NFS

Marie-France Bazzo, Nous méritons mieux, 2020, couverture

Comment dire, au Québec, dans le registre familier, d’une chose qu’elle se termine abruptement ? «Net frette sec», rappelle à juste titre Marie-France Bazzo dans Nous méritons mieux (2020, p. 7). C’est net, c’est (à) froid («frette»), c’est sec : ça peut même faire mal.

Pierre DesRuisseaux préfère la graphie «Net fret sec», toujours sans ponctuation : «Faire qqch. d’un coup sec, sans détour» (Trésor des expressions populaires, 2015, p. 213).

Léandre Bergeron propose «Net, fret, sec», avec virgules (Dictionnaire de la langue québécoise, 1980, p. 235).

Vous ferez bien comme vous voudrez.

 

[Complément du 22 mars 2022]

Variation dans l’ordre des mots, dans la Presse+ du jour : «“J’aimerais faire un K.-O. frette, net, sec.”» Au bout du fil, l’enthousiasme débordant de Corinne Laframboise frappe d’entrée de jeu.»

 

Références

Bazzo, Marie-France, Nous méritons mieux. Repenser les médias au Québec, Montréal, Boréal, 2020, 213 p.

Bergeron, Léandre, Dictionnaire de la langue québécoise, Montréal, VLB éditeur, 1980, 574 p.

DesRuisseaux, Pierre, Trésor des expressions populaires. Petit dictionnaire de la langue imagée dans la littérature et les écrits québécois, Montréal, Fides, coll. «Biblio • Fides», 2015, 380 p. Nouvelle édition revue et augmentée.

Autoportrait au pardessus

Antoine Brea, l’Instruction, 2021, couverture

«Dans les panneaux transparents et les verrières étincelantes, je surprenais partout la silhouette du même homme discret en costume neutre, au pardessus sans teinte porté sur le bras pour ne pas transpirer, du même homme jeune plutôt bien de sa personne mais à l’allure rébarbative, avec des mouvements lents, précis d’homme fatigué, d’homme fatigué mais attentif. Un homme dont l’œil était las, dont tout le corps était engourdi, et pourtant le fait d’avoir passé une sale nuit cette fois n’y était pour rien, ni la douceur tout estivale de cet après-midi de fin novembre, c’était plutôt comme si moi, Favre Patrice, qui étais cet homme que je croisais et que j’avisais en étranger, comme si je me laissais aller, que je mollissais après avoir suivi trop nerveusement un but presque touché du doigt.»

Antoine Brea, l’Instruction. Roman, Montréal, Le Quartanier, série «QR», 154, 2021, 310 p., p. 271-272.

Accouplements 161

André Brochu et Gilles Marcotte, la Littérature et le reste, 1980, couverture

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Brochu, André et Gilles Marcotte, la Littérature et le reste. Livre de lettres, Montréal, Quinze, coll. «Prose exacte», 1980, 185 p.

Au terme de la deuxième lettre, Gilles Marcotte envoie André Brochu «au monticule» : «Je n’ai pas frappé toutes les balles que vous m’avez expédiées durant cette première manche : vos courbes, vos glissantes, vos balles-papillons, vos “spit-balls”. Je me suis contenté, comme disent les experts, de “garder le marbre”. Mais la partie n’est pas finie…» (p. 29) Réponse de Brochu : «J’ai, pour le baseball, un mépris égal à celui de votre Maurice Parenteau. […] Dites-moi, le monticule, est-ce le lieu d’où on lance ou celui où l’on frappe ? Il serait bon que je sache, histoire d’ajuster mes métaphores» (p. 30). Diagnostic final : «Quel jeu compliqué, le baseball !» (p. 39)

Bélanger, David et Michel Biron, Sortir du bocal. Dialogue sur le roman québécois, Montréal, Boréal, coll. «Liberté grande», 2021, 227 p.

Première lettre de Michel Biron, à David Bélanger, le 1er mai 2020 : «Il me semble t’avoir déjà cité l’exemple de l’échange épistolaire entre les critiques Gilles Marcotte et André Brochu, paru en livre sous le titre La Littérature et le Reste. C’était une autre époque, bien sûr : le courrier électronique n’existait pas, les Canadiens gagnaient Coupe Stanley après Coupe Stanley, les Expos de Montréal n’étaient pas très bons, mais ils étaient beaux à voir» (p. 9-10).

P.-S.—Les Expos, c’était l’équipe de baseball de Montréal. Ce ne l’est plus.

Les zeugmes du dimanche matin et de Tristan Saule

Tristan Saule, Mathilde ne dit rien, 2021, couverture

«le calme de grands jardins qui tiennent les routes et les indésirables à distance» (p. 20).

Les aiguillages «existent toujours, sous la végétation et l’indifférence» (p. 46).

«Elle a l’agréable sensation que l’air purifie son intérieur, qu’il aspire les poussières, les odeurs, les regrets, et qu’il les emporte dehors avec lui» (p. 138).

Tristan Saule [pseudonyme de Grégoire Courtois], Mathilde ne dit rien. Roman. Chroniques de la place carrée. I, Montréal, Le Quartanier, coll. «Parallèle», 02, 2021, 280 p.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

L’oreille tendue de… Antoine Brea

Antoine Brea, l’Instruction, 2021, couverture

«S’ils savaient, non pas les provocateurs qui répandent à dessein ces bruits stupides, mais ceux qui tendent l’oreille, qui au tribunal s’en régalent, vers quel état recroquevillé a évolué ma libido depuis des mois, même des années, sans parler des effets maintenant des médicaments.»

Antoine Brea, l’Instruction. Roman, Montréal, Le Quartanier, série «QR», 154, 2021, 310 p., p. 116.