Plaisir solitaire

Maurice Richard et Stan Fischler, Les Canadiens sont là !, 1971, couverture

En 1971, chez Prentice-Hall of Canada, dans une traduction de Louis Rémillard, paraît le livre Les Canadiens sont là ! La plus grande dynastie du hockey. En couverture, deux noms pour un seul auteur, «par Maurice “Rocket” Richard et Stan Fischler» : Maurice Richard est un joueur de hockey; Stan Fischler, un très prolifique journaliste sportif. (Il est arrivé, à l’occasion, à l’Oreille tendue de parler de Richard.)

Dans sa livraison de juillet 1971, le Magazine Maclean publie une publicité pour l’ouvrage (p. 39).

Le Magazine Maclean, juillet 1971, publicité pour Les Canadiens sont là !

Comment l’éditeur entend-il appâter le chaland ?

En proposant une «version authentique» de la «belle carrière» de Richard, parfois ramené à son seul prénom, «Maurice».

En promettant un texte enlevant : «Captivant, le récit bondit au rythme du hockey lui-même; rapide, imprévisible, tout comme l’équipe; tout comme le plus grand de ses joueurs»; «Plus de 20 grandes illustrations et 300 pages pleines de mouvement vous placeront au beau milieu de la patinoire.»

En offrant la possibilité à l’acheteur de retourner le livre pour quelque raison que ce soit : «J’examinerai ce livre chez moi pendant dix jours. Si je décide de ne pas le conserver, je pourrai vous renvoyer le livre, et mon argent [6,95 $] me sera intégralement remboursé.» Il n’y a rien à craindre : «COMMANDEZ VITE ! OFFRE SÛRE !»; «sans aucun risque !»; «votre commande est entièrement garantie !»; «Examinez ce livre pendant 10 jours sans risque !»; «GARANTIE DE REMBOURSEMENT !»

Surtout, en suggérant un plaisir solitaire : «“Les Canadiens sont là” est un livre passionnant, que vous tiendrez à lire vous-même.» Personne ne le lira à votre place ! C’est toujours bon à savoir.

 

Référence

Richard, Maurice et Stan Fischler, Les Canadiens sont là ! La plus grande dynastie du hockey, Scarborough, Prentice-Hall of Canada, 1971, vii/296 p. Ill. Traduction de Louis Rémillard.

Il faut toujours dire la vérité aux enfants

Lucie Papineau, la Légende de Maurice Richard, 2020, couverture

Ses lecteurs le savent : l’Oreille tendue a consacré beaucoup de temps à Maurice Richard — c’est du hockey. (Voir ici.)

Apprenant la parution de la Légende de Maurice Richard, le petit garçon qui devint le Rocket, un album destiné aux «3 ans et +», signé par Lucie Papineau (aux textes) et Caroline Hamel (aux dessins), elle est donc allée jeter un œil. Elle ne s’attendait évidemment pas à des révélations — elle en a passé l’âge —, mais elle a quand même été étonnée par autant d’erreurs et d’imprécisions en si peu de pages.

La publicité représentée p. 8, celle de Dr Pepper, comporte le slogan «Tree good times»; ce devrait être «Three good times». À la page suivante, il y a «Bigger. Bitter», alors que ce devrait être «Bigger. Better».

En mars 1955, Richard n’est pas suspendu que pour «toute la durée des éliminatoires» (p. 30); il l’est aussi pour les trois derniers matchs de la saison régulière, ce qui le privera du championnat des marqueurs. Le 18 du même mois, quand il s’adresse à ses partisans, à la suite de l’Émeute de la veille, c’est à la radio (p. 31), mais aussi à la télévision.

Il n’est pas nommé au Temple de la renommée du hockey en 1960 (p. 33), mais en 1961. Son chandail, le numéro 9, a été retiré par les Canadiens de Montréal (p. 33), mais pas par toutes les équipes de la Ligue nationale de hockey.

Ça fait un brin désordre, tout ça

 

Référence

Papineau, Lucie, la Légende de Maurice Richard, le petit garçon qui devint le Rocket, Montréal, Auzou, 2020, 35 p. Illustrations de Caroline Hamel.

L’oreille tendue de… Yvon Lambert et Guy Lapointe

Denis Richard, en collaboration avec Léandre Normand, Henri Richard. La légende aux 11 coupes Stanley, 2020, couverture

«La scène se passe dans une petite taverne située près du camp d’entraînement des Canadiens, qui se tient à Kentville, en Nouvelle-Écosse, à l’automne 1971. Tendant l’oreille vers la table voisine, nos deux moineaux [Yvon Lambert et Guy Lapointe] entendent Henri Richard lancer à un autre joueur, assis avec lui, “qu’une jeune recrue qui n’est pas capable de se taper cinq-six bières par jour n’a pas sa place dans le club”.»

Denis Richard, en collaboration avec Léandre Normand, Henri Richard. La légende aux 11 coupes Stanley, préface de Ronald Corey, avant-propos de Léandre Normand, Montréal, Éditions de l’Homme, 2020, 234 p., p. 209.

La mémoire du Rocket

Dans la Presse+ du jour, Philippe Cantin publie un texte intitulé «La mémoire du Rocket mérite davantage». L’article paraît au moment où on commémore le vingtième anniversaire de la mort de Maurice «Rocket» Richard — c’est du hockey.

Le chroniqueur écrit notamment ce qui suit :

Je souhaite qu’un jour, une nouvelle occasion de souligner avec éclat la place du Rocket dans notre histoire se présente. Sa mémoire mérite davantage. Qu’on choisisse une rue ou une place au cœur de Montréal, fréquentée par des milliers de résidants et de touristes. La cité doit donner à son nom le retentissement approprié.

L’Oreille tendue a publié en 2006, aux Éditions Fides, les Yeux de Maurice Richard. Une histoire culturelle. Elle a consacré au même sujet plusieurs articles universitaires et de nombreuses entrées de ce blogue.

L’Oreille ne partage pas le point de vue de Philippe Cantin. Pourquoi ?

Elle l’expliquait en 2016, quand on a voulu rebaptiser la circonscription québécoise Crémazie du nom du joueur de hockey. Voici ce qu’elle écrivait alors :

À Montréal, Maurice Richard a droit à son aréna, dans l’Est de Montréal, qui a pendant quelques années hébergé un musée en son honneur. À son parc, voisin de l’endroit où il habitait, rue Péloquin, dans l’arrondissement Ahuntsic-Cartierville. À son restaurant, le 9-4-10, au Centre Bell. À son étoile de bronze sur la promenade des Célébrités, rue Sainte-Catherine, à côté de celle de la chanteuse Céline Dion. (Il a aussi sa place sur le Walk of Fame du Madison Square Garden de New York et sur le Canada’s Walk of Fame de Toronto.) À cinq statues : devant l’aréna qui porte son nom, à côté du Centre Bell, au rez-de-chaussée des cinémas AMC-Forum-Pepsi, dans le Complexe commercial Les Ailes, au Musée Grévin. À son gymnase, celui de l’école Saint-Étienne.

Il y a un lac Maurice-Richard, dans la région de Lanaudière, au nord-ouest de Saint-Michel-des-Saints. Il y a le lac et la baie du Rocket près de La Tuque. Il y a une rue Maurice-Richard et une place Maurice-Richard, à Vaudreuil-Dorion, en banlieue de Montréal.

Le Canada n’est pas en reste. L’État fédéral a érigé une statue de Maurice Richard devant le Musée canadien de l’histoire, celui où a été montée en 2004 l’exposition, devenue itinérante depuis, «Une légende, un héritage. “Rocket Richard”. The Legend — The Legacy». Il a émis un timbre à l’effigie du hockeyeur et il lui fait allusion, par Roch Carrier interposé, sur les billets de banque de 5 $. L’Oreille s’est laissé dire que, à Calgary, une «Richard’s Way» (ou serait-ce une «Richard’s Road» ?) l’aurait honoré. Du temps où les affaires allaient moins mal, il y avait une salle Maurice-Richard au siège social de Research in Motion (le Blackberry), à Waterloo; peut-être y est-elle toujours. Depuis 2012, pour atterrir à l’aéroport Pierre-Elliott-Trudeau, les pilotes peuvent emprunter un corridor aérien nommé MORIC, pour qui vous savez.

Ce n’est pas tout. La circonscription Maurice-Richard a été créée en 2016. Ses célèbres yeux sont reproduits dans le vestiaire du Rocket de Laval. Il y a maintenant une chambre d’hôtel au nom du joueur.

Il faudrait encore ajouter les innombrables manifestations du hockeyeur dans l’espace médiatique québécois et canadien. Il a été l’objet de toutes sortes d’écrits : des articles de périodiques et des textes savants, des biographies et des recueils de souvenirs, des contes et des nouvelles, des romans et des livres pour la jeunesse, des poèmes et des pièces de théâtre. Son nom apparaît dans des manuels scolaires. On lui a consacré des chansons, des bandes dessinées, des sculptures, des peintures, des films et des émissions de télévision. Son visage a orné des vêtements, des jouets, des publicités.

L’Oreille concluait ceci en 2016 : «Disons-le d’un mot : la mémoire de Maurice Richard n’est pas du tout menacée au Québec. Personne ne peut y vivre sans connaître ce nom.»

Elle n’a pas changé d’idée.

 

Référence

Melançon, Benoît, les Yeux de Maurice Richard. Une histoire culturelle, Montréal, Fides, 2006, 279 p. 18 illustrations en couleurs; 24 illustrations en noir et blanc. Nouvelle édition, revue et augmentée : Montréal, Fides, 2008, 312 p. 18 illustrations en couleurs; 24 illustrations en noir et blanc. Préface d’Antoine Del Busso. Traduction : The Rocket. A Cultural History of Maurice Richard, Vancouver, Toronto et Berkeley, Greystone Books, D&M Publishers Inc., 2009, 304 p. 26 illustrations en couleurs; 27 illustrations en noir et blanc. Traduction de Fred A. Reed. Préface de Roy MacGregor. Postface de Jean Béliveau. Édition de poche : Montréal, Fides, coll. «Biblio-Fides», 2012, 312 p. 42 illustrations en noir et blanc. Préface de Guylaine Girard.

Les Yeux de Maurice Richard, édition de 2012, couverture

Dormir sous le regard du Rocket

L’Oreille tendue se répète encore une fois : la mémoire du hockeyeur Maurice Richard (1921-2000) est partout au Québec et au Canada. On ne rate aucune occasion d’honorer «Le Rocket», le célèbre numéro 9 des Canadiens de Montréal.

À Montréal, Maurice Richard a droit à son aréna, dans l’Est de Montréal, qui a pendant quelques années hébergé un musée en son honneur. À son parc, voisin de l’endroit où il habitait, rue Péloquin, dans l’arrondissement Ahuntsic-Cartierville. À son restaurant, le 9-4-10, au Centre Bell. À son étoile de bronze sur la promenade des Célébrités, rue Sainte-Catherine, à côté de celle de la chanteuse Céline Dion. (Il a aussi sa place sur le Walk of Fame du Madison Square Garden de New York et sur le Canada’s Walk of Fame de Toronto.) À cinq statues : devant l’aréna qui porte son nom, à côté du Centre Bell, au rez-de-chaussée des cinémas AMC-Forum-Pepsi, dans le Complexe commercial Les Ailes, parmi les statues de cire du Musée Grévin. À son gymnase, celui de l’école Saint-Étienne.

Sur l’île de Montréal, depuis peu, la circonscription provinciale de Maurice-Richard a remplacé Octave-Crémazie. Inauguré en 2019, le pont Samuel-de-Champlain aurait pu s’appeler du nom de l’ailier droit. Il y a un lac Maurice-Richard, dans la région de Lanaudière, au nord-ouest de Saint-Michel-des-Saints. Il y a le lac et la baie du Rocket près de La Tuque. Il y a une rue Maurice-Richard et une place Maurice-Richard, à Vaudreuil-Dorion, en banlieue de Montréal.

Le Canada n’est pas en reste. L’État fédéral a érigé une statue de Maurice Richard devant le Musée canadien des civilisations, devenu le Musée canadien de l’histoire, celui où a été montée en 2004 l’exposition, devenue itinérante depuis, «Une légende, un héritage. “Rocket Richard”. The Legend — The Legacy». Il a émis un timbre à l’effigie du hockeyeur et il lui fait allusion, par Roch Carrier interposé, sur les billets de banque de 5 $. L’Oreille s’est laissé dire que, à Calgary, une «Richard’s Way» (ou serait-ce une «Richard’s Road» ?) l’aurait honoré. Du temps où les affaires allaient moins mal, il y avait une salle Maurice-Richard au siège social de Research in Motion (le Blackberry), à Waterloo; peut-être y est-elle toujours. Depuis 2012, pour atterrir à l’aéroport Pierre-Elliott-Trudeau, les pilotes peuvent emprunter un corridor aérien nommé MORIC, pour qui vous savez.

Ajoutons aujourd’hui à cette liste (au moins) deux chambres d’hôtel, où les clients peuvent dormir sous le regard du Rocket.

À Montréal, depuis quelques années, l’Hôtel 10 a une suite — la 2116 — qui honore la mémoire d’André «Dédé» Fortin. Selon des sources sûres, on y trouve un portrait de Richard.

Également à Montréal, Uville, un nouvel «hôtel-musée», fait plus fort, dixit le quotidien le Devoir : «Au 4e étage, une chambre porte les couleurs de la Sainte-Flanelle et rend hommage à Maurice Richard.» Au mur : des photos du joueur, parfois en action, son maillot.

Richard ne se trouve pas que dans cette chambre :

Au quatrième étage, les chuchotements d’une révolution en préparation semblent retentir entre les murs. Sur la place centrale, une grande fresque présente une famille réunie autour d’un crucifix. Sous ce dernier, sur un écran, le Rocket inscrit le tour du chapeau qui lui garantit sa première Coupe Stanley. «Le culte de la Sainte-Trinité faisait doucement place à celui de la Sainte-Flanelle. Tranquillement, on forgeait notre propre identité en réinventant nos repères communs», souligne [le vice-président de l’hôtel, Daniel] Gallant.

Faites de beaux rêves.

 

[Cette énumération n’est évidemment pas exhaustive. Elle reprend et développe des éléments d’un livre d’abord paru en 2006, les Yeux de Maurice Richard. Une histoire culturelle.]

 

Référence

Melançon, Benoît, les Yeux de Maurice Richard. Une histoire culturelle, Montréal, Fides, 2006, 279 p. 18 illustrations en couleurs; 24 illustrations en noir et blanc. Nouvelle édition, revue et augmentée : Montréal, Fides, 2008, 312 p. 18 illustrations en couleurs; 24 illustrations en noir et blanc. Préface d’Antoine Del Busso. Traduction : The Rocket. A Cultural History of Maurice Richard, Vancouver, Toronto et Berkeley, Greystone Books, D&M Publishers Inc., 2009, 304 p. 26 illustrations en couleurs; 27 illustrations en noir et blanc. Traduction de Fred A. Reed. Préface de Roy MacGregor. Postface de Jean Béliveau. Édition de poche : Montréal, Fides, coll. «Biblio-Fides», 2012, 312 p. 42 illustrations en noir et blanc. Préface de Guylaine Girard.

Les Yeux de Maurice Richard, édition de 2012, couverture