Accouplements 111

Daniel Carr et Denis Diderot, collage

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Bouchard, Olivier, «Le match d’hier revu et colligé #82», Athlétique, 8 avril 2018.

«On ne saura probablement jamais pourquoi Daniel Carr a passé tout ce temps dans la Ligue américaine. Le gars a 30 points à forces égales en 94 matchs d’expérience dans la LNH, ce qui ne ressemble à rien en surface, mais sachant qu’il joue 10, 11 minutes par matchs sur une quatrième ligne, ça revient à, oh, 25 ou 26 points par saison ? J’ai toujours un peu de misère à croire que ce genre de contribution est purement fongible.»

Melançon, Benoît, Diderot épistolier. Contribution à une poétique de la lettre familière au XVIIIe siècle, Montréal, Fides, 1996, viii/501 p. Préface de Roland Mortier. https://doi.org/1866/11382

«Si la lettre peut troubler le destinataire au moment même qu’il la reçoit, cela ne revient pas à dire que son pouvoir disparaît pour autant par la suite : ni consomptible ni fongible, elle reste chargée de sens, on peut y revenir, la relire, la toucher de nouveau, lui donner un nouveau sens — ou le même —, comme texte et comme objet» (p. 209).

Dans la vie, on n’utilise pas assez le mot fongible.

Aller à l’essentiel

Marie Lambert-Chan, Petit guide de survie des étudiants, 2012, couvertureEn 2012, les Presses de l’Université de Montréal ont publié, sous la plume de Marie Lambert-Chan, un Petit guide de survie des étudiants. Il est disponible en libre accès ici.

La quatrième section est consacrée aux études supérieures (p. 91-127). L’Oreille tendue recommande particulièrement les textes «Comment gérer les conflits entre un étudiant et un directeur de recherche ?» (p. 102-104), «Comment bien se préparer à l’examen de synthèse ?» (p. 119-121), «Comment tirer un livre de sa thèse ?» (p. 122-124) et «Avez-vous le profil d’un stagiaire postdoctoral ?» (p. 125-127).

Une citation, enfin : «si vous ne parlez pas aux médias, quelqu’un d’autre le fera à votre place» («Comment devenir un bon vulgarisateur scientifique ?», p. 112).

P.-S.—Au moment de la parution de cet ouvrage, l’Oreille travaillait chez son éditeur. Elle n’a rien eu à voir avec la décision de le publier.

 

Référence

Lambert-Chan, Marie, Petit guide de survie des étudiants, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 2012, 155 p. Ill. Préface de Paule des Rivières.

Accouplements 110

Lettre de faire-part du futur décès, gravure de Henri Charles Guérard

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Boutet, Josiane, le Pouvoir des mots. Nouvelle édition, Paris, La Dispute, 2016, 256 p.

«Les pratiques d’euphémisation qui consistent, par exemple, à ne pas dire explicitement de quelqu’un qu’il est “mort”, mais qu’“il est parti”, “il est décédé”, “il n’est plus”, “il nous a quittés” s’apparentent aussi aux processus des mots tabous : ne pas dire le mot, c’est éloigner la chose» (p. 244).

Carrère, Emmanuel, D’autres vies que la mienne, Paris, P.O.L, 2009, 309 p.

Étienne : «Ça l’a mis en colère, se rappelle-t-il, qu’elle le réveille et surtout qu’elle dise “Juliette est partie” au lieu de “Juliette est morte”» (p. 293).

Barbe, Jean, Discours de réception du prix Nobel, Montréal, Leméac, 2018, 61 p.

«—Jean… Élaine est décédée.
Sur le coup, je n’ai rien dit. Je regardais le visage de mon frère, inquiet, triste, inquiet surtout, pour moi. J’ai crié :
— Elle n’est pas “décédée”… Elle est morte… Morte !
Puis je suis allé m’enfermer dans ma chambre avec la mort» (p. 19).

Office québécois de la langue française, Banque de dépannage linguistique

«Lorsqu’on parle de personnes, mourir convient dans tous les contextes.»

P.-S.—L’Oreille tendue le sait : son combat pour mourir (voir ici et ) est perdu d’avance. Pas besoin de le lui répéter.

 

Illustration : Lettre de faire-part du futur décès, gravure de Henri Charles Guérard, 1856-1897, Rijksmuseum, Amsterdam

Parler de thèse depuis trois décennies

Michel Beau, l’Art de la thèse, éd. de 2006, couvertureL’Art de la thèse, de Michel Beaud, existe depuis 1985. À une époque, il y en a même eu une version québécoise. Sa plus récente édition date de 2006.

C’est un ouvrage pratique et, comme tout ouvrage pratique, la valeur de ses conseils est inégale : «il est utile de réfléchir avant d’agir» (p. 74); «Et vous-même, pensez régulièrement à vous ressourcer, en allant marcher une journée ou de tout autre manière qui vous convienne» (p. 51).

On y trouve des choses inattendues : «Test : avant de décider de faire une thèse» (p. 14); «Test : avant le choix de votre directeur de thèse» (p. 31). Des phrases étonnent, qui n’en sont pas moins justes : «il en est des directeurs de thèse comme des médicaments, il faut savoir en faire bon usage» (p. 30); «Que nul ne s’en offusque : comme des médicaments, il y a un bon usage du directeur de thèse» (p. 106).

On pourrait lui reprocher de ne pas connaître l’existence des logiciels de bibliographie ou de ne pas tenir compte des cultures disciplinaires en matière de rédaction scientifique (on n’écrit pas une thèse en lettres comme une thèse en astronomie).

À d’autres égards, l’Art de la thèse est un livre utile. On y insiste sur les difficultés du travail de thèse, sans jamais dorer la pilule. On y rappelle qu’il faut prendre note de tout et ne jamais se fier à sa mémoire (p. 95). On y souligne l’importance de la veille bibliographique. On y donne des chiffres nécessaires : en France, depuis 1983, en sciences sociales et humaines, 3000 thèses sont soutenues par année (p. 10), dont environ 7 % en littérature française (p. 177-193), soit environ 200 thèses par année. On y distingue le plan de travail du plan de thèse (p. 60, p. 97-98, p. 105); ce n’est pas la même chose.

On retiendra particulièrement deux passages. Dans le premier (p. 55-56), on propose une réflexion sur le statut des hypothèses dans le travail de thèse : une hypothèse, c’est un outil de découverte; une hypothèse, c’est un moment d’une réflexion (elle peut donc changer en cours de travail). Dans le second (p. 69-71), on montre bien que ce qui distingue le travail de maîtrise du travail de doctorat est le recours à la théorie; sans ce recours, pas de thèse possible.

Après trois décennies, cet ouvrage n’a guère perdu de son actualité.

 

Référence

Beaud, Michel, l’Art de la thèse. Comment préparer et rédiger un mémoire de master, une thèse de doctorat ou tout autre travail universitaire à l’ère du Net, Paris, La Découverte, coll. «Grands repères», série «Guides», 2006, 202 p. Ill. Édition révisée, mise à jour et élargie en collaboration avec Magali Gravier et Alain de Tolédo.