Autopromotion 075

L’Oreille tendue sera ce matin, le 28, peu après 10 h, au micro de Catherine Perrin, à Ici Radio-Canada première (yerk), pour parler des mots de la rentrée scolaire, avec Chantal Lamarre et Antoine Robitaille.

Le 17 septembre 2012, elle s’était livrée à un exercice semblable, toute seule dans son coin.

 

[Complément du jour]

L’Oreille a parlé de swag et de yolo — et de yuvav, sa version québécoise —, du tutoiement — «SPIN ton stress», «Magane pas tes organes» — et, trop brièvement, de l’équipe-école. Elle aurait aussi aimé glisser un mot de l’enfant sporadique. Ce sera pour une autre fois.

Sur Twitter, Stéphanie Chicoine a proposé, plutôt que Yinke une vie à vivre (yuvav), On vit juste une fois (ovjuf). OXO Translations penchait pour carpe diem.

Antoine Robitaille, lui, a signalé l’utilisation d’ortho et de épique.

On peut (ré)entendre l’entretien ici.

Le jeu de l’Oreille

Quelques questions pour les bénéficiaires habituels de l’Oreille tendue, histoire de tester leurs connaissances.

(Réponses officielles le 4 février. Si vous préférez soumettre les vôtres d’ici là, prière d’utiliser la rubrique «Laissez une réponse» ci-dessous.)

1. On doit à un auteur fétiche de l’Oreille l’incise suivante : «L’aveugle se doit d’être un peu muet, sentencia Russel.» De quel auteur s’agit-il ? (Deux points supplémentaires si vous repérez l’œuvre d’où est tirée cette phrase.)

2. Quelle est la capitale de la Notulie ?

3. Trouvez l’intrus : «une avion», «une escalier roulante», «une autobus», «une ascenseur», «une ambulance».

4. Donnez cinq synonymes du mot rondelle. (Un point pour l’ensemble des cinq réponses.)

5. Comment désigne-t-on un enseignant de sciences dans les écoles montréalaises ?

6. Votre journée de travail est finie. Devriez-vous dire «Je me suis flushé du bureau» ou «J’ai quitté pour la journée» ?

7. La formule «catholique progressiste», lue dans le Devoir des 26-27 janvier 2013, est-elle un pléonasme ou un oxymore ?

8. Dans le Charretier de la «Providence», Georges Simenon écrit la phrase suivante : «on vit le matelot […] faire sauter, du pont et d’un geste précis, les amarres de leurs bittes» (p. 53). À quelle figure de style a-t-il recours ?

9. Dans quelle capitale trouve-t-on Les Capitales ?

10. Quelle ville du Saguenay—Lac-Saint-Jean peut-on confondre avec une expression latine ?

 

Référence

Simenon, Georges, le Charretier de la «Providence», dans Romans. I, Paris, Gallimard, coll. «Bibliothèque de la Pléiade», 495, 2003, p. 1-103 et 1337-1353. Édition établie par Jacques Dubois, avec Benoît Denis. Édition originale : 1931.

Suivre le Printemps érable

Nicolas Langelier, Année rouge, 2012, couverture

[Deuxième texte d’une série sur les livres du Printemps érable. Pour une liste de ces textes, voyez ici.]

Atelier 10 lançait hier le deuxième titre de sa collection «Documents», Année rouge. Notes en vue d’un récit personnel de la contestation sociale au Québec en 2012, de Nicolas Langelier.

Le sous-titre décrit parfaitement l’ouvrage. S’y croisent des citations (de la Presse canadienne, de la Presse, du Devoir), des allusions de l’auteur à sa vie (amis, amours, vie professionnelle, vieillissement), des réflexions sur les grèves étudiantes de 2012, dans le contexte local, mais pas seulement (mouvement Occupy, l’Espagne, la Grèce, etc.), des listes, des bouts de conversation, etc. Ce sont en effet des «notes», des fragments, pas un essai démonstratif ni une étude.

On y trouve néanmoins des éléments qui scandent le texte. Nicolas Langelier a traversé le «Printemps québécois» — qu’il vaudrait mieux qualifier de «Printemps montréalais» selon lui — en lisant un auteur latin du IIe siècle, Marc Aurèle, en étant habité d’une constante «rage» — le mot est partout — et en étant sensible à ce qui se produisait le 22 de chaque mois — où en était-on d’une manifestation, puis d’une commémoration à l’autre ?

Langelier ne s’en cache pas : il était du côté des «carrés rouges», ces «enfants d’une ère dépolitisée» dont il fait lui-même partie. Il partageait leur «rage» et leurs idéaux. Il a pourtant rapidement prévu leur échec, du moins dans l’immédiat. Pourquoi ? Lui qui se définirait probablement comme un pragmatiste ne voit pas comment les manifestants auraient pu passer de la revendication à des actions inscrites dans la durée : «les manifestations ont vraiment atteint la fin de leur durée de vie utile : elles ne sont plus qu’une perte de temps et d’énergie»; «Il est difficile de ne pas avoir un sentiment doux-amer : malgré les moments extraordinaires, la révolution n’a pas eu lieu»; «Les changements ne viendront jamais d’une série de manifestations.» La période aura donc été «extraordinaire», mais aura-t-elle des suites ?

On pourra trouver que l’auteur se fait la part belle dans cette série d’instantanés au je, à la fois dans le récit de sa vie durant la dernière année — lui et une comédienne faisant l’amour, ils sont «Intenses comme GND» — et dans la conscience qu’il aurait eue très tôt de l’issue prévisible du mouvement de contestation lancé par les étudiants, ce «grand démantibulage progressif». Peu importe : c’est la loi du genre de l’autoportrait (fractionné). Dans le même temps, il serait le premier à se reconnaître une part de légèreté, voire d’inconséquence («C’est le genre de question que je me pose assis chez moi devant un écran quelconque, à ne rien faire de vraiment plus utile»).

De son livre, on retiendra plutôt deux aspects, étonnants l’un et l’autre, mais pas pour les mêmes raisons.

Langelier, qui vomit l’ancien premier ministre du Québec («Je ne me souviens pas d’avoir détesté quelqu’un autant que je déteste en ce moment Jean Charest»), ne semble guère se reconnaître dans les principes, notamment identitaires, du Parti québécois, l’autre grand parti politique québécois, et il prend la peine de rappeler les hauts faits d’armes, à une époque, du Parti libéral du Québec. De même, il recueille les propos de membres de la Commission-Jeunesse de ce parti, eux qui sont si éloignés, du moins en apparence, de ses valeurs. Ils n’ont certes pas la «rage» qui le caractérise, mais il ne traite jamais avec mépris ces «jeunes socialement ambitieux et engagés». Voilà un point de vue singulier, comme si un héritage avait été dilapidé, celui d’un parti «jadis si fier et noble».

En revanche, l’approche retenue par Langelier ne lui permet guère de donner un sens nouveau à ce qui s’est passé au Québec depuis le début de 2012. Sa prose multiplie images et sensations («Nous détestons beaucoup de choses, en ce printemps 2012, mais nous nous aimons tous beaucoup»), mais elle reste largement insensible aux thèses et aux mots du Printemps. Contrairement à ce que fait le romancier Patrick Nicol, Langelier ne met pas en lumière le dévoiement de la langue, privée et publique, dans lequel la société québécoise baigne depuis des mois. Il fait entendre quelques slogans (mais rien sur les pancartes), il rappelle que le gouvernement «odieux» de Jean Charest martelait le double argument selon lequel les étudiants devaient payer leur «juste part» et qu’il ne fallait pas céder à «la rue», il évoque les lettres ouvertes des journaux sans donner à lire leur contenu, il relève l’apparition de l’expression «angoisse fiscale». C’est peu, quand on pense aux flots de mots de cette «étrange année», et rarement développé.

Pour l’essentiel, Patrick Nicol parle de la «contestation sociale» de l’extérieur, en se demandant comment dire cette chose inouïe, des dizaines de milliers de jeunes en grève, pendant des mois. Nicolas Langelier reste à l’intérieur de la crise, fasciné par elle, collé à ses représentations, notamment médiatiques. Est-ce pour cela que le second est plus désespéré que le premier ?

 

[Complément du 24 novembre 2012]

L’Oreille tendue a lu Année rouge en numérique (format ePub). C’est en recevant le livre papier qu’elle a découvert qu’il est illustré…

 

Références

Langelier, Nicolas, Année rouge. Notes en vue d’un récit personnel de la contestation sociale au Québec en 2012, Montréal, Atelier 10, coll. «Documents», 02, 2012, 100 p. Ill.

Nicol, Patrick, Terre des cons. Roman, Montréal, La mèche, 2012, 97 p.

Souvenir du printemps

Durant les grèves étudiantes québécoises de 2012, l’Oreille tendue a porté son regard vers les pancartes des manifestants (en imagesen motsen paroles).

Plus récemment, ici et , elle s’est interrogée sur la place du latin dans la culture qui l’entoure.

Un texte de deux de ses collègues dix-huitiémistes lie ces choses :

Au refus de négocier que leur signifie le gouvernement, les associations étudiantes des collèges et des universités opposent, le 22 mars, 200 000 protestataires défilant dans les rues de Montréal : «Une espèce menacée : Alumni quebecenses», écrit-on plaisamment sur certaines affiches.

Voilà de futurs diplômés québécois menacés mais cultivés.

 

Référence

Bernier, Marc André et Geneviève Lafrance, «Printemps érable au Québec : les cent jours du mouvement étudiant», Bulletin de la Société française d’étude du dix-huitième siècle, troisième série, 85, juillet 2012, p. 1-2.

Le latin de RDS

Il y a quelques semaines, l’Oreille tendue parlait latin. En fait, de la présence de cette langue réputée morte dans la culture québécoise contemporaine.

Voici un autre exemple du même phénomène, plus cocasse celui-là.

Tombant sur un reportage télévisé du Réseau des sports (RDS) le 13 octobre, l’œil de l’Oreille a été attiré par un gros titre.

Il accompagnait un reportage sur l’entraîneur des Red Wings de Détroit — c’est du hockey —, Mike Babcock. En congé forcé pour cause de lock-out, il est revenu à Montréal pour y retrouver les Redmen de l’Université McGill. Pourquoi cette équipe ? Parce que McGill est l’alma mater de Babcock.

Le titre de RDS ? «Alma ma terre».

P.-S. — Il y a peut-être là, sans que l’on comprenne bien pourquoi, un hommage à la ville du Saguenay—Lac-Saint-Jean appelée Alma.