L’oreille tendue de… Simenon

Illustration de Madrazo pour Touriste de bananes

«Et voilà que soudain, Donadieu ricanait, tout haut, au point que Hina, dans son lit, tendit l’oreille et pensa qu’il rêvait. Il ricanait parce qu’il évoquait à nouveau les œillets du presbytère, qui étaient peut-être la cause initiale de sa fugue à Tahiti…»

Simenon, Touriste de bananes ou Les dimanches de Tahiti, dans Tout Simenon 21, Paris et Montréal, Presses de la Cité et Libre expression, coll. «Omnibus», 1992, p. 273-381, p. 378. Édition originale : 1938.

Le pistolet de Philip Roth et de l’Oreille tendue

Philip Roth, Nemesis, éd. canadienne de 2011, couverture

L’Oreille tendue est sortie émerveillée de la lecture de Nemesis (2010) de Philip Roth. En général, les sentiments, bons ou mauvais, la touchent peu en littérature, mais elle fait volontiers une exception pour ce très grand roman.

Elle y lit ceci :

«The ten-year-old Kopferman boy, Danny, had a cap gun made of metal and modeled to look like a real revolver which he carried in his pocket, even when he was in the field playing second base. The cap gun produced a small explosive sound and smoke when the trigger was pressed. Danny liked to come up behind the other boys and try to frighten them with it. Mr. Cantor tolerated these hijinks only because the other boys were never really frightened» (p. 57).

Du passé (linguistique) de l’Oreille surgit alors une expression : ce «cap gun» est, bien sûr, un gun à pétards.

 

Référence

Roth, Philip, Nemesis, Toronto, Penguin Canada, 2011, 280 p. Édition originale : 2010.

Accouplements 258

Pages finales (lignées) du livre Au gré des jours, de Françoise Héritier

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Didion, Joan, The Year of Magical Thinking, Londres, 4th Estate, 2012, 227 p. Ill. Édition originale : 2005.

«Did he have some apprehension, a shadow ? Why had he forgotten to bring note cards to dinner that night ? Had he not warned me when I forgot my own notebook that the ability to make a note when something came to mind was the difference between being able to write and not being able to write ?» (p. 23)

Héritier, Françoise, Au gré des jours, Paris, Odile Jacob, 2017, 151 p. Ill.

«Mais on ne bride pas si facilement un processus créatif de quelque nature qu’il soit. Les souvenirs et les images et les idées persistent à affluer, tantôt avec fugacité, tantôt avec une telle prégnance qu’on les note rapidement sur n’importe quel support : j’ai ainsi pris l’habitude d’avoir toujours auprès de moi de quoi écrire» (p. 12).

P.-S.—Comme on peut le voir par l’image ci-dessus, Françoise Héritier a prévu qu’on prenne des notes dans son livre lui-même.

Les zeugmes du dimanche matin et de Françoise Giroud

Françoise Giroud, On ne peut pas être heureux tout le temps, 2001, couverture

«Je suis partie gonflée d’importance et de documentation, avec un questionnaire bien préparé» (p. 43).

«Mais enfin, fût-ce avec des larmes et des emplois perdus, ce pays s’est rénové et tourné vers l’extérieur […]» (p. 74).

«[…] j’ai déjà écrit quelque part que les hommes ont de grands pieds et des petites lâchetés, ce par quoi ils se distinguent des femmes» (p. 117).

Françoise Giroud, On ne peut pas être heureux tout le temps. Récit, Paris, Fayard, coll. «Le livre de poche», 15329, 2001, 220 p. Ill. Édition originale : 2000.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

L’oreille tendue de… Médéric Gasquet-Cyrus et Christophe Rey

Médéric Gasquet-Cyrus et Christophe Rey, Va voir dans le dico si j’y suis !, 2024, couverture

«Achevons cette petite escapade en “barbarie” en évoquant des mots qui désignent simplement celle ou celui qui n’appartient pas à une région géographique (un vrai touriste, quoi), illustrant une nouvelle fois ce besoin de faire communauté à tout prix. Ainsi, si vous allez en Corse, en Normandie, ou encore en Charente, tendez l’oreille et si vous entendez respectivement les mots pinzutu / pinzut, horsain ou baignassou lorsque vous passez, ne vous méprenez pas, on ne vous souhaite pas la bienvenue ! Mais consolez-vous, on aurait très bien pu vous traiter de “Parigot”…»

Médéric Gasquet-Cyrus et Christophe Rey, Va voir dans le dico si j’y suis ! Ce que les dictionnaires racontent de nos sociétés, Ivry-sur-Seine, Éditions de l’Atelier, 2024, 242 p., p. 99.

 

P.-S.—L’Oreille tendue a présenté ce texte le 28 février 2025.