy, True, 2022, couverture

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Kennedy, Kostya, True. The Four Seasons of Jackie Robinson, New York, St. Martin’s Press, 2022, viii/278 p. Ill.

«Fan letters came to the home [la maison de Robinson à Stamford], some of them with no street adress, no zip code, no name of the town. Just : “The great Jackie Robinson, Connecticut”» (p. 226).

Goulemot, Jean M. et Didier Masseau, «Lettres au grand homme ou Quand les lecteurs écrivent», dans Mireille Bossis (édit.), la Lettre à la croisée de l’individuel et du social, Paris, Kimé, coll. «Détours littéraires», 1994, p. 39-47.

«Une seule remarque sur l’aspect matériel qui mériterait une longue étude. Un certain nombre de lettres porte comme simple adresse : “Monsieur Bernardin de Saint-Pierre, auteur des Études de la nature” ou “auteur de Paul et Virginie” ou encore, tout simplement “écrivain”» (p. 43).