Dollard Saint-Laurent (1929-2015)

Dollard Saint-Laurent, carte de joueur

«J’aime mieux dire dollar que piastre,
à cause de Dollard Saint-Laurent…
Dollard des Ormeaux.
La plume m’a fourché»
(Réjean Ducharme, Le nez qui voque).

Dollard Saint-Laurent, l’ancien joueur des Canadiens de Montréal — c’est du hockey —, vient de mourir.

Il n’a pas eu le succès culturel des grands joueurs de sa génération, Maurice Richard ou Jean Béliveau, mais on le voit parfois apparaître dans des œuvres de création. C’est le cas dans l’émission de télévision en deux parties Maurice Richard. Histoire d’un Canadien (1999).

À plusieurs reprises dans la partie fictive de ce docudrame de Jean-Claude Lord et Pauline Payette, les réalisateurs rappellent qu’il existait dans les années 1940 et 1950 une barrière linguistique dans le vestiaire des Canadiens. Les anglophones parlaient anglais; les francophones devaient être bilingues. Cette partition, dans Maurice Richard. Histoire dun Canadien, est toujours activée par le même personnage, anonyme dans le film, le numéro 19. (De 1951-1952 à 1957-1958, Dollard Saint-Laurent portait ce numéro chez les Canadiens.) C’est lui qui félicite Maurice Richard en anglais, avant de se raviser; c’est la moindre des choses entre francophones. C’est lui qui enseigne à ses coéquipiers anglophones, dans l’appartement de Maurice Richard, à chanter «Il a gagné ses épaulettes». C’est lui qui leur traduit les articles politico-sportifs du Petit Journal et de Samedi-Dimanche, dont celui qui sera une des sources des démêlés de Richard avec Clarence Campbell. C’est aussi lui qui accepte de passer d’une station de radio française à une station anglaise, le 16 mars 1955, afin que tous apprennent ensemble la sentence de Richard à la suite de ce qui s’est passé à Boston le 13 mars. S’il met constamment en lumière le fait qu’il y a deux langues dans le vestiaire, et deux langues d’inégal statut, le numéro 19 ne le fait jamais sur le mode de la confrontation. Cet entremetteur est un apôtre de la bonne entente canadienne et il réussit : l’esprit de corps ne se dément jamais chez les coéquipiers de Richard.

[Ce texte reprend une analyse publiée dans les Yeux de Maurice Richard (2006).]

 

Références

Ducharme, Réjean, Le nez qui voque. Roman, Paris, Gallimard, 1967, 247 p.

Maurice Richard. Histoire d’un Canadien / The Maurice Rocket Richard Story, docudrame de quatre heures en deux parties, 1999 : 1921; 1951. Réalisation : Jean-Claude Lord et Pauline Payette. Production : L’information essentielle.

Melançon, Benoît, les Yeux de Maurice Richard. Une histoire culturelle, Montréal, Fides, 2006, 279 p. 18 illustrations en couleurs; 24 illustrations en noir et blanc. Nouvelle édition, revue et augmentée : Montréal, Fides, 2008, 312 p. 18 illustrations en couleurs; 24 illustrations en noir et blanc. Préface d’Antoine Del Busso. Traduction : The Rocket. A Cultural History of Maurice Richard, Vancouver, Toronto et Berkeley, Greystone Books, D&M Publishers Inc., 2009, 304 p. 26 illustrations en couleurs; 27 illustrations en noir et blanc. Traduction de Fred A. Reed. Préface de Roy MacGregor. Postface de Jean Béliveau. Édition de poche : Montréal, Fides, coll. «Biblio-Fides», 2012, 312 p. 42 illustrations en noir et blanc. Préface de Guylaine Girard.

Les Yeux de Maurice Richard, édition de 2012, couverture

Quatre choses inutiles sur Saku Koivu

Saku Koivu a récemment pris sa retraite. L’ancien joueur des Canadiens de Montréal — c’est du hockey — sera honoré ce soir au Centre Bell.

Qu’en est-il de sa représentation dans la culture populaire québécoise ?

Dans la série les Boys (cinéma, télévision), le fils de Mario, le personnage joué par Patrick Labbé, se prénomme Saku. (Si la mémoire de l’Oreille tendue n’est pas trop défaillante, la mère de Saku l’oblige à suivre des cours de… danse.)

On entend le nom du joueur du centre dans deux chansons d’Annakin Slayd datant de 2009 (il s’agit en fait de la même chanson, en français et en anglais), «La 25ième» et «25 (Feels Like ‘93)». Dans les deux cas, on a inséré un extrait d’une description de match par Pierre Houde :

Koivu, Koivu qui est arrêté par Rozsival… la rondelle revient à Andrei Kostitsyn… et le BUUUUT ! Kovalev ! Qui d’autre ? Montréal qui compte.

Venu de Finlande, Koivu a rapidement maîtrisés les éléments récurrents de la mystique hockeyistique montréalaise. Dave Stubbs, dans un article du quotidien The Gazette paru en 2011, se souvient par exemple d’une discussion qu’il a eue avec lui cinq ans plus tôt :

During a long talk in an empty dressing room early in the fall of 2006, Koivu pointed to the coal-black pupils staring down from the facing wall. No matter where he sat, he said, the eyes of the Rocket found him.

Koivu savait mesurer le pouvoir des yeux de Maurice Richard, même en photo au mur du vestiaire, même six ans après la mort de l’ancien capitaine de son équipe.

Le nom de Koivu, enfin, apparaît dans le roman pour la jeunesse les Canadiens de l’enfer de Yanik Comeau (2012).

Vous connaissez autre chose ?

 

Références

Comeau, Yanik, les Canadiens de l’enfer, Ville-Marie, Z’ailées, coll. «Zone frousse», 19, 2012, 111 p.

Stubbs, Dave, «Emotional Return for Captain K», The Gazette, 22 janvier 2011.

Maurice Richard, 1921-2000

L’Oreille tendue s’intéresse depuis plusieurs années aux relations de la culture et du sport (surtout du hockey).

Cela a donné un ouvrage collectif, un livre sur Maurice Richard, un livre sur la langue de puck et des articles divers (on en trouvera quelques-uns , en format numérique). Cela a aussi donné des entrées ici même.

Maurice Richard étant né un 4 août, voici quelques textes du blogue qui portent (en partie) sur lui.

Sur hockey et chanson, ici et

Sur Hitler

Sur les «fantômes du Forum»

Sur le flambeau des Canadiens de Montréal

Sur le crottin de cheval

Sur tabarnac/k

Sur le mazout

Sur la bande dessinée

Sur les lectures des sportifs

Sur Émile «Butch» Bouchard

Sur le pont Champlain (L’Oreille semble avoir oublié son premier texte quand elle a écrit le second.)

Sur la langue du hockey (dans la série «Dictionnaire des séries»)

Sur Jean Béliveau

Sur Guy Lafleur

Sur Roch Carrier

Sur le mythe, en poésie, au cinéma et dans la presse

Sur le but du 8 avril 1952

Sur celui du 16 avril 1953

Sur William Faulkner

Sur le tir du revers

Sur la mort de Maurice Richard, ici, et ailleurs

Sur Mordecai Richler

Ça va commencer à bien faire.

 

[Complément du 26 mai 2020]

Il semble que ce n’était pas tout à faire fini…

Sur la Tchécoslovaquie

Sur Gordie Howe

Sur (encore) le nom d’un pont

Sur Pat Quinn

Sur des bandes dessinées en anglais (ici et ) et en français

Sur Jean Béliveau (bis)

Sur Guy Lafleur (bis)

Sur le but du 3 février 1945

Sur l’éducation

Sur l’Émeute (une série de textes)

Sur Clarence Campbell

Sur Dollard Saint-Laurent

Sur Jackie Robinson

Sur René Lecavalier

Sur Pierre Bourgault

Sur Gilles Marcotte

Sur un sondage

Sur la poésie richardienne (ici, , ailleurs)

Sur Gerry McNeil

Sur Mohamed Ali (ici et )

Sur la circonscription électorale Maurice-Richard

Sur des timbres

Sur des contrats

Sur le 28 décembre 1944

Sur les «fantômes du Forum» (bis)

Sur le 11 mars 1996

Sur le 23 mars 1944

Sur une exposition

Sur le Rocket de Laval

Sur une chambre d’hôtel

Sur une affiche

Sur Henri Richard

Et ajoutons une vidéo

 

[Complément du 4 août 2023]

Et encore…

Sur un colloque

Sur le vin et la bière

Sur un mythe bien de chez nous

Sur le Rocket dans l’espace public

Sur un Maurice Richard pour les enfants

Sur une publicité richardienne

Sur une épopée romanesque

Sur une conférence

Sur les masques de gardiens

Sur la royauté

Sur Roch Carrier

Sur les murs d’une taverne

Sur des murales montréalaise

Sur la barbe de Maurice Richard

Sur les yeux de Bill Ezinicki

Sur les yeux de Martin Saint-Louis

Sur l’art perdu de la lettre de rétractation

Sur une photo célèbre

Sur le maillot des Canadiens de Montréal

Sur une carte postale

Sur des chansons jazz

 

Les Yeux de Maurice Richard, édition de 2012, couverture

Trois questions périhockeyistiques

Samedi dernier, grâce à sa structure familiale latérale, l’Oreille tendue, accompagnée de l’Oreille tendue cadette, assistait au Centre Bell à la dégelée des Canadiens de Montréal contre les Capitals de Washington — c’est du hockey.

(Pour décrire ce genre de défaite honteuse, un journaliste de la Presse, Richard Labbé, parle de rince, au féminin.)

Comme d’habitude, l’Oreille se demandait pourquoi le niveau sonore était si élevé. Elle s’est cependant posé aussi trois nouvelles questions.

Ça sert à quoi les reprises vidéo des bagarres sur écran géant, sinon à perpétuer une pratique cromagnonesque ? (Sur les bagarres au hockey, dans la Presse+ d’hier, le joueurnaliste Maxime Talbot est cromagnonesque.)

Les arénas sont-ils les derniers endroits où l’on chante avec cœur l’hymne national canadien ?

Quand des dizaines de personnes viennent de mourir dans un incendie et qu’on demande aux spectateurs de leur consacrer un moment de silence, pourquoi refuser de le faire ?

 

[Complément du 11 novembre 2021]

S’agissant des reprises vidéo de bagarres sur écran géant au Centre Bell, l’Oreille tendue a écrit au président de l’équipe, Geoff Molson, le 1er juin 2021. Elle n’a pas eu, pour l’instant, de réponse.