Les zeugmes du dimanche matin et de Joan Didion

Joan Didion, The Year of Magical Thinking, éd. britannique de 2012, couverture

«This was a time, the early 1970s, when Katharine and Conrad and Jean and Brian Moore and John and I traded plants and dogs and favors and recipes and would have dinner at one or another of our houses a couple of times a week» (p. 72-73).

«“X” was a woman with whom I had worked at Vogue. Seductive clouds of cigarette smoke and Chanel No. 5 and imminent disaster had trailed her through the Condé Nast offices, which were the in the Graybar Building» (p. 108).

Joan Didion, The Year of Magical Thinking, Londres, 4th Estate, 2012, 227 p. Ill. Édition originale : 2005.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

Curiosités voltairiennes (et jardinières)

Julia Deck, Ann d’Angleterre, 2024, couverture

«Par les murs minces comme du carton, il transpire que George tente de remettre un sujet sur la table avec Olivia. Or celle-ci en a terminé avec les contorsions pénibles qui mènent à la maternité. George est prié d’aller cultiver son jardin.»

Julia Deck, Ann d’Angleterre. Roman, Paris, Seuil, 2024, 250 p., p. 52.

Voltaire est toujours bien vivant.

 

P.-S.—Les derniers mots de Candide, dans le conte du même nom (1759), sont «Cela est bien dit, répondit Candide, mais il faut cultiver notre jardin.»

P.-P.-S.—L’Oreille tendue a présenté le roman de Julia Deck le 30 décembre 2024.

Vous devriez la faire allonger

Photo de Paul St-Pierre Plamondon

Une phrase parue dans la Presse+ du 14 avril 2025 aura peut-être étonné quelques lecteurs non québécois (voire des lecteurs québécois) : «Misère ! Cet homme [Paul St-Pierre Plamondon] est en train de se payer une méchante réputation de politicien à la peau courte, dont la propension à l’irritabilité transparaît un peu plus chaque jour, et énerve.»

Si le chef du Parti québécois a la «peau courte», c’est qu’il serait hypersensible à la critique. Ce n’est pas un compliment.

Pour Christophe Bernard, l’expression renvoie plutôt à une maladie : «Saint Citron, Liette, mettons pas ça pire que c’est. Il mourra pas de la peau courte à soir, mais on va l’engraisser, ma femme» (la Bête creuse, p. 436).

Ça ne va guère mieux chez Hervé Bouchard : «Puis il y a eu la scène du magasin où je ne voulais pas aller, je me sentais faible et blanc. Je le leur dis sur la banquette arrière où je désirais m’étendre, je suis faible et je suis blanc, non, et j’ai chaud et je sue froid, non, et j’ai les pieds mouillés et j’ai la peau courte et, non, j’ai surtout mal au cœur» (Parents et amis sont invités à y assister, p. 173).

Chez Michel Tremblay, il s’agit d’une transformation au contact de l’eau : «Faut pas rester trop longtemps, par exemple… J’vous donne encore cinq minutes. Sinon, vous allez attraper la peau courte !» (la Traversée des sentiments, p. 435)

Tant de polysémie, si peu d’heures.

 

Références

Bernard, Christophe, la Bête creuse. Roman, Montréal, Le Quartanier, coll. «Polygraphe», 14, 2017, 716 p.

Bouchard, Hervé, Parents et amis sont invités à y assister. Drame en quatre tableaux avec six récits au centre, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 14, 2014, 238 p.

Tremblay, la Traversée des sentiments, dans la Diaspora des Desrosiers, Montréal et Arles, Leméac et Actes sud, coll. «Thesaurus», 2017, 1393 p., p. 331-491, p. 463. Préface de Pierre Filion. Édition originale : 2009.

Citation oto-critique du jour

André Belleau, le Romancier fictif, 1980, couverture

«La pratique critique vise en effet beaucoup plus à poser des problèmes qu’à construire des modèles. Elle opère avec des questionnements pertinents, des concepts adéquats, une bonne reconnaissance du terrain, et beaucoup, beaucoup d’oreille, non avec des modes d’emploi et des posologies. Même bricoleuse (selon le mot de Genette), elle ne se veut pas exclusivement technicienne : elle n’écarte pas la surprise, le raccourci, la trouvaille, le don, la formule, l’effet, le bonheur de son propre langage. Elle a beau dire…»

André Belleau, le Romancier fictif. Essai sur la représentation de l’écrivain dans le roman québécois, Montréal, Presses de l’Université du Québec, coll. «Genres et discours», 1980, 155 p., p. 16. Note liminaire de Marc Angenot.

Le zeugme du dimanche matin et de Simenon

Georges Simenon, le Cheval blanc, couverture

«Était-il menaçant ou était-il ironique ? Il y avait des moments où on se demandait s’il ne jouait pas la comédie et s’il n’allait pas sourire, se débarrasser de sa vermine et de ses rancœurs comme d’une fausse barbe […].»

Simenon, le Cheval blanc, dans Tout Simenon 21, Paris et Montréal, Presses de la Cité et Libre expression, coll. «Omnibus», 1992, p. 703-789, p. 730. Édition originale : 1938.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)