L’oreille tendue de… Françoise Major

Françoise Major, le Nombril de la lune, 2018, couverture

«À quelques mètres, un drapeau à l’effigie du pape, différent de celui qu’elles avaient déjà, titillait son âme de collectionneuse. L’enfant partit en quête du vendeur pour satisfaire la volonté maternelle, pendant que le soliloque déviait vers le réconfort, l’éclaircissement que procurait une vie dans la Vérité, “… de la tristesse pour ceux qui s’y refusent, de la tristesse, oui, ils n’auraient qu’à tendre l’oreille, ouvrir les yeux et le cœur à la parole de Dieu, ay sí, pobrecitos”.»

Françoise Major, le Nombril de la lune. Nouvelles, Montréal, Le Cheval d’août, 2018, 276 p., p. 44-45.

 

[Complément du 7 janvier 2019]

P.-S.—L’Oreille tendue a présenté ce texte le 7 janvier 2019.

L’art du pastiche

Nadine Bismuth, Un lien familial, 2018, couverture

La parodie doit faire rire : on sait qu’il y a moquerie. Le pastiche est plus subtil, qui mêle appropriation stylistique et différence perceptible. Tout y est affaire de distance finement mesurée.

La romancière Nadine Bismuth avait déjà fait la preuve de sa maîtrise du pastiche dans Scrapbook en 2004. On y trouvait un vrai-faux projet de thèse de doctorat qui n’aurait (presque) pas déparé un dossier universitaire (éd. 2006, p. 203-205).

Rebelote avec Un lien familial, paru l’an dernier. Les parents apprécieront les messages de l’«enseignante» de la petite Charlotte, points d’exclamation à l’appui (p. 123, p. 192). Les amateurs de cuisine goûteront le blogue d’Isabelle, ses recettes, ses conseils et son autoportrait en creux (p. 60-65). Les lecteurs de communiqués de presse — il s’en trouve — se réjouiront devant celui signé Romane Trépanier (p. 275-276).

L’Oreille tendue ne peut qu’applaudir devant l’art avec lequel Nadine Bismuth fait entendre nombre d’aspects du sociolecte montréalais contemporain, ceux-là comme d’autres.

 

Références

Bismuth, Nadine, Scrapbook. Roman, Montréal, Boréal, coll. «Boréal compact», 176, 2006, 393 p. Édition originale : 2004.

Bismuth, Nadine, Un lien familial. Roman, Montréal, Boréal, 2018, 317 p.

Accouplements 128

Un lien familial (2018) et la Femme jalouse (1790 / 2015), couvertures

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Bismuth, Nadine, Un lien familial. Roman, Montréal, Boréal, 2018, 317 p.

«Au fond de mes poches, je sens mes mains devenir moites. Magalie est donc là, à l’étage au-dessus de moi, à respirer le même air» (p. 250).

Ségur, Joseph-Alexandre, vicomte de, la Femme jalouse, Montréal, Del Busso éditeur, 2015, 245 p. Édition présentée et commentée par Flora Amann et Benoît Melançon. Édition originale : 1790. https://doi.org/1866/32306

«Au moins, il ne s’éloignait pas, je respirais le même air que lui; mais dans deux jours il part, je le perds pour jamais, et je renoncerais à l’espoir de le voir un moment ! De rencontrer ses yeux ! D’entendre dire de sa bouche qu’il n’oubliera pas la plus infortunée de toutes les femmes !…» (p. 194-195)

2018 en livres

L’Oreille tendue vit dans les livres : elle en écrit, elle en édite, elle en commente (en classe, ici, ailleurs, à l’écrit et à l’oral). Et elle en lit. Que retenir de ses lectures de 2018 ?

Qu’elle a relu des classiques, George Dandin de Molière, Jacques le fataliste de Diderot et des textes épars d’Arthur Buies, en y retrouvant son habituel bonheur.

Qu’elle a lu des livres sur la langue, notamment ceux de Michel Francard — Tours et détours. Les plus belles expressions du français de Belgique (2016), Vous avez de ces mots… Le français d’aujourd’hui et de demain ! (2018), Tours & détours le retour. Les plus belles expressions du français de Belgique (2018) —, et sur l’édition — l’Édition à l’ère numérique de Benoît Epron et Marcello Vitali-Rosati (2018).

Qu’elle a apprécié la poésie de Marie-Hélène Voyer (Expo habitat, 2018) et de Maxime Catellier (Mont de rien, 2018), et la prose de David Turgeon (A propos du style de Genette, 2018) de Catherine Voyer-Léger (Prendre corps, 2018), d’Éric Chevillard (Défense de Prosper Brouillon, 2017), de Philippe Lançon (le Lambeau, 2018) et de Serge Bouchard (les Yeux tristes de mon camion. Essai, 2016).

Elle a aussi lu des romans.

Elle devrait continuer à lire en 2019.

Divergences transatlantiques 055

Michel Francard, Tours & détours le retour, 2018, couverture

La phrase est célèbre : «The United States and Great Britain are two countries separated by a common language.» Il en existe des variantes : «The United States and Great Britain are two nations separated by a common language»; «The English and the Americans are two peoples divided by a common language»; «Americans and British are one people separated by a common language»; etc. On en attribue souvent la paternité à George Bernard Shaw, sans pouvoir citer de source exacte.

Les États-Unis et la Grande Bretagne seraient donc séparés par une langue commune. (On peut penser qu’il s’agit de l’anglais.)

La phrase a été reprise pour d’autres langues, l’italien et le néerlandais — mais pas pour l’allemand.

L’Oreille tendue vient d’en trouver une application au français (de France et de Belgique), sous la plume de Michel Francard, dans Tours & détours le retour (2018) : «Nous sommes deux pays qu’une même langue sépare, n’est-ce pas ?» (p. 155)

La collection est ouverte, comme il se doit : les contributions sont bienvenues.

 

Référence

Francard, Michel, Tours & détours le retour. Les plus belles expressions du français de Belgique, Bruxelles, Racine, 2018, 176 p. Illustrations de CÄät.