Les zeugmes du dimanche matin et de Christopher Clarey

Christopher Clarey, Federer, 2022, couverture

Le biographe de Roger Federer, Christopher Clarey, aime beaucoup les zeugmes.

«Si, pour moi qui étais assis sur la banquette arrière avec mes notes et mes pensées de pré-entretien, cette chanson [«All by Myself»] semblait parfaitement dans le ton, elle n’aurait pas convenu à Federer, lui qui est si rarement seul et qui l’était encore moins à cette occasion-là» (p. 11).

«Mais Federer et son agent, Tony Godsick, voyaient les choses autrement : ils visaient des marchés et des émotions qu’ils n’avaient pas encore exploités» (p. 12).

«Une sorte de Tatar slave avec un côté cool, sexy, et un revers à deux mains explosif, souvent sauté, qui ne ressemblait à aucun de ceux que j’avais pu voir» (p. 31).

«Ça lui épargne beaucoup de stress et de kilométrage» (p. 238).

«Au tennis, les matchs d’exhibition sont souvent des événements où l’on échange balles et ricanements, blagues et coups foireux» (p. 254)

«Mais même pendant ces brillantes saisons, on avait du mal à oublier l’image de Nadal triomphant, encore et encore, sur terre battue, tandis que Federer perdait la face et son assurance à mesure que le schéma se répétait» (p. 278).

À la moitié de l’ouvrage, l’Oreille tendue a cessé de les noter.

 

Christopher Clarey, Federer. Le maître du jeu. Biographie, Montréal, Flammarion Québec, 2022, 589 p. Traduction de Suzy Borello. Édition originale : 2021.

 

P.-S.—Souvenez-nous : ce n’est pas le seul cas de cette nature croisé ici.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

L’oreille tendue de… Marianne Fritz

Marianne Fritz, le Poids des choses, 2022, couverture

«Berta se pencha vers Rudolf, comme une malentendante : “Qu’est-ce que tu dis ?” Elle tendit l’oreille un instant puis se tourna vers la petite Berta pour lui demander : “Tu as dit quelque chose ?”»

Marianne Fritz, le Poids des choses. Roman, Montréal, Le Quartanier, «Série QR», 173, 2022, 143 p., p. 61. Ttraduction de Stéphanie Lux. Suivi de «Marianne Fritz» par Adrian Nathan West.

Le zeugme du dimanche matin et de Maxime Raymond Bock

Lettres québécoises, 187, hiver 2022, couverture

«C’est qu’en cherchant à humaniser certaines figures qui ont été figées raide, on peut en maintenir certaines autres dans leurs clichés. J’ai pris des notes et de l’expérience, ma cartographie s’en trouve complexifiée de ramifications fractales. Je vois des choses que j’avais ignorées au premier passage.»

Maxime Raymond Bock, «Du fond de ma grotte, ruelle Saint-Hubert», Lettres québécoises, 187, hiver 2022, p. 8-9, p. 9.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

Accouplements 197

Marianne Fritz, le Poids des choses, 2022, couverture

(Accouplements : une rubrique où l’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Il y a plusieurs années, le magazine The New Yorker publiait ce dessin d’humour :

Dessin d’humour, The New Yorker

Phil, parti à la recherche de son âme, était revenu les mains vides.

En 2022, Le Quartanier fait paraître le roman le Poids des choses de Marianne Fritz. Le personnage de Berta y déclare ceci : «Je manque d’intériorité» (p. 52).

L’Oreille tendue se sent très proche de Phil et de Berta.

 

[Complément du 2 décembre 2022]

Question de la taupe québecquoise de l’Oreille : «Vous cherchez votre Oreille interne ?» C’est fort bien vu.

 

[Complément du 22 janvier 2024]

Phil, Berta et Pepper — même combat : «What did Pepper have inside ? Years ago he’d gone with a woman who informed him that he was, in fact, empty. “It’s like there’s nobody home”» (Colson Whitehead, Crook Manifesto, p. 178).

 

[Complément du 3 avril 2024]

Françoise Giroud paraît être de la même famille : «“Vous n’avez pas d’inquiétude métaphysique ?” me demande-t-il. Non. Je suis désolée de le décevoir, mais c’est non» (p. 192).

 

[Complément du 7 août 2024]

Que dit le narrateur de Meutriers sans visage, d’Henning Mankell, au sujet du personnage de Kurt Wallander ?

Il n’avait jamais été très enclin à la philosophie ni particulièrement éprouvé le besoin de rentrer en lui-même, comme on dit. La vie était faite d’une série de questions d’ordre pratique attendant chacune sa solution. Tout ce qui se situait au-delà était inévitable et ce n’était pas le fait d’y chercher un sens qui n’existait pas, de toute façon, qui changerait grand-chose (p. 176-177).

Bienvenue, Kurt !

 

Références

Fritz, Marianne, le Poids des choses. Roman, Montréal, Le Quartanier, «Série QR», 173, 2022, 143 p. Traduction de Stéphanie Lux. Suivi de «Marianne Fritz» par Adrian Nathan West.

Giroud, Françoise, Gais-z-et-contents. Journal d’une Parisienne 3. 1996, Paris, Seuil, 1997, 263 p.

Mankell, Henning, Meurtriers sans visage. Roman, Paris, Christian Bourgois éditeur, coll. «Points», P1122, 2003, 385 p. Édition originale : 1991. Traduction de Philippe Bouquet.

Whitehead, Colson, Crook Manifesto. A Novel, New York, Doubleday, 2023, 319 p.

Lire Gilles Cyr

Gilles Cyr, Voix riches voix sèches, 2022, couverture

«le recueil annoté sans lourdeur
ne ruine pas les prunelles»

L’Oreille tendue rassemble ses notes de lecture dans une base de données.

L’Oreille tendue vient de lire avec plaisir le plus récent recueil du poète Gilles Cyr.

Qu’a-t-elle noté de Voix riches voix sèches dans FileMaker ? Ceci, brut.

Scènes croquées, de la Crète (sections I et II) à des endroits plus familiers. Autodérision (12, 15, 24, 26, 31, 32, 35, 39, 61, 64, 70, toute la section V et toute la section VI). «je m’attarde sur les ambiances» (15). Understatement : «peu sujets à passer inaperçus / les fromages sont excellents» (16). Contre le tourisme de masse : 20, 23. «un texte / s’alarmant sur des riens» (21). Voyage en Crète à deux. Insuffisance des mots à dire le monde (37). Poésie au je. Travail de la nature contre travail des hommes (40, 67). Actualité involontaire : «midi vaches partout» (43). Poésie concrète, matérielle (47-48). Une page = un poème (commençant par une majuscule, sans point final; autrement, seuls les noms propres ont des majuscules). Vacuité des entreprises humaines, durant une réunion (section III) : «Les choses ne tournent pas rond / c’est hyper déprimant» (52). «du coup» (16). Faune, flore. Narquois. Bibi = le poète (70) ? Image forte de la campagne : «un champ de pneus sépare aussi» (70). Une poésie qui ne se prend pas au sérieux, mais qui prend les matières du monde au sérieux (section IV). Les sections V et VI portent sur la poésie, sur la littérature — son écriture, sa lecture, son interprétation : «à toux performative / écriture enrouée» (83); «des périodiques ombrageux / ont expédié leurs comptes rendus» (88); «un essai bien troussé / cela se laisse découvrir» (89); «le recueil annoté sans lourdeur / ne ruine pas les prunelles» (90); «selon le vocabulaire désastreux / généralement en vigueur» (98). Poésie sur la poésie, sur le livre. Quelques allusions à la traduction (94, p. ex.).

Avec quels descripteurs ?

Québec
Poésie
Grèce
Crète
Humour
Icare (71)
Posture (95)

Voilà. Vous savez tout.

 

Référence

Cyr, Gilles, Voix riches voix sèches, Montréal, L’Hexagone, coll. «L’appel des mots», 2022, 105 p.

 

Banque de données, saisie d’écran