Toi, mon associé

L’Oreille tendue aime bricoler, ce qui fait qu’elle fréquente plus souvent qu’à son tour les grandes surfaces du genre Réno-dépôt. Elle y était samedi dernier.

Elle passe à la caisse. Sa facture l’invite à visiter le site labonnejob.ca si elle est à la recherche d’un emploi. Elle y va, bien évidemment — mais pas pour l’emploi. Elle y trouve ceci :

Rébo-Dépôt, publicité, 2010


Une question et une remarque.

La question : pourquoi ainsi passer du tu au vous ? On se croirait dans un magasin de jeux électroniques.

La remarque : appeler associé celui qui n’est qu’un commis relève de l’euphémisation généralisée dans laquelle nous baignons, de ce refus d’appeler les choses par leur nom qui a conquis tant de sphères de la vie sociale.

 

[Complément du 20 mars 2014]

Selon le quotidien montréalais la Presse, le mot associé aurait remplacé employé d’abord dans les magasins de la chaîne Walmart en 1994 (17 mars 2014, cahier Affaires, p. 5).

 

[Complément du 11 novembre 2015]

Aujourd’hui, à l’émission Plus on est de fous, plus on lit ! de la radio de Radio-Canada, le journaliste économique Gérald Filion a notamment choisi le mot associé dans le segment de l’émission intitulé «Les mots à bannir de la bouche des économistes».

À la suite de son passage, sur Twitter, deux autres mots ont été rapprochés de celui-là, collaborateurs (@VGaudreau) et talents (@leblancetienne). Ce n’est pas mieux.

 

[Complément du 16 décembre 2017]

David Turgeon, dans son roman le Continent de plastique (2016), fusionne les deux fonctions : «Odette alla chercher une bouteille de rosé dont un commis-associé nous avait assuré plus tôt ce jour-là qu’elle accompagnerait finement les soirées chaudes et les viandes rouges grillées» (p. 79).

 

Référence

Turgeon, David, le Continent de plastique. Roman, Montréal, Le Quartanier, coll. «Écho», 16, 2017, 298 p. Édition originale : 2016.

Aimer être

Croisés l’autre jour, plusieurs camions d’un couvreur montréalais. Slogan : «L’étanchéité demeure notre priorité.» L’étonnement de l’Oreille tendue, toujours, devant le refus d’employer le verbe le plus simple et le mieux approprié : être.

Lost in translation

Arte Nova, Vinopack, contenant

Avant

The Vinopak™ container, is the simple and agreeable name given to this revolutionary packaging for high quality wines !

Après

Le contenant Vinopakmc, c’est le nom tout simple et amical que l’on donne à ce tout nouvel emballage révolutionnaire pour le vin de grande qualité.

Trouver le nom Vinopak «agréable», selon la version anglaise de ce texte autopublicitaire, est étrange, mais on laissera passer : tous les (dé)goûts sont dans la nature.

En revanche, le trouver «amical» ne paraît guère concevable à l’Oreille tendue.

Progrès ?

«Menthez pas ça», conseillent les panneaux de McDonald à Montréal.

Un journaliste de la Presse n’en peut plus des publicités télévisées mettant en vedette Élyse Marquis (Swiffer) et François Massicotte (Sponge Towel). Dans quelle catégorie ranger icelles si on les trouve pénibles ? Le «malaisant» (22 mai 2010, cahier Arts et spectacles, p. 8).

Qu’une langue évolue, rien de plus naturel. On a cependant le droit de grincer des dents à l’occasion — d’autant que ça ne change rien à l’affaire : on n’arrête pas le progrès.

Fil de presse 005

Logo, Charles Malo Melançon, mars 2021

Où l’on constate, une fois de plus, que l’analyse de texte est un art : quand Pierre Jourde, sur BibliObs, lit, avec brio, le dernier roman de Philippe Djian, Incidences. (À la fin, il n’en reste plus rien.)

Où l’on découvre que certaines sonorités ont actuellement la cote en anglais (numérique) : quand la lexicographe Erin McKean, la fondatrice de Wordnik, s’attaque aux mots en –ext, par exemple Quebexting.

Où l’on déplore la faiblesse grammaticale de certaines publicités : quand Éric Dupin, sur le blogue PresseCitron, corrige la copie de Audi.

Où l’on s’incline devant la passion des utilisateurs de dictionnaires : quand on apprend qu’un physicien australien conteste la définition du mot siphon dans le Oxford English Dictionary, définition restée inchangée, et jugée fautive par Stephen Hughes, depuis… 1911.