La puck du superhéros

Vignette de The Amazing Spider-Man. Skating on Thin Ice !, 1990

L’Oreille tendue s’intéresse aux représentations du hockey dans la bande dessinée (voir la rubrique BDHQ). Voilà pourquoi un historien de ce sport a attiré son attention sur deux des cinq aventures de la série The Amazing Spider-Man (1990-1993).

Skating on Thin Ice ! (STI) et Double Trouble ! (DT) ont paru en février 1990.

Ces fascicules ont une portée éducative : l’alcool et la drogue, chez les jeunes, ce n’est pas bien. Les textes le disent : «Thanks for talking to me about substance abuse» (STI, p. [27]). Les publicités itou : «Hey kids ! Let everyone know you make your own choices, and if anyone tries to change your mind… don’t even give them the time of day !» (STI, p. [5]); «And remember these words from CP Rail… Drugs are the wrong track !!» (STI, p. [18]); «And remember these words from CP Express & Transport… Drugs are the wrong road to take !!» (DT, p. [18])

Spider-Man doit combattre des vilains, Electro (STI) et The Chameleon (DT). Si vous croyez savoir qui triomphera, vous avez raison.

Quel est le contenu hockeyistique de ces publications ?

Dans Skating on Thin Ice !, un jeune joueur de hockey cède (temporairement) à la tentation de la bière et de la cigarette (du cannabis ?!?!?), et on lui propose même des substances plus dangereuses, importées de New York à l’intérieur de (fausses) rondelles. Alan résistera et, grâce à la force de son tir, il aidera à vaincre Electro («He shoots ! He scores !», p. [26]), avant d’aider son équipe sur la glace («He scores !», p. [29]). L’action se déroule à Winnipeg, mais Alan porte un maillot des Oilers d’Edmonton. Pourtant, en 1990, il y avait une équipe de la Ligue nationale de hockey en ville, les Jets. En troisième de couverture, enfin, Wayne Gretzky, qui est alors récemment passé des Oilers aux Kings de Los Angeles, boit un Coca-Cola.

Dans le deuxième épisode, qui se déroule à Frederiction durant une expo-science, la présence du hockey est encore plus ténue. Outre la publicité mettant en vedette Gretzky, on n’y trouve qu’une allusion à ce sport. Spider-Man remercie un personnage d’une formule souvent entendue sur la glace : «Got him, Herb, thanks for the assist» (p. [26]).

Ce «Herb» est un personnage réel, Herb Carnegie (1919-2012). Il apparaît à la fois dans Skating on Thin Ice ! et Double Trouble ! Cet ancien joueur de hockey et de golf aide les jeunes par l’intermédiaire de son programme Future Aces. De quoi s’agit ? Version courte : «What does ACES stand for ? Attitude, Cooperation, Example and Sportsmanship» (STI, p. [11]). Version longue : «Attitude Ability Action Advancement Achievement / Cooperation Courage Confidence / Education Example / Service Sportsmanship» (DT, p. [31]).

Pourquoi avoir choisi ce «great Canadian» comme personnage ? Excellent hockeyeur, Carnegie, qui était noir, n’aurait pas eu accès à la Ligue nationale de hockey à cause de la couleur de sa peau. Cela ne l’a pas découragé, bien au contraire : «Far from being deterred, Herb took that block as a challenge that went far beyond hockey» (p. [31]).

La morale de The Amazing Spider-Man passe aussi par là.

P.-S.—Les «kookie Canadian cavortings» de Peter Parker / Spider-Man comprendront trois autres livraisons : Hit and Run ! (1991) se déroule à Toronto et il y est question de son équipe de baseball, les Blue Jays; dans Chaos in Calgary (1992), on assiste au Stampede de la ville; Deadball (1993) porte sur Montréal et ses Expos — c’est encore du baseball. Il existe des versions françaises de ces bandes dessinées.

Bonsoir, elle est partie !

Terrain de baseball

Au baseball, quand un frappeur envoie la balle à l’extérieur du terrain, mais à l’intérieur des lignes, cela s’appelle frapper un (coup de) circuit. On peut aussi dire que ce frappeur l’a sortie du stade, encore que le mot stade puisse avoir deux sens ici : la balle ainsi frappée sort des limites du terrain, certes, mais pas nécessairement de l’édifice qui abrite ce terrain. Passons.

L’expression la sortir du stade a (récemment ?) quitté les losanges pour passer dans la langue courante.

Dans la Presse+ du jour, on peut ainsi lire ceci : «Au baseball, disait Yogi Berra, ce n’est pas fini tant que ce n’est pas fini. C’est vrai. Stephen Bronfman a encore une chance de la sortir du stade. Il est capable. Il en a les moyens. Encore faut-il qu’il se présente au bâton de nouveau.» Dans ce cas, on ne s’attend pas à ce que Stephen Bronfman frappe bel et bien un circuit dans un uniforme de joueur, mais on laisse entendre qu’il peut réussir avec panache — qu’il la sorte du stade — le projet qu’il a entrepris de ramener une équipe de baseball professionnel à Montréal.

À la radio de Radio-Canada, à l’émission La soirée est encore jeune, on entend souvent l’expression dans la bouche de Jean-Sébastien Girard, généralement pour applaudir aux chroniques d’Olivier Niquet. Or Girard — attention : euphémisme massif devant — n’a jamais fait preuve d’une solide culture sportive. En utilisant l’expression, il montre qu’elle est devenue commune et il contribue à sa diffusion. Les amateurs de balle lui en sauront gré.

P.-S.—Oui, le titre de ce billet est une allusion à l’œuvre de Rodger Brulotte.

P.-P.-S.—Oui, on peut frapper un coup de circuit au champ gauche.

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L’ami Laurent Turcot a sa chaîne sur YouTube, L’histoire nous le dira.

En 2018, l’Oreille tendue y a causé de Voltaire et du Canada, puis de Maurice Richard — c’est du hockey. En février dernier, il y était question du Siècle des lumières, en l’occurrence de l’Encyclopédie de Diderot et D’Alembert. En juin, l’Oreille y présentait son livre Le niveau baisse ! (et autres idées reçues sur la langue).

Aujourd’hui, elle chante les louanges de Jackie Robinson — c’est du baseball — en le comparant à Louis Cyr et à Maurice Richard.

Pour ceux qui préfèrent l’écrit, c’est ici. La radio ? Par .

P.-S.—L’Oreille a aussi sa chaîne vidéo. Elle est bien plus modeste.

 

Référence

Melançon, Benoît, Le niveau baisse ! (et autres idées reçues sur la langue), Montréal, Del Busso éditeur, 2015, 118 p. Ill.

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Portrait de Jackie Robinson par Charles Malo Melançon

L’Oreille tendue aime beaucoup écrire sur Jackie Robinson (voyez ici, par exemple).

Ce soir, elle parlera de lui à la radio de Radio-Canada, au micro de Jacques Beauchamp, à l’émission Aujourd’hui l’histoire. C’est à 20 h.

Illustration : Charles Malo Melançon

 

[Complément du jour]

On peut (ré)entendre l’entretien ici.