Ken Dryden et la radio

Ken Dryden passe le flambeau à Carey Price, Centre Bell, Montréal, 16 octobre 2014

Ken Dryden, l’ancien cerbère des Canadiens de Montréal — c’est du hockey — a 75 ans aujourd’hui.

Il a écrit plusieurs ouvrages, dont un très grand livre sur ce sport, The Game (1983), et une biographie de Scotty Bowman (2019).

L’Oreille tendue aime bien citer un texte de Dryden, mais il ne s’agit pas d’un extrait de ces livres. Elle préfère plutôt un passage de son appréciation d’un célèbre conte de Roch Carrier, «Le chandail de hockey» (1979) :

Radio was perfect for heroes. Radio was live. Radio games offered an unknowable result. Radio meant lying in the darkness and, to the words of an excited storyteller, painting pictures of everything you heard. It meant using your own imagination. There has never been a bad game played on radio.

(La radio était parfaite pour les héros. C’était en direct. On ne connaissait jamais le résultat à l’avance. La radio, c’était, étendu dans le noir, suivre la description d’un raconteur excité et se créer des images de ce que l’on entendait. Ça voulait dire se servir de son imagination. Il n’y a jamais eu un mauvais match joué à la radio.)

Joyeux anniversaire !

 

Références

Dryden, Ken, The Game. A Thoughtful and Provocative Look at a Life in Hockey, Toronto, Macmillan of Canada, 1984, viii/248 p. Édition originale : 1983.

Dryden, Ken, «Sports. What could Mr. Eaton have been thinking ?», The Globe and Mail, 13 octobre 2001, p. D8.

Dryden, Ken, Scotty. A Hockey Life Like no Other, Toronto, McClelland & Stewart, 2019, viii/383 p. Ill. Traduction : Scotty. Une vie de hockey d’exception, Montréal, Éditions de l’Homme, 2019, 439 p. Préface de Robert Charlebois.

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Guy Lafleur dans une publicité épistolaire de la Fondation des maladies mentales du Québec

Aujourd’hui, l’Oreille tendue sera au micro de Chantal Dauray, à l’émission de radio Au fil du temps, de Canal M Vues et voix. Il sera question d’écriture épistolaire.

L’émission commence à midi. Elle peut être écoutée en direct ou en différé sur le Web.

 

[Complément du jour]

On peut (ré)entendre l’entretien ici, à partir de la 32e minute.

La langue n’est pas logique

Maxime Raymond Bock, Morel, 2021, couverture

Soit ce tweet : «Voir que la grande Michèle Torr vient de me dédier son classique Emmène-moi danser ce soir à JS Tendresse de @jsgirard.»

Soit cette phrase, tirée du roman Morel (2021) de Maxime Raymond Bock : «Ah ben oui, ç’a ben du bon sens ! C’est niaiseux de te demander ça. Voire que tu chercherais un loyer si tu déménages pas !» (p. 239)

Que dire de ce «voir(e) que», en tête de phrase, parfois lu / entendu au Québec ?

Dans le premier cas, il marque une joie doublée d’un étonnement : «Quoi ? Me faire ce bonheur ? À moi ? Je n’ose le croire !»

Dans le second, il marque la reconnaissance d’une évidence : «Mais bien sûr ! Pourquoi chercherais-tu un appartement (loyer) si tu ne voulais pas déménager ?»

Une même forme, deux sens. Voir que c’est logique, la langue !

P.-S.—La construction avec voir si est également attestée : «Voir si elle me dédierait une chanson !»

P.-P.-S.—La graphie avec e (voire) étonne fort l’Oreille tendue (Maxime Raymond Bock la reprend p. 206 et p. 244). Le lien entre l’adverbe voire (et même) et le verbe voir suivi de que lui échappe.

P.-P.-P.-S.—L’Oreille a présenté Morel le 12 janvier 2022.

 

[Complément du jour]

Réaction d’un médiéviste : «L’explication qui me vient est le sens du terme en ancien français : “vraiment”, “vrai”. Il est voir que… (il est vrai que…) “Pas voir / vrai que….” Dans ce cas, en français moderne, l’orthographe avec e serait la plus logique (voire au sens vieilli de “certainement”). Le Robert donne d’ailleurs comme “vieux ou plaisant” voire “qui marque le doute”.»

 

Référence

Raymond Bock, Maxime, Morel. Roman, Montréal, Le Cheval d’août, 2021, 325 p.

Autopromotion 646

«Épigramme à double sens», 1760

Un segment de l’émission Plus on est de fous, plus on lit !, qu’anime Marie-Louise Arsenault à la radio de Radio-Canada, est consacré à la définition de mots beaucoup présents dans l’espace public.

L’Oreille tendue a déjà eu l’occasion d’y réfléchir à débat, à expert, à authenticité, à porte-parole, à transparence, à mononcle, à touriste, à blasphème, à autrice, à dictionnaire (ici et ) et à académie.

Cet après-midi, entre 14 h et 15 h, elle abordera le mot anecdote.

Il sera peut-être question d’un recueil d’Annecdotes conservé à l’Université de Montréal et jadis étudié par l’Oreille — l’illustration ci-dessus en est tirée —, voire du marquis de Bièvre.

 

[Complément du jour]

On peut (ré)entendre l’entretien ici.

Le texte de Rima Elkouri se trouve .

 

Références

Anonyme, Annecdotes littéraires, manuscrit, 1760, 6 vol.

Bièvre, François-Georges Maréchal, marquis de, Calembours et autres jeux sur les mots d’esprit, Paris, Payot & Rivages, 2000, 155 p. Édition établie et présentée par Antoine de Baecque.

Melançon, Benoît, «Les Annecdotes littéraires : lecteurs anonymes, de 1760 à aujourd’hui», dans Jean M. Goulemot (édit.), Lecture, livres et lecteurs du XVIIIe siècle, Tours, Université de Tours, U.F.R. de Lettres, coll. «Cahiers d’histoire culturelle», 12, 2003, p. 19-40. Ill. https://doi.org/1866/14091

Melançon, Benoît, «Oralité, brièveté, spontanéité et marginalité : le cas du marquis de Bièvre», dans Didier Masseau (édit.), les Marges des Lumières françaises (1750-1789). Actes du colloque organisé par le groupe de recherches Histoire des représentations (EA 2115). 6-7 décembre 2001 (Université de Tours), Genève, Droz, coll. «Bibliothèque des Lumières», LXIV, 2004, p. 215-224. https://doi.org/1866/28776

Nelly Kaprièlian dit des niaiseries

Le masque et la plume, émission de radio, logo

Depuis plusieurs années, l’Oreille tendue écoute religieusement l’émission dominicale le Masque et la plume. On y parle, en alternance, de littérature, de cinéma ou de théâtre. Quatre critiques y sont réunis autour de Jérôme Garcin.

Ce n’est pas par intérêt esthétique que l’Oreille suit l’émission. Des phrases comme «J’ai a-do-ré» ou «C’est bien écrit» ne servent pas à grand-chose en critique littéraire. En revanche, les échanges entre les collaborateurs, chacun campé dans son rôle, ont une réelle valeur anthropologique : coups de gueules, vannes, cacophonie — voilà qui amuse et étonne, vu du Québec.

Dans la livraison du 24 avril, il était question du plus récent roman de Joël Dicker, l’Affaire Alaska Sanders (2022). Nelly Kaprièlian, des Inrockuptibles, comme les autres participants, n’a pas apprécié l’œuvre, et particulièrement ce qu’elle appelle son «style». Elle en profite pour dire deux niaiseries.

Première niaiserie : «Je croyais que c’était traduit de l’américain par un traducteur québécois.» Ne suit évidemment aucune démonstration : du fiel hexagonal à l’état pur.

Deuxième niaiserie : «J’adore le Québec et les Québécois. Commencez pas à me regarder comme ça.» Traduisons : j’ai préparé une petite phrase fielleuse; je sais qu’elle est fielleuse; je ne peux pas résister à la tentation de la dire; je la dis, tout en faisant semblant d’en atténuer la portée (j’aime les Québécois, même s’ils sont nuls [en traduction]).

En si peu de mots, tant de bêtise(s) : il faut admirer.

 

[Complément du 11 mai 2022]

«Chacun campé dans son rôle» ? Allons-y voir.

 

Cinéma

Michel Ciment : «C’est un film bulgare de l’année dernière, mais John Ford a déjà fait bien mieux, quoi qu’en pense la presse parisienne unanime.»

Pierre Murat : «C’est un film sympatoche, mais inférieur aux grands films russes. Je ne vous raconterai pas la fin.»

Xavier Leherpeur : «Vous n’avez rien dit encore de la grammaire du film.»

Éric Neuhoff : «Manifestement, la réalisatrice est mal baisée.»

Sophie Avon : «Le film est imparfait, certes, mais il est beau.»

Jean-Marc Lalanne : «On peut lire le film, jusque dans son rapport aux corps et aux fantasmes, comme une métaphore de la déliquescence dans les Balkans aujourd’hui.»

Camille Nevers : «Ce n’est pas mon film préféré de ce réalisateur.»

Éva Bettan : «Je n’aime pas utiliser ce mot-là, mais je vais l’utiliser quand même.»

 

Littérature

Arnaud Viviant : «En apparence, c’est un roman sur la culture de la betterave, mais c’est un grand livre politique. J’ai a-do-ré.»

Olivia de Lamberterie : «Je n’aime pas les betteraves, mais mon mari, si. J’ai a-do-ré.»

Nelly Kaprièlian : «Ce n’est pas traduit par un traducteur québécois. J’ai a-do-ré.»

Jean-Claude Raspiengas : «Vous pouvez bien rigoler, tous autant que vous êtes, mais le travail du style est magnifique. J’ai a-do-ré.»

Frédéric Beigbeder : «La romancière est jolie. J’ai a-do-ré.»

Éric Neuhoff : «Ouais, elle est pas mal. J’ai a-do-ré.»

Michel Crépu : «De quel livre parle-t-on ? Quoi qu’il en soit, j’ai a-do-ré.»

Jean-Louis Ézine : «Je n’ai pas tout lu, mais ça m’a fait penser à une phrase d’Henri Calet. J’ai a-do-ré.»

Patricia Martin : «J’ai a-do-ré.»

 

Théâtre

Jacques Nerson : «Ça ne va pas du tout. Gérard Philippe, c’était bien bien mieux.»

Vincent Josse : «Je suis trop jeune pour avoir vu ce spectacle.»

Fabienne Pascaud : «Mais voyons, Jacques !»

Armelle Héliot : «Elle est géniale, cette petite comédienne. Ils sont tous bons, les acteurs.»

 

L’animateur

Jérôme Garcin : «Moi, je ne suis pas critique.»