L’Oreille tendue, à l’invitation de Bertrand Laverdure (@Lectodome), causera de la lettre à la télé ce soir.
C’est dans le cadre de l’émission Tout le monde tout lu de MaTV à 21 h.
[Complément du jour]
On peut (re)voir l’émission ici.
« Nous n’avons pas besoin de parler français, nous avons besoin du français pour parler » (André Belleau).
L’Oreille tendue, à l’invitation de Bertrand Laverdure (@Lectodome), causera de la lettre à la télé ce soir.
C’est dans le cadre de l’émission Tout le monde tout lu de MaTV à 21 h.
[Complément du jour]
On peut (re)voir l’émission ici.
La famille des clichés est large et accueillante. Elle apprécie particulièrement les associations obligatoires de mots. Des exemples ?
Vous tombez ? C’est toujours lourdement.
Le citoyen est toujours simple. (Merci à @david_turgeon.)
Au hockey, le bombardement est toujours en règle.
Pourquoi l’indifférence est-elle toujours la plus grande ? (Merci à @machinaecrire.)
Le cynisme est toujours aussi ambiant que la vérité est criante. (Merci à @revi_redac pour ceci et pour cela.)
Le cliché donne toujours une vue imprenable sur l’humanité (toujours profonde).
[Complément du 10 janvier 2014]
Aux jeux Olympiques, la médaille — quelle qu’en soit la matière (or, argent, bronze) — doit toujours être raflée. (Merci à @iericksen.)
La solidarité vient toujours par vague ou par élan. Y compris aux Olympiques.
[Complément du 21 février 2014]
Le rire est toujours rabelaisien.
[Complément du 18 juin 2018]
Sur Twitter, grosse récolte du jour, à la suite du premier tweet ci-dessous.
Chez @LeMonde_correct : «Avez-vous remarqué que, dans la presse, les rapports sont toujours “accablants”, les pluies, “diluviennes” et le déficit, “abyssal” ?»
Chez @lheureuxdaniel : la «découverte» est «macabre». Et encore : «Que dire du crime “morbide”, du froid “sibérien”, de la chaleur “torride” et du thé “brûlant” ?»
Chez @kick1972 : la faune est «bigarrée» et le rapport «dévastateur». Ensuite : «Et des arrêts spectaculaires !»
Chez @alexandrepratt : «budget électoraliste» et «dernier tabou».
Chez @hugodumas : «Le “concept” d’une émission est “déjanté”.» Puis : «ambiance “festive”».
Chez @emilieperreault : «Les flammes d’une “rare intensité”.»
Chez @geff25 : «victoires convaincantes» et «défaites amères».
Chez @R0576 : «Ou le classique : une “violente agression”. Car, c’est bien connu, certaines agressions se font avec une douceur remarquable.»
Ce sera tout pour aujourd’hui.
P.S.—Souvenons-nous aussi, attendris, du «frêle esquif».
Au journal la Presse, à la fin de 2013, on s’est demandé quelles expressions il faudrait bannir de son vocabulaire en 2014. (Les résultats de l’enquête sont ici.)
Parmi les suggestions reçues, celle-ci, de @jspoupart : «Hey, bo-boy.» L’Oreille tendue ne connaissait pas l’expression.
Depuis, elle est tombée sur les tweets suivants.
«“En petite tenue pour obtenir des vêtements gratuits”. Eh boboy» (@oniquet).
«Oh boboy ! @BazzoTV 2014, c’est dans 10 minutes !» (@mfbazzo)
Première constatation : il y a des graphies concurrentes (bo-boy, boboy).
Deuxième constation : on peut faire précéder le bo-boy / boboy de hey, de eh ou de oh.
Troisième constation : l’expression peut être dubitative, voire négative (le premier exemple); elle peut être positive (le second).
À suivre.
P.-S. — Une forme archaïque de la même expression existe toujours : «La plainte du mois dans Popular Science. Hé boy» (@HugoPrevost).
En 1979, Roch Carrier publie un conte qui deviendra un classique canadien.
Dans «Une abominable feuille d’érable sur la glace», tous se liguent contre le narrateur, des autres enfants au vicaire-arbitre, simplement parce que, à la suite d’une erreur de la maison Eaton’s, il se voit forcé d’endosser le maillot honni des Maple Leafs de Toronto devant neuf incarnations du joueur de hockey mythique des Canadiens de Montréal, Maurice Richard.
Le texte est devenu tellement célèbre que son incipit, dans les deux langues officielles, orne les billets de banque de cinq dollars de la Monnaie royale canadienne :
Les hivers de mon enfance étaient des saisons longues, longues. Nous vivions en trois lieux : l’école, l’église et la patinoire; mais la vraie vie était sur la patinoire.
Roch Carrier
The winters of my childhood were long, long seasons. We lived in three places — the school, the church and the skating-rink — but our real life was on the skating-rink.
En 1980, l’Office national du film du Canada tire de ce conte, désormais baptisé «Le chandail de hockey», un court métrage d’animation réalisé par Sheldon Cohen. (On peut le voir sur le site de l’ONF.) C’est l’auteur lui-même qui en assure la narration.
Si ses oreilles ne trompent pas l’Oreille tendue, c’est le même Roch Carrier qui assure, dans sa version française, la narration d’une publicité télévisée de Canadian Tire diffusée ces jours-ci. L’objectif de cette publicité est de remercier ceux qui rendent le hockey possible au Canada (joueurs, parents, bénévoles) et de préparer les spectateurs à la tenue des jeux Olympiques d’hiver de 2014.
On pourrait se réjouir qu’un écrivain soit sollicité pour ce genre d’activité. On est toutefois obligé de tempérer son ardeur (littéraire et hockeyistique) quand on entend le narrateur utiliser un anglicisme gros comme un équipement de gardien de but, «levée de fonds» (pour «campagne de financement»). C’est bien la preuve que les écrivains n’ont pas le monopole de la correction linguistique.
P.-S. — Pierre Houde, le descripteur des matchs de hockey à la télévision du Réseau des sports, aime répéter que le prénom de Jonathan Toews, le brillant joueur de centre des Blackhawks de Chicago, doit se prononcer Jonathan, à la française, et non Djonathane, à l’anglaise, sa francophone de mère y tenant mordicus. Or Roch Carrier, au début de la publicité, nomme le joueur Djonathane. Sa mère ne sera pas contente.
Référence
Carrier, Roch, «Une abominable feuille d’érable sur la glace», dans les Enfants du bonhomme dans la lune, Montréal, Stanké, 1979, p. 75-81. Pour les autres éditions et adaptations, voir ici.
Soit la phrase suivante, tirée du Devoir du 23 décembre 2013 : «Pas de souci, ça électrise en titi […]» (p. B8).
En titi ?
On trouvait deux fois la même expression dans le deuxième tome de Motel Galactic (2012), la bande dessinée de Francis Desharnais et Pierre Bouchard, dont une fois sur une pancarte (p. 9; voir aussi p. 8).
On l’entendait également dans une publicité télévisée récente d’une chaîne de restaurants. Une mère la suggérait à son jeune fils, qui était horrifié à l’idée de l’utiliser.
Son sens ? Le contraire du (pe)ti(t) : beaucoup, très, et voire même très beaucoup.
On comprend le jeune garçon : l’expression est bien faible en terre de sacres. (Elle est faible en titi.)
P.-S. — Le Petit Robert (édition numérique de 2014) connaît cette «locution adverbiale» régionale («Canada»), mais pas son étymologie. Il paraît peu plausible de la chercher du côté du «nom masculin» titi, «Gamin déluré et malicieux», d’essence parisien.
[Complément du 2 janvier 2014]
Débat animé sur Twitter l’autre jour au sujet de l’origine de l’expression en titi. Tous s’entendaient pour dire qu’il s’agit d’un superlatif et d’une euphémisation — mais de quoi ?
@PimpetteDunoyer, dans les commentaires ci-dessous, penchait pour «en estie», forme elle-même euphémisée de «en hostie». @beloamig_ cita le Dictionnaire québécois-français. Mieux se comprendre entre francophones de Lionel Meney : «ce serait une variété atténuée de “en maudit”» (p. 1739). Appuyée sur la tradition familiale, Anne Marie Messier, aussi dans les commentaires, proposait «en sapristi», expression venue, elle, de «sacristi», sans «e» (le Petit Robert, édition numérique de 2014).
(Sur un registre plus léger, @Voluuu évoquait «en ouistiti» et @desrosiers_j, «Nefertiti».)
Cela mène à d’autres interrogations. Utiliser un euphémisme à la place de «en estie» peut se comprendre. C’était peut-être vrai aussi, mais à une autre époque, de «en maudit». Mais on ne voit guère pourquoi un euphémisme serait nécessaire à la place de «en sapristi».
Au risque de la répétition : tant de questions existentielles, si peu d’heures.
Références
Desharnais, Francis et Pierre Bouchard, Motel Galactic. 2. Le folklore contre-attaque, Montréal, Éditions Pow Pow, 2012, 101 p.
Meney, Lionel, Dictionnaire québécois-français. Mieux se comprendre entre francophones, Montréal, 1999 et 2003.