Ken Dryden avait raison (pas Gary Bettman)

Ken Dryden, Game Change, 2017, couverture

«A hit to the head is a bad thing

Ken Dryden (1947-2025) a eu une vie professionnelle bien remplie. Il a été gardien de but pour les Canadiens de Montréal — c’est du hockey —, président des Maple Leafs de Toronto — bis —, député au parlement fédéral, et bien d’autres choses encore. Et il a écrit des livres.

The Game. A Thoughtful and Provocative Look at a Life in Hockey a paru en 1983. Il a été plusieurs fois réédité, notamment pour des «éditions anniversaire». Il a été traduit en français, d’abord sous le titre l’Enjeu (1983), puis sous celui de le Match (2008). C’est son ouvrage le plus célèbre.

Dryden a en pourtant publié d’autres, parmi lesquels : Home Game. Hockey and Life in Canada (1989, avec Roy MacGregor), Scotty. A Hockey Life Like no Other (2019, voir ici), The Series. What I Remember, What it Felt Like, What it Feels Like Now (2022, voir ), The Class. A Memoir of a Place, a Time, and Us (2023, voir de ce côté).

Son meilleur est probablement Game Change. The Life and Death of Steve Montador and the Future of Hockey (2017). Dryden s’y attaque à un problème auquel il a consacré beaucoup de textes dans les dernières années de sa vie : les effets à long terme des coups à la tête sur les joueurs de hockey. Il l’aborde de plusieurs façons.

Son point de départ est la carrière d’un défenseur de la Ligue nationale de hockey, Steve Montador, mort à 35 ans (1979-2015). Victime de nombreuses commotions cérébrales, il souffrait d’encéphalopathie traumatique chronique (CTE, chronic traumatic encephalopathy) au moment de sa mort. Dryden ne l’a jamais rencontré, mais le portrait qu’il en dresse, après avoir interrogé des membres de sa famille, des amis et des coéquipiers, est captivant.

Montador n’était pas une vedette, loin de là : jamais repêché, il faisait généralement partie de la troisième paire de défenseurs pour les nombreuses équipes avec lesquelles il a joué, celle qui joue le moins de minutes par match. C’était un joueur d’équipe toujours prêt à défendre ses coéquipiers, un maniaque de l’entraînement, un fonceur. Hors de la glace, il était curieux, enjoué, bavard, énergique, drôle — avant de sombrer dans la dépression durant les dernières années de sa vie, celles où il a ressenti de plus en plus violemment les effets de nombreuses commotions cérébales. Les circonstances de sa mort sont peu claires, mais il consommait nombre de drogues et de médicaments à ce moment-là.

Son parcours est comparé à celui de joueurs qui ont aussi été victimes de coups à la tête, au point de mettre un terme à leur carrière — Keith Primeau, Marc Savard, Clarke MacArthur — ou de devoir l’interrompre pendant de longues périodes — Sidney Crosby. Montador n’est pas du tout un cas isolé. Dryden ne se sert jamais de son propre passé d’athlète; ce sont les autres qu’il veut mettre en lumière.

Dryden aimait les larges panoramas. Dans Game Change, il consacre plusieurs pages passionnantes à l’histoire du hockey et à l’évolution de ses règlements, ainsi qu’à la recherche scientifique sur l’encéphalopathie traumatique chronique et d’autres maladies nées de coups à la tête chez les sportifs de haut niveau.

L’enchevêtrement de ces points de vue — le personnel, le sportif, le médical — est parfaitement maîtrisé. Dryden, qui pouvait parfois être assez pataud sur le plan du style, ne l’est guère ici. Il se permet même une comparaison particulièrement enlevée entre les discussions de commentateurs sportifs et un sketch des Monthy Python (p. 323-326).

L’auteur dépasse le seul constat pour proposer deux pistes de solution à ce qu’il considère une menace profonde quant à l’avenir du hockey. Tout contact avec un joueur qui n’a pas la rondelle devrait entraîner une punition automatique (fini le temps où un joueur devait «compléter sa mise en échec» coûte que coûte). Tout coup à la tête, accidentel ou pas, devrait aussi entraîner une punition automatique; cela inclut les coups de poings donnés durant une bagarre. Ces deux changements à l’interprétation des règlements n’auraient pas constitué une révolution hockeyistique mais une réforme nécessaire. Ils auraient dû être appliqués pour protéger les joueurs d’eux-mêmes.

La démonstration de Ken Dryden dans Game Change et ses solutions sont convaincantes. Malheureusement, Dryden, en indécrottable optimiste, croyait que le président de la Ligue nationale de hockey depuis 1993, Gary Bettman, allait agir en ce sens. Il se trompait complètement : depuis la parution du livre en 2017, la Ligue n’a rien fait de significatif pour mettre fin au fléau des coups à la tête.

On risque d’attendre encore longtemps. Pourquoi ? «Change is a nuisance. It takes time, costs money, and create uncertainty» (p. 272; «Le changement embête. Il demande du temps, il coûte de l’argent et il crée de l’incertitude»). Pour l’imposer, il faut du courage.

 

Référence

Dryden, Ken, Game Change. The Life and Death of Steve Montador and the Future of Hockey, Toronto, Signal, McClelland & Stewart, 2017, 357 p.

Autopromotion 860

Gant de baseball du joueur de hockey Maurice Richard

Vers 6 h 20 ce matin, l’Oreille tendue causera baseball et identité nationale dans le cadre de l’émission radiophonique les Matins d’ici (Radio-Canada, Ottawa-Gatineau).

P.-S.—Oui, en effet, c’est dans le prolongement de ceci.

 

[Complément du jour]

On peut (ré)entendre l’entretien de ce côté.

L’Oreille a évoqué un texte de George Bowering intitulé «Baseball and the Canadian Imagination» (1986). On peut le lire ici en anglais, en français.

La vidéo des célébrations torontoises peut être vue sur Bluesky.

Chantons le hockey avec Les Mecs comiques

Les Mecs comiques, On chante toujours mieux dans not’ char, 2001, pochette

(Le hockey est partout dans la culture québécoise et canadienne. Les chansons sur ce sport ne manquent pas, plusieurs faisant usage de la langue de puck. Petite anthologie en cours. Liste d’écoute disponible sur Spotify. Suggestions bienvenues.)

 

Les Mecs comiques, «Le hockey est malade», On chante toujours mieux dans not’ char, 2001

 

[Musique de Lance et compte]

[Commentateur]
Michel Bergeron avouez qu’c’est un match qui manque d’ambiance

[Michel Bergeron]
Eh le match est à l’image de Claude Quenneville, monotone, redondant et pas très viril

[Commentateur]
T’ennuies-tu du temps où t’étais coach Michel ?

[Michel Bergeron]
Ben j’ai des p’tits frissons quand j’pense au jackstrap de Dale Hunter

[Commentateur]
Le hockey a bien changé
Les joueurs sont millionnaires et sourient à belles dents

[Michel Bergeron]
Oui dans l’temps les gars avaient même pas d’dents

[Commentateur]
L’époque où Patrick Roy fermait toujours la porte

[Michel Bergeron]
Aujourd’hui, la porte, il l’arrache, hé

Où est passé le hockey de mon enfance
Dans l’temps où Robinson jouait à’défense
Les Nordiques avaient les frères Stastny
Mais à Montréal on avait Mark [sic] McPhee

Où est passée la glorieuse époque
Où le monde s’battait pour avoir la puck ?
La moitié des joueurs portaient pas d’casque
Pis l’autre moitié portaient la moustache

[Annonceur]
Michel Gou Gou Gou Gou Goulet

Hockey, hockey, où cé qu’t’es passé ?
Es-tu parti pour Tampa Bay ?
Hockey, hockey, où cé qu’t’es passé ?
Es-tu mort avec Maurice Richard ?

[Imitation d’Oscar Thiffault]
C’est Maurice Richard qui score et pis qui score
C’est Maurice Richard qui score tout l’temps

[Annonceur]
La première étoile, the first star : Gaston Gingras

Asteure tu payes neuf millions pour un compteur
Pis trente-deux et cinquante pour avoir une liqueur
Les patins à tuyaux sont démodés
Pis la Vietnamienne s’est fait congédier

[La Vietnamienne]
Congédier ? Ok bye bye !

Vous souvenez-vous des années quatre-vingt
Quand Steve Penney était notre gardien ?
Les Kings de Los Angeles et leur chandail laitte
Les Whalers d’Hartford et leur baleine verte

Hockey, hockey, où cé qu’t’es passé ?
Es-tu parti pour Tampa Bay ?
Hockey, hockey, où cé qu’t’es passé ?
Es-tu au cim’tière avec Pierre Lambert ?

[Ginette]
Pierre, ah, Pierre…
[Pierre Lambert]
Sacrament Ginette !

[Commentateur]
D’ici c’est très difficile de savoir si le but de Alain Côté était bon
Michel Bergeron est debout sur le banc d’son équipe et il enguirlande l’arbitre

[Michel Bergeron]
Ce n’est pas un repas, c’est une soupe-repas qui n’est pas un repas mais qui est une soupe…

[Commentateur]
Réjean Houle, est-ce que tu regrettes les années quatre-vingt ?

[Réjean Houle]
Comment ? Les années quatre-vingt sont finies ?
Ben oui mais pourquoi personne me l’a dit ?

[Commentateur]
Mario Lemieux, un commentaire ?

[Mario Lemieux]
Ben he… j’pense que… c’est sûr que… j’pense que… c’pas mal ça !

Hockey, hockey, t’as quitté nos salons
Mais tu nous a laissé Jean Perron
Hockey, hockey, envoie-nous ton sauveur
S’il vous plaît un autre Guy Lafleur

 

Références

Melançon, Benoît, «Chanter les Canadiens de Montréal», dans Jean-François Diana (édit.), Spectacles sportifs, dispositifs d’écriture, Nancy, Questions de communication, série «Actes», 19, 2013, p. 81-92. https://doi.org/1866/28751

Melançon, Benoît, Langue de puck. Abécédaire du hockey. Édition revue et augmentée, Montréal, Del Busso éditeur, 2024, 159 p. Préface d’Olivier Niquet. Illustrations de Julien Del Busso. ISBN : 978-2-925079-71-2.

Melançon, Benoît, Langue de puck, édition revue et augmentée de 2024, couverture

Chantons le hockey avec Mononc’ Serge, bis

«Pourquoi Mononc’ Serge joues-tu du rock ’n’ roll ?»

(Le hockey est partout dans la culture québécoise et canadienne. Les chansons sur ce sport ne manquent pas, plusieurs faisant usage de la langue de puck. Petite anthologie en cours. Liste d’écoute disponible sur Spotify. Suggestions bienvenues.)

 

Mononc’ Serge, «Team qui gagne», 2012

 

Annonces de Tim Hortons tout l’long d’la bande
Molson Dry à 11 et 50
Roteux à 8 piasses, que c’est qu’tu penses
J’m’en clenche 3-4 pis au yable la dépense
Les joueurs arrivent s’a glace
Ils ont la rage dans face
Leurs lames dans patinoire, ça grafigne rare
Ça fait des lignes comme dans face à Claude Blanchard
La bière rentre ben, hostie qu’j’ai soif
Mais tout à coup [bruit de sifflet] siffle le ref
Les joueurs s’alignent s’a ligne bleue
V’là un gros tocson avec un coat à queue
Y chante le Ô Canada, j’ai les larmes aux yeux
Mais déjà, c’est l’heure de la mise au jeu
L’arbitre s’penche entre les joueurs de centre
La Molson coule, les hot dogs se vendent
La tension monte, la foule scande
Nous autres c’qu’on veut c’t’un team qui gagne
Nous autres c’qu’on veut c’t’un team qui gagne
Nous autres c’qu’on veut c’t’un team qui gagne
Un team qui gagne
Wo
Team qui gagne
C’est ça qu’on veut
Un team qui gagne, ça éloigne les problèmes
Check nos jeunes qui r’gardent la game
Une main s’a Molson, une main su’un hot dog
I reste p’us d’main pour la drogue
Quand on a eu un coach qui parlait pas français
J’te dis qu’les péquistes, hostie qu’ça chialait
Mais… mieux vaut la coupe en anglais
Que pas faire les séries en français
Fuck ! On est un peuple, faut se tenir deboutte
Pis on va être deboutte mais qu’on l’aille la coupe
Nous autres c’qu’on veut c’t’un team qui gagne
Wo
Qui gagne
Les gradins sont pleins, ça boit d’la Molson Dry
Pis ça chante Nanana Heyheyhey Goodbye
Imagine comment les estrades s’raient vides
Si c’était un discours de Françoise David
La fourrure orange de Youppi
Pis toutes ces belles barbes des séries
C’est-y pas du beau poil à côté
De la moustache à Manon Massé
Wo yé
Nous autres c’qu’on veut c’t’un team qui gagne
Nous autres c’qu’on veut c’t’un team qui gagne
Un team qui gagne
Wo
Team qui gagne
C’est ça qu’on veut
Team qui gagne
Des bâtons CCM
Pas des pancartes CSN
Team qui gagne
Des millionnaires tout en muscles
Pas des BS en autobus
Team qui gagne
Des power play s’a coche
Pis des power pay dans leurs poches
Team qui gagne
What does Quebec want, c’t’évident me semble
C’qu’on veut c’t’un team qui gagne
Un team qui gagne

 

P.-S.—En effet, ce n’est pas la seule fois que Mononc’ Serge a chanté le hockey.

 

 

Références

Melançon, Benoît, «Chanter les Canadiens de Montréal», dans Jean-François Diana (édit.), Spectacles sportifs, dispositifs d’écriture, Nancy, Questions de communication, série «Actes», 19, 2013, p. 81-92. https://doi.org/1866/28751

Melançon, Benoît, Langue de puck. Abécédaire du hockey. Édition revue et augmentée, Montréal, Del Busso éditeur, 2024, 159 p. Préface d’Olivier Niquet. Illustrations de Julien Del Busso. ISBN : 978-2-925079-71-2.

Melançon, Benoît, Langue de puck, édition revue et augmentée de 2024, couverture

L’autre fanal

Photo d’Olivier Rioux

Nous avons déjà croisé un fanal accompagné de sa brique.

Dans le français populaire du Québec, il est cependant un autre fanal, la personne de haute taille.

Exemple : «Après celles de Connor Clifton et de Robby Fabbri lundi, c’était au tour de Cade Webber, un grand fanal de 6 pi 7 po, de frapper avec force le joyau du Canadien» (la Presse+, 26 septembre 2025).

À votre service.

P.-S.—En effet, le grand fanal peut aussi être un grand jack, tel Olivier Rioux.