Chantons avec Justin

À la lecture du tweet d’@OursMathieu, l’Oreille tendue a d’abord cru à une blague. Cette chanson de campagne du Parti libéral du Canada, c’était inventé, n’est-ce pas ? Non : c’est la vérité vraie. Il s’agit de la «chanson officielle» de la campagne du parti de Justin Trudeau, l’actuel premier ministre du Canada.

 

Essayons d’abord de noter les paroles interprétées par le groupe The Strumbellas.

On lève une main haute
Pour demain
On lève une main haute
Aux étoiles
On peut être l’avenir aujourd’hui
Si tu restes avec moi
On lève une main haute
On en arrive
On lève une main haute
Pour [?]
On peut être l’avenir aujourd’hui
Non rien ne m’arrêtera
Ah ah

Comment dire…

Cela vient de l’anglais, «raise your hand» devenant «on lève une main haute», ce qui n’a guère de sens en français.

Le deuxième vers — qu’on pardonne cet excès lexical à l’Oreille — semble être «Pour demain», mais on pourrait tout aussi bien entendre «Pour tout main». Le problème de prononciation est encore plus grave quatre vers avant la fin. Que dit-on ?

Par le tutoiement («Si tu restes avec moi»), on veut probablement faire plus direct qu’avec le vouvoiement, voire toucher «les jeunes».

Sur le plan temporel, cela risque d’être compliqué : comment «être l’avenir aujourd’hui» ?

Certaines passages sont incompréhensibles : «On en arrive» — à quoi ? Aux «étoiles» ?

Décidément, Justin Trudeau et le français, ça ne va toujours pas.

P.-S.—Consolons-nous : ça ne dure que 34 secondes.

P.-P.-S.—Profitons de l’occasion pour évoquer de nouveau le rap de Gilles de Duceppe en 2011.

Autopromotion 452

L’ami Laurent Turcot a sa chaîne sur YouTube, L’histoire nous le dira.

En 2018, l’Oreille tendue y a causé de Voltaire et du Canada, puis de Maurice Richard — c’est du hockey. Cette année, il y a été question du Siècle des lumières, en l’occurrence de l’Encyclopédie de Diderot et D’Alembert, de son livre Le niveau baisse ! (et autres idées reçues sur la langue) et de Jackie Robinson.

Aujourd’hui, place à Ella Fitzgerald.

Pour ceux qui préfèrent l’écrit, c’est ici. La radio ? Par .

P.-S.—L’Oreille a aussi sa chaîne vidéo. Elle est bien plus modeste.

 

Référence

Melançon, Benoît, Le niveau baisse ! (et autres idées reçues sur la langue), Montréal, Del Busso éditeur, 2015, 118 p. Ill.

Chanter Jacques Plante

Jacques Plante (1929-1986) a été gardien de but dans la Ligue nationale de hockey, notamment pour les Canadiens de Montréal. Il n’a pas inventé le masque pour les gardiens, mais il est celui qui a fait le plus pour le rendre obligatoire. (Pour un portrait de Plante en lecteur, vous pouvez aller de ce côté.)

On l’a assez peu chanté en français. En 1954, La famille Soucy, dans «Le club de hockey Canadien», loue le «grand Plante» : «Pour un gardien d’but c’en est un.» Six ans plus tard, Oswald («Les sports») lui recommande le calme : «Fais pas le fou Ti-Jacques Plante.» André Brazeau («Ti-Guy», 2002), Mes Aïeux («Le fantôme du Forum», 2008) et Loco Locass («Le but», 2009) jettent son nom au milieu d’une théorie de grands joueurs du passé.

Ogden Ridjanovic — à la scène : Robert Nelson — vient de lancer Nul n’est roé en son royaume, album contenant la pièce «Jacques Plante». 

Il y a des jours où l’Oreille tendue pense avoir l’oreille. Aujourd’hui n’en est pas un. (Paroles ici.)

P.-S.—L’ancien entraîneur des Canadiens Jacques Demers a droit à sa chanson sur le même album. (Paroles .)

P.-P.-S.—Le groupe Rheostatics, dans «The Ballad of Wendel Clark», un an après la mort du cerbère, rapporte une entrevue de Clark avec Ken Hodge : «He said that he was confident and keen / He said that Jacques Plante didn’t die / So all of us could glide / He said that hard work is the ethic of the free.» Leçon morale : le travail («hard work») libère («free»).

P.-P.-P.-S.—L’Oreille a déjà publié un article savant sur la place des Canadiens de Montréal dans la chanson québécoise francophone : Melançon, Benoît, «Chanter les Canadiens de Montréal», dans Jean-François Diana (édit.), Spectacles sportifs, dispositifs d’écriture, Nancy, Questions de communication, série «Actes», 19, 2013, p. 81-92. https://doi.org/1866/28751