Unité de temps

Hervé Bouchard, Parents et amis sont invités à y assister, 2014, couverture

Soit les phrases suivantes, tirées de Parents et amis sont invités à y assister. Drame en quatre tableaux avec six récits au centre d’Hervé Bouchard (2014) :

J’ai le souvenir de m’étendre sous le ciel de mon lit dans le soir et d’attendre le sommeil comme une feuille que le vent pousse. Il arrive enfin, je tombe, pas longtemps, je sais pas, une petite secousse, la maison se balance au souffle des orphelins endormis, j’ai raté quelque chose, je me lève, je vais vers eux dans le noir, je vois rien, ce sont des morts qui respirent, ce sont des empilés qui bougent (p. 64).

Qu’y désigne le mot secousse ? On peut l’entendre doublement.

D’une part, il évoque un «mouvement brusque qui ébranle un corps» (le Petit Robert, édition numérique de 2014). C’est bien à cela que renvoient les mots «la maison se balance» : «une petite secousse, la maison se balance».

D’autre part, secousse est aussi, au Québec, une unité de temps, fort imprécise : Je reviendrai dans une petite secousse. (@TigrouMalin le faisait remarquer un jour sur Twitter.) La grand-mère de l’Oreille tendue disait plutôt escousse. (C’est la même chose et ce n’est pas plus précis.) Ce mot peut avoir le sens, comme ici, de «pas longtemps» : «pas longtemps, […] une petite secousse».

On est ébranlé et on attend (peu), chez Bouchard.

 

[Complément du 20 août 2018]

Occurrence romanesque, non grand-maternelle, chez Christophe Bernard, dans la Bête creuse (2017) : «Il s’était pas mis riche en vendant, mais ça faisait rien, il allait quand même pouvoir se laisser vivre une escousse des fruits de la transaction, largement à son tour que c’était d’offrir à boire aux lurons» (p. 79).

 

[Complément du 26 mars 2019]

En 1937, la brochure le Bon Parler français considérait «Une bonne secousse», mis pour «Assez longtemps», comme une «locution vicieuse» (p. 13).

 

[Complément du 2 janvier 2020]

Le pluriel est plus rare, mais on le trouve dans Expo habitat de Marie-Hélène Voyer (2018) : «Il faut fuir retrouver les chemins cahoteux les chemins de débarques et de débâcles oublier les heures revenir aux escousses […]» (p. 135).

 

Références

Bernard, Christophe, la Bête creuse. Roman, Montréal, Le Quartanier, coll. «Polygraphe», 14, 2017, 716 p.

Le Bon Parler français, La Mennais (Laprairie), Procure des Frères de l’Instruction chrétienne, 1937, 24 p.

Bouchard, Hervé, Parents et amis sont invités à y assister. Drame en quatre tableaux avec six récits au centre, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 14, 2014, 238 p.

Voyer, Marie-Hélène, Expo habitat, Chicoutimi, La Peuplade, 2018, 157 p.

Les 13 néologismes numériques du jour

Nicolas Dickner, Six degrés de liberté, 2015, couverture

«Twitter, especially, is an ideal
incubator for neologisms»
(Ian Crouch, The New Yorker).

Algorédacteur : «journaliste» assisté (Thierry Berthier).

Bluedildonique : vibrateur (dildo dans la langue de Shakespeare) couplé à une connexion Bluetooth (la Presse+).

Copinaute : «J’ai entendu “copinautes”, pour amis du web. Étrangement, j’aime bien» (@revi_redac).

Crowdcensoring : «“Chine : 2 M d’agents en charge de censurer Internet” Après le sourcing et le funding, le crowdcensoring» (@piotrr70).

Pour traduire crowdfunding, on a proposé sociofinancement. Sociocensure pour crowdcensoring ? Non.

Cyberdildonique : voir Bluedildonique.

Gallicanaute : «internaute utilisant Gallica et participant activement à la diffusion des documents de la bibliothèque numérique sur le Web (blogs, réseaux sociaux)» (Lettre de Gallica, 40, 15 mai 2013).

Métajournalisme : «Ce métajournalisme se situera à la racine du traitement algorithmique et assurera la supervision et l’orientation des systèmes de rédaction automatisés» (Thierry Berthier).

Racketiciel : logiciel que le consommateur est obligé d’acheter en achetant son ordinateur (Non aux racketiciels).

So-Lo-Mo : «À l’heure du So-lo-mo (social-local-mobile), la radio est le MÉDIA de choix selon l’animatrice» (la Presse, 13 août 2011, cahier Arts et spectacles, p. 3).

Télédildonique : voir Bluedildonique.

Textambulisme : «art de texter pendant son sommeil» (@FabienDeglise).

Torrenter : télécharger avec le protocole BitTorrent, selon le Nicolas Dickner de Six degrés de liberté (p. 321).

Webnaliste : «Le webnaliste n’existe pas encore officiellement, mais cela ne saurait tarder. Il combinera les expertises du journaliste à celles de l’analyste, mais dans un contexte numérique» (François Descarie).

 

Référence

Dickner, Nicolas, Six degrés de liberté, Québec, Alto, 2015, 292 p.

Accouplements 22

La Presse+, 15 avril 2015

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux textes d’horizons éloignés.)

Pour les Canadiens de Montréal — c’est du hockey —, les séries éliminatoires commencent ce soir.

Cela devrait réveiller la passion du chroniqueur Patrick Lagacé :

«Je suis un fan de hockey à l’image des fumeurs sociaux. Je prends une poffe de temps en temps, ne devenant accro que lorsque le CH s’illustre en séries» (la Presse+).

Et l’intérêt d’un des personnages de la pièce Faire l’amour d’Anne-Marie Olivier (2014) :

«Homme. J’écoute le hockey.
Femmes. Moi, juste les séries» (p. 25).

Ce sera leur vraie saison.

 

Référence

Olivier, Anne-Marie, Faire l’amour, Montréal, Atelier 10, coll. «Pièces», 01, 2014, 110 p. Ill.

Accouplements 21

Nicolas Dickner, Six degrés de liberté, 2015, couverture

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux textes d’horizons éloignés.)

Souvenons-nous d’Un an (1997), le roman de Jean Echenoz : «flottait une puissante odeur de chien bien qu’il n’y eût pas de chien» (p. 64); «Régnaient de suffocantes odeurs d’essence et de chien, mais cette fois avec un chien» (p. 66); «flottait une odeur de grésil et de cendre mais pas de chien bien qu’il y en eût un» (p. 68).

Ouvrons maintenant Six degrés de liberté (2015) de Nicolas Dickner : le sergent M. F. Gamache «passe à la division C une fois par semaine, avec une douzaine de bagels au sésame et des renseignements de première main sur les enquêtes en cours» (p. 38); «le sergent Gamache se pointe brièvement (avec bagels, mais sans information)» (p. 158); «le sergent ne transporte pas ses habituels bagels» (p. 325).

Apprécions.

P.-S.—L’Oreille tendue a présenté Six degrés de liberté le 6 avril 2015.

 

Références

Dickner, Nicolas, Six degrés de liberté, Québec, Alto, 2015, 380 p.

Echenoz, Jean, Un an. Roman, Paris, Éditions de Minuit, 1997, 110 p.