Henri Castagnette, le personnage principal de Whitehorse (2015), libraire à temps partiel, écrivain sans œuvre, velléitaire et fabulateur, vit avec une comédienne débutante, Laura. Quand elle obtient le premier rôle dans un film de Sylvain Pastrami, également intitulé Whitehorse, la jalousie d’Henri explose. Cela se terminera mal (pour l’instant : une deuxième partie est à paraître).
Avant cette fin violente, on aura eu l’occasion de rire dans une série de vignettes absurdes ou parodiques : métaphores routières (p. 30, p. 68), dialogue au Kafka (p. 34) ou au kale (p. 104), conversations embarrassées (p. 60-63), scène de couple avec poireau (p. 84-87), mondanités droguées (p. 133-134), propos sur l’art («Les biennales d’art, ça, c’est un bon concept ! Ça devrait s’appliquer à tout. Faites de l’art juste aux deux ans, gang […]», p. 170).
On aura aussi eu droit, en matière de sexualité et d’homosexualité, à nombre de représentations et de discours. Les mots ne sont pas moins crus que les images. Les langages du corps importent fort au narrateur.
«Ils descendirent de la voiture, lui surveillant les alentours et Colette ses escarpins rouges» (p. 515).
Ian Manook, Yeruldelgger. Roman, Paris, Albin Michel, coll. «Le livre de poche. Policier», 33600, 2016, 646 p. Avant-propos inédit de l’auteur. Édition originale : 2013.
2.
«Écoute-moi bien : je suis un vieux flic fatigué. Traquer des minables comme toi a fracassé ma vie. J’y ai perdu mes amours, beaucoup d’amis, pas mal de ma santé, et beaucoup de temps» (p. 217).
«Il parlait d’une voix calme, sans véritable colère, tout en conduisant avec prudence à travers la ville écartelée par les vents, les terrains vagues et la tristesse» (p. 318).
«J’ai une carte de flic, un autre flingue et aucun remords» (p. 359).
«Ça va être plus dur pour toi maintenant, à pied, dans la steppe, et dans ma ligne de mire» (p. 540)
Ian Manook, les Temps sauvages. Roman, Paris, Albin Michel, coll. «Le livre de poche. Policier», 34208, 2016, 573 p. Édition originale : 2015.
Si tu peux gravir un mont, tu peux aussi le dégravir : «Bientôt nous avons dégravi le mont Phoscaos […]» (Salut, mon pope !, p. 199-200).
Si tu peux pendre ta veste, tu peux aussi la dépendre : «Il dépendit sa veste qu’il avait mise à un clou […]» (le Coup de Vague, p. 87).
Si tu peux te faire radicaliser ou embrigader, tu peux aussi te faire déradicaliser ou désembrigader : «Le terme “déradicalisation”, largement décrédibilisé, commence à être remplacé par “désembrigadement” dans le discours institutionnel» (@_DavidThomson).
Si tu peux prioriser quelque chose, tu peux le déprioriser : «Dans les faits, bien entendu, si vous établissez certaines priorités, vous en dépriorisez» (le Devoir, 21 juillet 2016, p. A8).
Si tu peux te faire sodomiser, tu peux te faire désodomiser : «C’est toi le petit génie, non ? répondit un autre inspecteur concentré sur la meilleure façon de désodomiser la troisième victime» (Yeruldelgger, p. 30).
Références
Manook, Ian, Yeruldelgger. Roman, Paris, Albin Michel, coll. «Le livre de poche. Policier», 33600, 2016, 646 p. Avant-propos inédit de l’auteur. Édition originale : 2013.
La première fois, c’était une italienne. Ce soir, une chinoise. Vive les pendaisons de grues de Structures universelles.
Grue chinoise, Saint-Roch-de-l’Achigan, juillet 2016
Mardi, 12 juillet 2016
Sur le bord du lac, le son d’une tchén’ssâ. Ce n’est que justice.
Découvrir que tu es une icône canadienne…
Canadian Who’s Who, publicité par courriel, juillet 2016
…mais que vous êtes des milliers.
Jeudi, 14 juillet 2016
En juillet 1976 s’ouvraient les jeux Olympiques de Montréal. Pour des raisons médicales — une histoire de tracteur mal réceptionné —, l’Oreille n’a pu faire autre chose que regarder les compétitions et leurs reprises pendant deux semaines de son lit d’hôpital. (1976, c’était avant Internet et ses choix.) Elle en a eu assez pour toute son existence. Cet été, elle ne suivra pas ce qui se passe à Rio.
Dimanche, 17 juillet 2016
En après-midi, sous un soleil qui tapait, il y avait à Joliette, dans le cadre du Festival de Lanaudière, un hommage à Ella Fitzgerald par Jessica Vigneault, «la fille de Gilles Vigneault», précisait le programme, et l’Orchestre national de jazz de Montréal («national de Montréal» ? Passons). Fan d’Ella, l’Oreille tendue y était. Il serait injuste de comparer Jessica Vigneault, «la fille de Gilles Vigneault», à Ella Fitzgerald. N’essayons même pas.
Mardi, 19 juillet 2016
Qui dit villégiature dit lectures de villégiature, voire lectures de locations de villégiature : des livres découverts dans des maisons inconnues. L’année dernière, à Barcelone, l’Oreille avait ainsi lu un Gérard de Villiers (son premier, et personne n’y feulait). Cet été, ce fut un San-Antonio, Salut, mon pope !, de 1966. L’Oreille n’avait pas lu du Frédéric Dard depuis plus de trente-cinq ans. Elle se souvenait de l’importance de l’incise chez l’auteur, de sa passion pour le calembour, de son enflure verbale assumée, de l’inintérêt des intrigues. Elle a retrouvé le plaisir du zeugme, de la liste, de l’énumération. Elle avait cependant oublié la misogynie et l’homophobie (grec, donc pédé) de l’ensemble. Les vacances servent aussi à cela. (Heureusement, il y avait aussi des Simenon : le Coup de Vague, de 1938, les Fantômes du chapelier, de 1949, et Maigret à l’école, de 1954. C’était nettement mieux que San-A., bien que le deuxième roman soit assez clairement raciste à l’occasion.)
Que seraient des vacances sans un 36 trous (de minigolf) ?
Le 15e trou du parcours Le Défi du Super Putt de Saint-Charles-Borromée, Québec, juillet 2016
Jeudi, 21 juillet 2016
Centre-ville de Joliette. À l’entrée du restaurant, le drapeau noir-jaune-rouge. Dans les assiettes, des chicons. C’est bien la Fête nationale de la Belgique.
Que seraient les vacances sans quelques parties de quilles (les petites, bien sûr) ?
Dimanche, 24 juillet 2016
Que seraient les vacances sans la baladodiffusion ? Recommandation du jour : Revisionist History de Malcolm Gladwell (ce génie).
Malcolm Gladwell
Que seraient les vacances sans un animal (daim, écureuil, vacancier de la construction) surpris sur le chemin du chalet ?
Lundi, 25 juillet 2016
Pour la deuxième fois, commentaire du fils cadet de l’Oreille : «Djoke de prof.» Sa progéniture et elle n’ont pas tout à fait le même sens de l’humour.
Que seraient les vacances sans la conduite automobile des mous du bulbe sur les routes régionales du Québec ? (L’excellent @machinaecrire a une explication de ce phénomène; elle est ici.)
Mardi, 26 juillet 2016
Que seraient les vacances sans les souris (et le mulot) du chalet de location ?
Que seraient les vacances sans la fréquentation des classiques ?
Histoire de pêche, Chertsey upon Cairo, Québec, juillet 2016
Que seraient les vacances sans art religieux (et automobile) ?
Mercredi, 27 juillet 2016
Que seraient les vacances sans ces plaisanciers sans veste de flottaison et sans ces automobilistes sans clignotant ?
Que seraient les vacances sans des saucisses (au fudge) ?
Gastronomie québécoise, juillet 2016
Que seraient les vacances sans un peu de culture latine ?
Mise en garde, juillet 2016
Jeudi, 28 juillet 2016
Que seraient les vacances sans l’explosion du coût des données mobiles ?
Vendredi, 29 juillet 2016
Que seraient les vacances sans sa rue éventrée au retour ?
Samedi, 30 juillet 2016
Que seraient les vacances sans une longue et tortueuse séance de slalom entre les cônes montréalais ?
L’Oreille tendue enseigne à l’université. Elle y a longtemps dirigé un département d’études littéraires. Pendant plus longtemps encore, elle s’y est occupée d’édition scientifique. En outre, elle blogue, elle est active sur les réseaux sociaux et elle répond souvent aux invitations des médias dits traditionnels (presse, radio, télévision).
C’est dire qu’elle a un certain nombre de choses à dire sur la place des universitaires dans l’espace public.
Elle a donc été ravie de soumettre un texte à la série que l’agence Science-presse a lancée ce printemps à propos du journalisme scientifique. Ça s’appelle «Université, diversité» et ça se trouve ici ou là.
Sous la plume de Gérard Bouchard, dans le Devoir du jour, ceci : «Ce déséquilibre appelle une répartition plus équitable des subventions, bien sûr, mais aussi une nouvelle reconnaissance des titres et des emplois. Il plaide aussi pour une réforme de l’imaginaire scientifique, lequel ne tient pour “savant” que le manieur d’éprouvettes, le porteur de sarrau ou, plus généralement, la recherche appuyée sur une impressionnante infrastructure d’équipement.»
Dans la Presse+ du 20 février, cela :
[Complément du 31 mai 2022]
L’association sarrau/science n’est pas évidemment pas que québécoise, ainsi que le rappelait en 2016 Jack Lynch dans son excellent You Could Look It Up : «By the middle of the nineteenth century, the modern scientific establishment was in place. Knowledge about the natural world came not from tradition, not from authority, but from empirical research no longer carried out by gentleman amateurs in potting sheds, but by white-coated specialists in academies or universities, with laboratories fitted with expensive equipment paid for by grants» (p. 342). Depuis le milieu du XIXe siècle, la connaissance du monde s’acquerrait en vêtement blanc.
Référence
Lynch, Jack, You Could Look It Up. The Reference Shelf from Ancient Babylon to Wikipedia, New York et Londres, Bloomsbury, 2016, 453 p. Ill.