La clinique des phrases (128)

La clinique des phrases, Charles Malo Melançon, logo, 2020

(À l’occasion, tout à fait bénévolement, l’Oreille tendue essaie de soigner des phrases malades. C’est cela, la «Clinique des phrases».)

Soit cette légende d’une photo parue dans un quotidien montréalais :

Des pierres peintes, des fleurs et des peluches sont visibles devant l’église Saint-Jean de Magdebourg, en Allemagne, où s’ouvre le procès de l’homme saoudien accusé d’avoir foncé avec un VUS dans un marché de Noël en décembre 2024.

«Homme saoudien» ?

Simplifions :

Des pierres peintes, des fleurs et des peluches sont visibles devant l’église Saint-Jean de Magdebourg, en Allemagne, où s’ouvre le procès du Saoudien accusé d’avoir foncé avec un VUS dans un marché de Noël en décembre 2024.

À votre service.

P.-S.—Une majuscule à «Saoudien» ? Évidemment !

La clinique des phrases (127)

La clinique des phrases, Charles Malo Melançon, logo, 2020

(À l’occasion, tout à fait bénévolement, l’Oreille tendue essaie de soigner des phrases malades. C’est cela, la «Clinique des phrases».)

Soit la phrase suivante, tirée d’un quotidien montréalais :

Si l’on fait abstraction des morts accidentelles, «la très grande majorité des personnes décèdent de mort naturelle» au Québec, indique la Commission des soins de fin de vie dans son rapport 2018-2023.

L’Oreilleon le sait — préfère mourir à décéder. Passons, pour nous intéresser plutôt aux causes de décès évoquées dans cette phrase.

On peut, semble-t-il, «décéder de mort» («décèdent de mort naturelle»); cela fait un brin pléonastique.

Précisons : on peut mourir de «morts accidentelles» ou de «mort naturelle». Cela couvre en effet la très grande majorité des cas, sauf exceptions (suicides, catastrophes naturelles). On ne saurait le contester, mais cela ne semble pas être une découverte révolutionnaire.

Enfin, sauf erreur, la situation évoquée n’est pas propre au Québec.

Y a-t-il moyen de rescaper ce passage ? Essayons ceci :

Au Québec comme ailleurs, la très grande majorité des personnes meurent de causes naturelles.

À votre service — et merci au lecteur qui a mis l’Oreille sur la piste de cette perle.

La clinique des phrases (126)

La clinique des phrases, Charles Malo Melançon, logo, 2020

(À l’occasion, tout à fait bénévolement, l’Oreille tendue essaie de soigner des phrases malades. C’est cela, la «Clinique des phrases».)

Soit la phrase suivante, tirée d’un quotidien montréalais :

Dix ans après son ouverture, la Maison de la littérature de Québec se félicite d’incarner un phare pour le milieu littéraire […].

L’Oreille tendue manque souvent d’imagination. C’est probablement pourquoi elle est incapable de comprendre comment une «Maison de la littérature» pourrait «incarner un phare».

La personne qui a écrit cela fait probablement partie de celles qui croient qu’employer le verbe «être», ce n’est pas bien. (C’est faux.)

Donc :

Dix ans après son ouverture, la Maison de la littérature de Québec se félicite d’être un phare pour le milieu littéraire […].

À votre service.

La clinique des phrases (125)

La clinique des phrases, Charles Malo Melançon, logo, 2020

(À l’occasion, tout à fait bénévolement, l’Oreille tendue essaie de soigner des phrases malades. C’est cela, la «Clinique des phrases».)

Soit les deux phrases suivantes, publiées dans des médias québécois au cours des derniers jours :

«C’est un amalgame de récits à la première personne, de connaissances musicales, de ressentis et d’états seconds», explique le sympathique bassiste en faisant référence aux excès des pionniers du genre comme Lester Bangs, mort d’une surdose accidentelle à 33 ans.

L’acteur américain Malcolm-Jamal Warner, connu pour son second rôle dans The Cosby Show, est mort après s’être noyé accidentellement au Costa Rica, a annoncé lundi la police de ce pays.

«Surdose accidentelle» ? Se noyer «accidentellement» ? L’Oreille tendue aurait volontiers supprimé les allusions à l’accident dans ces deux phrases. Cela va de soi qu’il s’agit d’un accident, non ?

À votre service.

La clinique des phrases (124)

La clinique des phrases, Charles Malo Melançon, logo, 2020

(À l’occasion, tout à fait bénévolement, l’Oreille tendue essaie de soigner des phrases malades. C’est cela, la «Clinique des phrases».)

Certains n’ont rien à faire des répétitions dans un même texte. C’est le cas de Paul Léautaud dans son Journal littéraire : «Je ne changerais pour rien au monde une phrase qui contient deux fois, même trois, le même mot, si elle dit ce que je veux dire et si elle est venue ainsi» (16 juin 1905, p. 182).

D’autres, par exemple l’Oreille tendue, sont moins tolérants.

Soit la phrase suivante, tirée d’un quotidien montréalais :

Tout en enchaînant les rôles d’idiote sexy, elle quitte son mari et se marie avec Mickey Hargitay, un ex-Monsieur Univers d’origine hongroise avec qui elle aura trois enfants.

Ça fait un peu désordre, non, «son mari et se marie» ?

Proposons donc ceci :

Tout en enchaînant les rôles d’idiote sexy, elle quitte son mari et épouse Mickey Hargitay, un ex-Monsieur Univers d’origine hongroise avec qui elle aura trois enfants.

À votre service.

 

Référence

Léautaud, Paul, Journal littéraire. I. 1893-1906, Paris, Mercure de France, 1975, 364 p. Ill. Édition originale : 1956.