Seuls ou ensemble

François Blais, Iphigénie en Haute-Ville, 2006, couverture

Dans certains cas — histoire de suivre la mère de l’Oreille tendue —, il faudrait distinguer le fou du fin : «Pas assez fous pour mettre le feu, mais pas assez fins pour l’éteindre !»

Dans d’autres, on peut les prendre ensemble, car l’important est la masse qu’ils désignent : «Ça, ça tombe bien parce que moi, des opinions, j’en ai pour les fins et pour les fous», affirme le personnage éponyme du roman Iphigénie en Haute-Ville de François Blais (2006, p. 89).

La Base de données lexicographiques panfrancophone, à «fins», explique l’expression «il y en a pour les fins pis pour les fous» : «Il y en a en grande quantité, en abondance.»

C’est comme ça.

 

Référence

Blais, François, Iphigénie en Haute-Ville. Roman à l’eau de rose, Québec, L’instant même, 2006, 200 p.

À éviter, dans la mesure du possible

Le nouveau ministre de l’Éducation du Québec, Jean-François Roberge, a joué «au hockey jusqu’au niveau junior», déclare-t-il à la Presse+. Voilà probablement pourquoi il n’hésite pas à utiliser la langue de puck pour expliquer son refus de répondre à une question : «Je ne veux pas scorer dans mon but.» Il vaut mieux, en effet, éviter de faire à la place de vos adversaires ce qu’ils voudraient vous faire.

P.-S.—Cette translation de la langue du hockey vers la langue de la politique est fréquente. Pensons, par exemple, aux personnalités qui veulent «accrocher leurs patins politiques» ou à celles qui jouent «les coudes plutôt haut dans les coins de patinoire».

 

Référence

Melançon, Benoît, Langue de puck. Abécédaire du hockey, Montréal, Del Busso éditeur, 2014, 128 p. Préface de Jean Dion. Illustrations de Julien Del Busso.

 

Langue de puck. Abécédaire du hockey (Del Busso éditeur, 2014), couverture

Vélo sur glace

«Deux hommes penchés sur un vélo sur une route de Pontoise», photo attribuée à Delizy, 1897

Phillip Danault joue pour les Canadiens de Montréal — c’est du hockey.

La Presse+ lui demandait plus tôt cette semaine d’expliquer les succès inattendus de son équipe en ce début de saison. Tout passe, disait-il, par l’effort collectif : «Avec notre équipe, ça prend tout le monde. Sinon, la chaîne débarque.»

Cette chaîne, dont Danault souhaite qu’elle ne débarque pas / plus, est celle du vélo : quand la chaîne saute, en effet, impossible d’avancer; on est condamné, à plus ou moins brève échéance, au surplace.

Le joueur des Canadiens n’évoque pas, on l’aura compris, un véritable vélo arrêté sur la glace. (Jouer en patins est déjà suffisamment compliqué.) Son propos a valeur métaphorique.

P.-S.—Au Québec, le vélo est tout aussi bien une bicyclette, un bicycle, voire un «bécique» (Expo habitat, p. 14), un «bécik» (Petit lexique […], p. 43), un «bécyk» (Canadian French for Better Travel, p. 89) ou un «bicique» (Supplément 1981, p. 68).

 

[Complément du 9 mars 2019]

Cette «chaîne» est-elle fort connue au Québec ? Certes, s’il faut en croire la Presse+ du jour : «Mais comme on l’a vu à quelques reprises cette saison, toujours sur la route (souvenez-vous d’Edmonton, du New Jersey et du Minnesota), la proverbiale chaîne a débarqué.» «Proverbiale», elle est.

 

[Complément du 2 juin 2023]

Variation, tirée de la Presse+ du 1er juin 2023 : «C’est certain que si vous remplacez Sean Murphy, Matt Olson, Marcus Semien et Matt Chapman par des réservistes de 33 ans et des jeunes qui en arrachent, c’est possible que la chaîne déraille.»

 

Illustration : «Deux hommes penchés sur un vélo sur une route de Pontoise», photo attribuée à Delizy, 1897, Rijksmuseum, Amsterdam

 

Références

Bergeron, Léandre, Dictionnaire de la langue québécoise précédé de la Charte de la langue québécoise. Supplément 1981, Montréal, VLB éditeur, 1981, 168 p.

Corbeil, Pierre, Canadian French for Better Travel, Montréal, Ulysse, 2011, 186 p. Ill. Troisième édition.

Desjardins, Ephrem, Petit lexique de mots québécois à l’usage des Français (et autres francophones d’Europe) en vacances au Québec, Montréal, Éditions Vox Populi internationales, 2002, 155 p.

Voyer, Marie-Hélène, Expo habitat, Chicoutimi, La Peuplade, coll. «Poésie», 2018, 157 p.

Tu peux prendre tout ton temps…

Marie-Hélène Voyer, Expo habitat, 2018, couverture

Soit les deux citations suivantes, tirées du recueil de poésie Expo habitat de Marie-Hélène Voyer (2018) :

Le temps traîne de la patte
prend des détours
brette un peu (p. 55)

des flancs mous des branleux des bretteux des galeux (p. 63)

Au Québec, qui brette — le bretteux — ne fait pas que prendre son temps; il prend tout son temps, vraiment tout son temps. Cela peut ennuyer ses proches.

Synonymes : lambiner (Canadian French for Better Travel, p. 129); bisouner, travailler sans conviction, pour se distraire (Dictionnaire de la langue québécoise, p. 97); fainéanter, musarder, tarder, niaiser (Usito).

 

Références

Bergeron, Léandre, Dictionnaire de la langue québécoise, Montréal, VLB éditeur, 1980, 574 p.

Corbeil, Pierre, Canadian French for Better Travel, Montréal, Ulysse, 2011, 186 p. Ill. Troisième édition.

Voyer, Marie-Hélène, Expo habitat, Chicoutimi, La Peuplade, coll. «Poésie», 2018, 157 p.