La culture Stihl

Scie à chaîne Stihl

Les fidèles bénéficiaires de l’Oreille tendue savent qu’elle a récemment fait une acquisition sylvicole. Un de ses collègues — et néanmoins ami — lui a offert la pièce qui manquait à sa garde-robe : une casquette aux couleurs de sa tchén’ssâ.

Sur Twitter, la réaction de @rafov74 à l’annonce de ce cadeau vestimentaire comportait un passage d’une chanson :

J’pense que chu rendu là
Un p’tit r’tour à’ terre ben gawa
Avec un bon vieux tracteur à battre
Pis ben d’la réguine 4×4
Me semble donc qu’ça s’rait débile
J’aiguiserais enfin ma Stihl
Pour faire mon propre bois
Parc’ que chu plus Stihl qu’Husqvarna

On aura (évidemment) reconnu la chanson «Me d’mandait ma blonde», du Québec Redneck Bluegrass Project.

Ne voulant pas être en reste, l’Oreille lui a répondu avec une citation romanesque :

Je me suis assis sur un tréteau de bois pendant que Michel rangeait quelques outils. J’ai, évidemment, remarqué la nouvelle Miss Octobre du calendrier Stihl : une fille en maillot de bain rose tenant une grosse scie à chaîne, à cheval sur un tronc d’arbre (Léthargie, p. 44).

On n’arrête pas l’érudition.

P.-S.—En effet : ce n’est pas la première fois que l’Oreille cite ces phrases de Sylvain Hotte.

 

Référence

Hotte, Sylvain, Panache. 1. Léthargie, Montréal, Les Intouchables, coll. «Aréna», 1, 2009, 230 p.

Plus dure sera la chute

Jean-Claude Barey, l’Héritage d’un chûton, 2010, couverture

Soit ce bout de phrase, dans le Devoir du 31 mars dernier : «un régionalisme comme “chuton”, propre à Lanaudière».

Chuton, donc.

L’Oreille tendue a beaucoup entendu le mot dans la bouche de ses parents, dont une moitié provient, en effet, de Lanaudière.

Son sens est péjoratif, à la manière du jigon. Le Wiktionnaire offre comme définition «Personne mal élevée, rustre, peu soucieuse de son apparence». Le bien peu fiable Léandre Bergeron avance que le mot désigne un voyou (1981, p. 81); on peut ne pas partager son avis.

Au féminin, il donne chutonne.

Jean-Claude Barey, en 2010, penche pour l’accent circonflexe : chûton. Il donne les synonymes suivants : colons, bs, bougons, paumés, miséreux, itinérants.

Sur 4 ans de Festi-grunge, en 2005, Bouffons du roi chantait «Chuton», à Joliette — ce qui nous ramène à Lanaudière et au caractère bien peu reluisant du personnage.

 

Références

Barey, Jean-Claude, l’Héritage d’un chûton. Les tribulations d’une jeune démuni. Roman, Québec, Marcel Broquet éditeur, 2010, 288 p.

Bergeron, Léandre, Dictionnaire de la langue québécoise précédé de la Charte de la langue québécoise. Supplément 1981, Montréal, VLB éditeur, 1981, 168 p.

Déficit de tonus

Germaine Guèvremont, le Survenant, éd. de 1954, couverture

Soit la phrase suivante, tirée du roman le Survenant (1945), de Germaine Guèvremont : «Le flanc-mou ! Va-t-il encore s’éreinter, quoi ?» (éd. de 1954, p. 23)

Ce «flanc-mou» (avec trait d’union), dans le français familier du Québec, désigne une personne sans tonus. Définition du dictionnaire numérique Usito : «Personne paresseuse, qui manque d’énergie, de courage.» Chez Pierre DesRuisseaux : «Être (faire le) paresseux, nonchalant» (p. 152).

Les mélomanes se souviendront évidemment du «Rock’n’roll du grand flanc mou», la chanson de Plume Latraverse.

 

Références

DesRuisseaux, Pierre, Trésor des expressions populaires. Petit dictionnaire de la langue imagée dans la littérature et les écrits québécois, Montréal, Fides, coll. «Biblio • Fides», 2015, 380 p. Nouvelle édition revue et augmentée.

Guèvremont, Germaine, le Survenant. Roman, Paris, Plon, 1954, 246 p. Suivi d’un «Vocabulaire». Édition originale : 1945.

Les zeugmes du dimanche matin et de Québec Redneck Bluegrass Project

Québec Redneck Bluegrass Project, J’ai bu, 2020, couverture

«Ce pseudonyme lui fut attribué après une brosse mémorable au bar du village durant laquelle il perdit sa guitare et sa dignité, en plus de faire l’une de ses multiples commotions» (p. 115).

«Nous avons eu une fois de plus une tournée de bonheur et d’ibuprofène au quotidien […]» (p. 169).

«C’est fou ce qu’une bonne dose d’alcool et de bonne volonté peut parfois accomplir !» (p. 204)

«Quand tes amis reviennent avec un band, un Irlandais et une soif digne d’un vacancier bien rodé, t’as pas le choix de suivre !» (p. 219)

Québec Redneck Bluegrass Project, J’ai bu, Spectacles Bonzaï et Québec Redneck Bluegrass Project, 2020, 239 p. Avec un cédérom audio.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

Couches de produit laitier

 

Avant ce tweet de @Gdeleur, l’Oreille tendue ne s’était jamais interrogée sur l’expression (en) beurrer épais. Depuis, elle l’a fait.

Le dictionnaire numérique Usito donne la définition suivante de ce québécisme : «(expression) En beurrer épais ou (emploi intr.) beurrer épais : exagérer, en faire trop. / Surenchérir.»

Exemples récents : «C’est pas parce qu’il y a été qu’il a pas le droit d’en beurrer épais» (Esprit de corps, p. 274); «C’pas comme du fake, d’la frime / C’pas comme des pipes à créatine / J’en beurre rarement trop épais / Ne mousse jamais les faits / J’extrapole pas je relate / Pas d’extra pas d’glutamate / Me livre à vous à livre ouvert» («Sans extra», J’ai bu, p. 112).

À votre service.

P.-S.—Ne pas confondre avec la phrase «N’en beurre pas, épais».

 

Références

Québec Redneck Bluegrass Project, J’ai bu, Spectacles Bonzaï et Québec Redneck Bluegrass Project, 2020, 239 p. Ill. Avec un cédérom audio.

Vaillancourt, Jean-François, Esprit de corps. Roman, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 149, 2020, 302 p.