Découverte lexicale du jour

Caroline Mineau, Habiter une cage ouverte, 2023, couverture

Soit la phrase suivante, tirée de l’essai Habiter une cage ouverte, de Caroline L. Mineau (2023) :

Aiguillonnés par «l’espoir d’acquérir et la crainte de perdre» [Tocqueville] en raison du spectacle constamment renouvelé de ceux et celles qui montent ou qui, au contraire, dégringolent brutalement l’échelle sociale, ils s’agitent continuellement sur place, essayant par tous les moyens d’ajouter une acre à leur champ ou d’impressionner le voisinage en ornant leur demeure de belles colonnes de faux marbre, voisinage qui se verra dans l’obligation de faire de même pour ne pas être en reste, et ainsi de suite, phénomène qu’on observe encore aujourd’hui et qu’on désigne par l’expression «voisins gonflables» (p. 53).

L’Oreille tendue doit l’avouer : elle ne connaissait pas ces voisins gonflables. Ils ne datent pourtant pas d’hier.

Le Wiktionnaire en donne les définitions suivantes : «Cette expression exprime l’idée qu’une personne du voisinage souhaite démontrer qu’elle peut faire mieux que les autres personnes demeurant à proximité, probablement à l’image de la grenouille qui veut être plus grosse que le bœuf»; «Personne nourrissant une escalade de ses désirs en fonction des possessions de son voisinage.» L’exemple retenu est de 2017.

L’Oreille se couchera moins niaiseuse.

 

Référence

Mineau, Caroline L., Habiter une cage ouverte. Regards sur la liberté et ses paradoxes, Montréal, Atelier 10, coll. «Documents», 24, 2023, 99 p. Ill.

Chromatisme véhiculaire

Autobus scolaire québécois

Soit la phrase suivante, tirée de l’essai Habiter une cage ouverte, de Caroline L. Mineau (2023) :

C’était donc très pratique pour [mes parents] que leur grande fille parte seule pour l’école le matin. C’était très normal, aussi, à cette époque : à peu près tous les enfants le faisaient, sauf ceux qui, habitant trop loin, prenaient l’autobus jaune.

Pour n’importe quel locuteur du Québec, ce moyen de locomotion, l’autobus jaune, va de soi : c’est un autobus scolaire. Tout le monde sait ça.

P.-S.—En effet : ce n’est pas la première fois que nous croisons la route de l’autobus; voir ici.

 

[Complément du 17 juin 2023]

Exemple romanesque, lui aussi récent (2023), dans la Maison de mon père, d’Akos Verboczy :

Après mon arrivée à Montréal, je repensais souvent à ces vingt minutes perdues quotidiennement durant toutes ces années. J’ai eu le temps de les compter et de les recompter, sur le chemin du retour de l’école, dans le brouhaha des langues incompréhensibles, assis sur la banquette de l’autobus jaune qui me déposait chaque après-midi — à seize heures vingt-cinq pile — devant notre joli duplex de l’avenue Victoria (p. 53-54).

 

Références

Mineau, Caroline L., Habiter une cage ouverte. Regards sur la liberté et ses paradoxes, Montréal, Atelier 10, coll. «Documents», 24, 2023, 99 p. Ill.

Verboczy, Akos, la Maison de mon père. Roman, Montréal, Boréal, 2023, 327 p.

L’oreille tendue de… Simenon

Simenon, le Suspect, éd. de 1938, couverture

«Marie Chave repassait des chemises, dans la cuisine. Elle pensait sans penser, comme quand on repasse, et le temps étant scandé par les coups de fer sur la table. Parfois elle s’arrêtait, prenait un autre fer sur le feu, l’approchait de sa joue puis, machinalement, tendait l’oreille à la respiration du gamin qui dormait dans la chambre voisine.»

Georges Simenon, le Suspect, dans Tout Simenon 21, Paris et Montréal, Presses de la Cité et Libre expression, coll. «Omnibus», 1992, p. 89-174, p. 96. Édition originale : 1938.

Un seul bardeau vous manque et tout est dépeuplé

Couvertures de livres de Roger et d’Albert Chartier

Par les temps qui courent, l’Oreille tendue travaille sur les Chartier, Roger et Albert.

Lisant une bande dessinée du second, tirée de la série Onésime, elle tombe sur l’expression «Il lui manque un bardeau !» (février 1962, éd. de 1983, p. 80)

Dans le français populaire du Québec, être en manque de bardeau renvoie à une forme légère de folie : là-haut, près du sommet, quelque chose fait défaut. On doit s’en inquiéter, mais pas trop.

Gardez néanmoins l’œil ouvert. On ne sait jamais.

P.-S.—Selon Pierre DesRuisseaux, on dirait aussi manquer un bardeau à sa (sur la) couverture et manquer un bardeau (dans le pignon) (p. 29).

 

Références

Chartier, Albert, Onésime. Ses plus amusantes aventures publiées dans le Bulletin des agriculteurs ces derniers 40 ans, Montréal, Compagnie de publication rurale, 1983, 146 p. Ill.

DesRuisseaux, Pierre, Trésor des expressions populaires. Petit dictionnaire de la langue imagée dans la littérature et les écrits québécois, Montréal, Fides, coll. «Biblio • Fides», 2015, 380 p. Nouvelle édition revue et augmentée.

Les zeugmes du dimanche matin et de Simenon

Simenon, les Sœurs Lacroix, édition néerlandaise, couverture

«Tel était le nouvel événement, qui venait de se dérouler par un des rares matins de soleil, à l’heure où la maison, d’habitude, faisait, avec sa toilette, relâche de méchanceté» (p. 214-215).

«C’était tout. Le Féroce ne pouvait pas comprendre. Il mâchait toujours du vide — ou sa mauvaise humeur —, se levait, poussait un soupir et allait rejoindre les deux autres, le docteur Jules et un médecin du Havre, dans le bureau de tante Poldine qu’on avait mis à leur disposition pour la consultation» (p. 243).

Georges Simenon, les Sœurs Lacroix, dans Tout Simenon 21, Paris et Montréal, Presses de la Cité et Libre expression, coll. «Omnibus», 1992, p. 175-271. Édition originale : 1938.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)