De l’article Bar
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De l’article Mangeux de marde
De l’article Tintin en québécois
De l’article Zola épistolier
« Nous n’avons pas besoin de parler français, nous avons besoin du français pour parler » (André Belleau).
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L e 28 décembre 1944, les Canadiens de Montréal — c’est du hockey — jouent un match au Forum contre les Red Wings de Detroit. Les Canadiens l’emportent 9 à 1. Le célèbre ailier droit Maurice «Rocket» Richard marque cinq but et obtient trois passes. Or, plus tôt ce jour-là, il avait participé à un déménagement et il se sentait fatigué; il aurait même hésité à jouer. Cet événement fait partie de ceux qui ont fait de Maurice Richard un mythe québécois. La culture, sous toutes ses formes, s’est assurée que ce ne serait pas oublié.
Dès 1945, une «Poésie à la “Jean Narrache” due à la plume de Camil DesRoches et dédiée à Maurice “Record” Richard» est «débitée à la Parade Sportive le 14 janvier 1945 au poste CKAC». Dans ce poème sur feuille volante, on lit les strophes suivantes :
Y’a quinze jours, au Forum, on jouait contre Détroit,
La foule espérait bien voir nos gars l’emporter,
Richard, plus que jamais, accomplit un exploit,
Prenant part à huit points, au cours de la soirée.
En effet, ce soir-là, Maurice joua en «scieronde»,
Il sut compter deux points en moins de huit secondes,
Et ce ne fut pas tout… Il compta trois autr’s points,
Et eut trois assistances… Çé-tu assez ?… J’pense ben !
Pour lui ce fut ben simple. Il se mit à jouer,
Et puis à patiner comme il le sait si bien,
Et le gardien des Wings, un gars du nom d’Lumley,
Vit tell’ment d’caoutchouc… Qu’il ne voyait plus rien.
C’est la même anecdote qu’ont retenue les concepteurs de la série de courts métrages «La minute du patrimoine» Historica quand ils ont décidé d’y accueillir Maurice Richard en 1997. (Roy Dupuis y incarne le joueur.)
Au moment de la mort de Richard, en mai 2000, le premier ministre de l’époque, Lucien Bouchard, lui rend hommage à l’Assemblée nationale :
Quatre décennies plus tard, la légende de Maurice Richard est toujours aussi vivante. Peu d’entre nous l’on pourtant vu jouer, imaginant cependant ses descentes à l’emporte-pièce pendant la description des matchs à la radio. La plupart ne le connaissent que de réputation ou par des films d’archives. Tous ont entendu l’histoire de cette journée de décembre 1944 où, après avoir déménagé le piano de sa famille dans les escaliers de l’est de Montréal durant la matinée, il marqua le soir cinq buts — incroyable, mais cinq buts — et participa à trois autres dans la même journée (Journal des débats, 36e législature, 1re session, 30 mai 2000).
Le chef de l’opposition officielle, Jean Charest, n’est pas en reste :
Contrairement à plusieurs, je n’ai pas eu l’occasion, moi, de voir jouer Maurice Richard. Pourtant, j’ai tellement de souvenirs de lui que j’ai l’impression d’avoir été là ce soir-là, au Forum, quand les cinq buts ont été comptés. Et c’est un sentiment qui est partagé par plusieurs autres citoyens du Québec, tellement on a vécu, tellement on s’est abreuvés aux récits que nous racontaient nos parents au sujet de Maurice Richard (Journal des débats, 36e législature, 1re session, 30 mai 2000).
Dans son film Maurice Richard (2005), Charles Binamé lui consacre quatre minutes (de la 61e à la 65e). L’année suivante, Gaël Corboz publie un roman pour la jeunesse intitulé En territoire adverse, où il est question du match du 28 décembre, mais l’auteur le situe (malheureusement) en… 1943 (p. 73-77).
Vous voulez apprendre l’anglais à l’école primaire ? Du matériel pédagogique porte (évidemment) là-dessus.
En quatrième de couverture de la bande dessinée Je sais tout de Pierre Bouchard (2014), «Je sais tout sur Maurice Richard» évoque, sur le mode burlesque, cet épisode de la carrière du Rocket. (Voir l’image au début de ce texte.)
La Presse+ du jour le raconte dans sa rubrique «D’hier à aujourd’hui».
Comment oublier pareil «exploit» ? Il n’y a pas moyen. C’est ainsi que les mythes vivent.
P.-S. — La liste d’évocations ci-dessus n’est évidemment pas exhaustive. Il y a des dizaines et des dizaines d’autres occurrences.
P.-P.-S. — L’Oreille tendue a consacré tout un livre à ces questions, les Yeux de Maurice Richard (2006).
[Complément du 4 mars 2021]
Dans Raconte-moi Maurice Richard (2019), Jean-Patrice Martel offre une version différente de cet événement :
Le mercredi 27 décembre 1944 [et non le 28], Maurice déménage. Il quitte son logement, au troisième étage d’un immeuble de l’avenue des Érables, pour s’installer au deuxième étage d’une maison de la rue Papineau. Avec quelques membres de sa famille, il transporte les meubles, les boîtes et les appareils électroménagers. Il se couche très tard et, le lendemain, il passe une partie de la journée à déplacer les meubles pour aménager le nouveau logement (p. 67).
La fatigue est la même, pas la chronologie. Les discours mythiques sur Maurice Richard, eux, n’ont retenu qu’une date, celle du 28 décembre.
Références
Bouchard, Pierre, Je sais tout, Montréal, Éditions Pow Pow, 2014, 106 p.
Corboz, Gaël, En territoire adverse, Saint-Lambert, Soulières éditeur, coll. «Graffiti», 37, 2006, 164 p.
Martel, Jean-Patrice, Raconte-moi Maurice Richard, Montréal, Éditions Petit homme, coll. «Raconte-moi», 36, 2019, 150 p. Ill.
Maurice Richard / The Rocket, film de fiction de 124 minutes, 2005. Réalisation : Charles Binamé. Production : Cinémaginaire.
Maurice «Rocket» Richard, docudrame d’une minute, 1997. Production : Minutes Historica. https://www.historicacanada.ca/fr/content/heritage-minutes/maurice-rocket-richard (version française) et https://www.historicacanada.ca/content/heritage-minutes/maurice-rocket-richard (version anglaise)
Melançon, Benoît, les Yeux de Maurice Richard. Une histoire culturelle, Montréal, Fides, 2006, 279 p. 18 illustrations en couleurs; 24 illustrations en noir et blanc. Nouvelle édition, revue et augmentée : Montréal, Fides, 2008, 312 p. 18 illustrations en couleurs; 24 illustrations en noir et blanc. Préface d’Antoine Del Busso. Traduction : The Rocket. A Cultural History of Maurice Richard, Vancouver, Toronto et Berkeley, Greystone Books, D&M Publishers Inc., 2009, 304 p. 26 illustrations en couleurs; 27 illustrations en noir et blanc. Traduction de Fred A. Reed. Préface de Roy MacGregor. Postface de Jean Béliveau. Édition de poche : Montréal, Fides, coll. «Biblio-Fides», 2012, 312 p. 42 illustrations en noir et blanc. Préface de Guylaine Girard.
La première partie du périple de l’Oreille tendue a été parisienne et normande. La seconde — pas la deuxième, malheureusement — sera strictement parisienne.
19 novembre 2016
Place Saint-Sulpice
Neige sur la Lutèce d’antan.
Quais de la Seine, rive gauche
Notre-Dame est un des monuments de l’architecture religieuse française.
Quais de la Seine, rive gauche
Premier article d’une liste de vœux pour Paris. Faire disparaître la tour Montparnasse, pas la gare. (L’Oreille tendue sait qu’elle se répète.)
Quais de Seine, rive droite
C’est aussi cela la mondialisation.
Quais de Seine, rive droite
Voir passer un bus qui vous emmène gratuitement de Paris chez Ikea. Avoir une pensée pour Nicolas Dickner.
Rue Jacques-Cœur
Si l’Oreille tendue comprend bien, on fabrique des grilled cheese à Paris. Est-ce à dire qu’ils sont urbains ?
Rue Castex
Un demi-Castex-et-Surer.
Devant le Bazar de l’hôtel de ville
Un mendiant sollicite les passants à distance : sa sébile cartonnée est accrochée au bout d’une canne à pêche. Pour le dire en bourdieusien : voilà quelqu’un qui a parfaitement assimilé la logique de la distinction. Il mendie, mais pas comme tout le monde. On peut imaginer qu’il espère sortir du lot et tirer une plus-value de sa singularité. Cela reste à démontrer. (L’Oreille a le vague sentiment que ce mendiant est là depuis quelques années. La mémoire n’est plus ce qu’elle était.)
À l’hôtel
Lisant à distance un journal montréalais, l’Oreille tendue, qui a consacré une partie de sa thèse de doctorat aux lettres de Diderot à Sophie Volland, découvre qu’Alexandre Jardin recommande la lecture de ces lettres. Que doit-elle désormais penser d’elle-même ?
20 novembre 2016
Tour Eiffel
L’art de l’égoportrait.
Musée du Quai de Branly-Jacques Chirac
Un peu par hasard, l’Oreille visite l’exposition The Color Line. Les artistes africains-américains et la ségrégation. Objectif de l’entreprise ?
Quel rôle a joué l’art dans la quête d’égalité et d’affirmation de l’identité noire dans l’Amérique de la Ségrégation ? L’exposition rend hommage aux artistes et penseurs africains-américains qui ont contribué, durant près d’un siècle et demi de luttes, à estomper cette «ligne de couleur» discriminatoire.
L’Oreille, qui s’attendait à y trouver ses amis Jackie Robinson — c’est du baseball — et Ella Fitzgerald — c’est du jazz —, n’a pas été déçue. Le premier est photographié en compagnie de Branch Rickey. De la seconde, on peut voir un portrait, par Beauford Delaney (1968), que l’Oreille ne connaissait pas.
Il y avait bien plus important et bouleversant, notamment des images de lynchage.
Puis, juste avant de sortir, un exemplaire de la traduction française de Between the World and Me (2015) de Ta-Nehisi Coates, livre qu’admire l’Oreille tendue.
Rue de la Gaieté
Donner quelques pièces à la famille de quatre personnes qui dort sur le trottoir et mesurer l’inanité de ce geste.
21 novembre 2016
Avenue du Maine
L’Oreille aurait attendu un bar à cigares.
Grand Palais
Vue tout à l’heure la riche exposition Hergé. Il y a le bédéiste, évidemment, mais aussi l’amateur d’art contemporain et, surtout — découverte pour l’Oreille —, l’illustrateur publicitaire. En plus, le père de Tintin aimait Ella Fitzgerald.
P.-S. — Un mur est fait des éditions de Tintin dans d’autres langues que le français. Heureusement, l’album «en québécois» ne paraît y être. Heureusement.
Rue du Vieux-Colombier
L’Oreille découvre l’expression à l’ouest : «Être à l’ouest, déphasé, complètement désorienté, déboussolé», dit le Petit Robert (édition numérique de 2014). En son premier sens («déphasé»), elle pourrait évoquer le champ gauche prisé au Québec.
22 novembre 2016
L’Oreille ne croit pas en l’idée d’une subversion en art. Encore moins quand la subversion est publicisée par la Monnaie de Paris.
Références
Coates, Ta-Nehisi, Between the World and Me, New York, Spiegel & Grau, 2015, 152 p. Ill.
Melançon, Benoît, Diderot épistolier. Contribution à une poétique de la lettre familière au XVIIIe siècle, Montréal, Fides, 1996, viii/501 p. Préface de Roland Mortier. https://doi.org/1866/11382
Hier, l’Oreille tendue a visité l’exposition du Grand Palais, à Paris, consacrée à Hergé. Cela allait de soi.
Elle y est tombée sur cette déclaration d’Hergé à Numa Sadoul en 1971 :
Elle a alors transmis l’information à son ami flaubertien Yvan Leclerc.
Réponse de l’intéressé (merci) : «Et quand on pense que Flaubert n’a jamais dit (ou du moins écrit) ça ! Mais bon, puisque tout le monde le répète, c’est devenu vrai. Il FAUT que ça soit vrai !»
Démonstration ici.
On ne prête qu’aux riches.
(«Le niveau baisse !» est une rubrique dans laquelle l’Oreille tendue collectionne les citations sur le déclin [supposé] de la langue. Les suggestions sont bienvenues.)
C’est Spirou qui le dit :
Source : Bonnes Soirées, 1749, 14 août 1955.
Pour en savoir plus sur cette question :
Melançon, Benoît, Le niveau baisse ! (et autres idées reçues sur la langue), Montréal, Del Busso éditeur, 2015, 118 p. Ill.