Vaut mieux l’avoir que pas

«Les Jays ont encore le numéro des Yankees», RDS, 21 juillet 2025

En français populaire du Québec, vraisemblablement sous l’influence de l’anglais, quand une équipe sportive (A) domine régulièrement un adversaire en particulier (B), on dit : «A a le numéro de B.»

Il n’est pas sûr que la chose s’explique, mais elle se vérifie.

À votre service.

P.-S.—Il est d’autres choses qu’il vaut mieux avoir que pas : ceci, par exemple.

Les sports de Jacques Poulin

Collage de trois couvertures de livres de Jacques Poulin

Le romancier québécois Jacques Poulin a souvent parlé de sport : de course automobile (Jimmy, 1969; Faites de beaux rêves, 1974), de tennis (les Grandes Marées, 1978; le Vieux Chagrin, 1989), de baseball (Chat sauvage, 1998).

Le hockey apparaît principalement dans quatre de ses œuvres. Plusieurs pages du Cœur de la baleine bleue (1970) sont consacrées à une comparaison entre Maurice Richard et Gordie Howe : «Richard était plus spectaculaire. Gordie Howe est plus complet. Les deux plus grands joueurs au monde» (p. 91). Dans L’anglais n’est pas une langue magique (2009), le narrateur, Francis, s’identifie au frère du Rocket, Henri Richard. Le Francis de l’Homme de la Saskatchewan (2011) est engagé pour écrire l’autobiographie d’un jeune gardien de but métis, Isidore Dumont. Le septième chapitre de Chat sauvage (1998) s’intitule «La soirée du hockey».

Dans un entretien accordé à Alain Beaulieu en 2003, Poulin, après et avec Ernest Hemingway, compare la dimension physique de son travail d’écriture à la boxe.

Jacques Poulin vient de mourir à 87 ans.

P.-S.—L’Oreille tendue le confesse : elle n’a pas lu tous les romans de Jacques Poulin. L’énumération ci-dessus risque donc d’être incomplète.

P.-P.-S.—Georges Desmeules (1999) et Maude Mainguy (2010) ont écrit sur le sport chez Poulin.

 

Références

Desmeules, Georges, «Le tennis au service de Jacques Poulin», Québec français, 114, été 1999, p. 80-82. https://id.erudit.org/iderudit/56194ac

Mainguy, Maude, «Le sport dans l’œuvre de Jacques Poulin», Québec français, 157, printemps 2010, p. 34-35. https://id.erudit.org/iderudit/61505ac

Poulin, Jacques, Jimmy, Montréal, Éditions du Jour, coll. «Romanciers du jour», R-30, 1969, 158 p.

Poulin, Jacques, le Cœur de la baleine bleue. Roman, Montréal, Éditions du Jour, coll. «Les romanciers du jour», R-66, 1970, 200 p.

Poulin, Jacques, Faites de beaux rêves, Montréal, L’Actuelle, 1974, 163 p.

Poulin, Jacques, les Grandes Marées, Montréal, Leméac, coll. «Roman québécois», 24, 1978, 200 p.

Poulin, Jacques, le Vieux Chagrin, Montréal et Arles, Leméac et Actes Sud, 1989, 155 p.

Poulin, Jacques, Chat sauvage. Roman, Montréal et Arles, Leméac et Actes Sud, 1998, 188 p.

Poulin, Jacques, L’anglais n’est pas une langue magique. Roman, Montréal, Leméac/Actes Sud, 2009, 155 p.

Poulin, Jacques, l’Homme de la Saskatchewan. Roman, Montréal et Arles, Leméac et Actes Sud, 2011, 120 p. Ill.

Chantons le hockey avec Karkwa

Karkwa, les Chemins de verre, 2010, album, pochette

(Le hockey est partout dans la culture québécoise et canadienne. Les chansons sur ce sport ne manquent pas, plusieurs faisant usage de la langue de puck. Petite anthologie en cours. Liste d’écoute disponible sur Spotify. Suggestions bienvenues.)

 

Karkwa, «Moi-Léger», 2010

 

Y avait Saku
Y avait Kovy
Qui s’essoufflait
Mais là c’est pus important
Y avait Sergei
Y avait Carey
Qui s’la pétait
Mais là on s’en fout vraiment
C’est un placage obligé
Un long couloir à skater
Entre Gainey et Gauthier
C’est un hockey de lumière
L’étape après la misère
Le but dans l’filet désert

Y avait Halak
Y avait Laraque
Qui nous soûlait
Mais là c’est pus important
Y avait des gueules
Y avait des g’noux
Qui se brisaient
Mais c’est de moins en moins pesant
C’est un placage obligé
Un long couloir à skater
Entre Gainey et Gauthier
C’est un vrai début d’saison
Des bulldogs dans les canons
Canadien tu t’en viens bon
Tu t’en viens bon
Ah oui
Tu t’en viens bon

Y avait Brière
Y avait Gagné
Qui nous plantaient
Mais là c’est moins prenant
Y avait du Bruins
Du Capitals
Qui nous hantait
Canadien s’en fout maintenant
C’est un hockey de lumière
L’étape après la misère
Le but dans l’filet désert

[Musique du Forum]

 

P.-S.—Version adaptée pour le Sportnographe.

 

 

Références

Melançon, Benoît, «Chanter les Canadiens de Montréal», dans Jean-François Diana (édit.), Spectacles sportifs, dispositifs d’écriture, Nancy, Questions de communication, série «Actes», 19, 2013, p. 81-92. https://doi.org/1866/28751

Melançon, Benoît, Langue de puck. Abécédaire du hockey. Édition revue et augmentée, Montréal, Del Busso éditeur, 2024, 159 p. Préface d’Olivier Niquet. Illustrations de Julien Del Busso. ISBN : 978-2-925079-71-2.

Melançon, Benoît, Langue de puck, édition revue et augmentée de 2024, couverture

Accouplements 268

Balado «Against the Rules», logo

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

L’été dernier, l’Oreille tendue publiait, dans la revue l’Inconvénient, sa «Confession d’un fan» (numéro 97, été 2024, p. 8-10, https://id.erudit.org/iderudit/106165ac).

En 2024-2025, le podcast Against the Rules, de l’excellent Michael Lewis, en est à sa quatrième saison. Les trois premières portaient chacune sur un seul personnage : l’arbitre, l’entraîneur, l’expert. La plus récente ? Le fan.

Le fan qu’est l’Oreille est tout ouïe.

Pierre Foglia (1940-2025)

Photo d’Armand Trottier, la Presse, 5 mai 1990

Chroniqueur pendant des décennies au quotidien montréalais la Presse, Pierre Foglia vient de mourir. L’Oreille tendue ne le prend juste pas.

Comme tout le monde, pendant des années, elle a commencé sa lecture du journal par ses textes. On les a longtemps publiés dans le premier cahier du journal. Qui se souvient qu’on les a aussi publiés avec les petites annonces, à sa demande ?

Il ne comprenait rien à la mécanique automobile; en vélo, ça allait. Il était poète à ses heures. On pouvait se servir de lui en classe (sur la lecture du journal) ou dans un mémoire de maîtrise. Il a écrit sur Voltaire et sur La Poune. Dans sa famille, on ne sifflait pas à table. Lui, qui a tant écrit sur le sport, ressemblait à un joueur de hockey, Jim Roberts. Il était une des rares personnes à ne pas chanter les mérites de René Lecavalier (ni de Patrick Roy). Comme quiconque a le cœur à la bonne place, il aimait Guy Lafleur, «le plus fin, le moins fucké par sa gloire» des joueurs de hockey. «Pépère-la-virgule» autoproclamé, il n’appréciait ni le mépris linguistique ni la «lalaïsation». Il connaissait l’existence de la «crossette espagnole» et du «char (de marde)». L’alcool ? Non. Le pot ? Oui.

Au moment de l’annonce de sa mort, on a évoqué Flaubert et Annie Ernaux; on aurait sûrement dû parler d’Alexandre Vialatte, qu’il appréciait tant. On peut légitimement se demander si Monique Proulx («Madame Bovary», dans les Aurores montréales) et William S. Messier (Dixie, p. 126 et suiv.) n’ont pas été inspirés par lui.

Un jour, Pierre Foglia a dit du bien d’un livre coécrit par l’Oreille; elle ne s’en est pas encore remise.

Sa mort est parfaitement injustifiée.

 

Références

Messier, William S., Dixie. Roman, Montréal, Marchand de feuilles, 2013, 157 p. Ill.

Proulx, Monique, les Aurores montréales. Nouvelles, Montréal, Boréal, coll. «Boréal compact», 85, 2016, 238 p. Édition originale : 1996.