Première(s) connexion(s)

Plusieurs générations de disquettes

En ce 23 août, on célèbre la naissance du Web, d’où le mot-clic #internautday.

L’ami François Bon a mis sur YouTube une vidéo racontant sa première connexion.

Celle de l’Oreille tendue ? Ses souvenirs sont, comme toujours, moins précis, mais cela pourrait donner quelque chose comme ce qui suit.

Elle eu des adresses de courriel, dès la fin des années 1980, sur aol.com et sur compuserve.com, puis sur un serveur universitaire à partir de 1991.

En 1992, de Paris, elle a lancé une bibliographie numérique sur le XVIIIe siècle à partir d’un Minitel branché à Internet (si, si). (Cette bibliographie existe toujours.)

De 1994 à 1999 (ou dans ces eaux-là), avec Christian Allègre, Jean-Claude Guédon et Michel Pierssens, elle a cogéré — les plus vieux se souviendront peut-être de la chose — un site gopher. Cela s’appelait, nécessairement sans accent, «Litteratures».

Elle a monté ses premières pages Web, dans un éditeur de texte, presque au moment même de l’apparition d’Internet pour le grand public.

Elle a publié un livre sur le courrier électronique, Sevigne@Internet, en 1996, fruit d’une conférence de l’année précédente.

Le 18 mars 1997, elle donnait pour la première fois une séance de cours, à l’Université de Montréal, sur «Informatique et littérature» (elle a été reçue assez fraîchement).

Au fil des âges numériques, elle a utilisé au moins quatre formats de disquettes, sans compter d’autres supports de stockage — les mêmes que François B.

En années Internet, l’Oreille n’est plus jeune jeune.

(Merci à Larry Bongie pour la photo.)

Accouplements 47

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Louis Sébastien Mercier, dans le chapitre «Cheminées» de son fabuleux Tableau de Paris (vol. 10, texte 837), écrit ce qui suit :

On place volontiers sur nos cheminées, en petits bustes de bronze ou de plâtre doré, les têtes de Voltaire et de J.-J. Rousseau; mais Jeannot et Préville [deux acteurs] ont obtenu le même honneur. La fantaisie de nos sculpteurs célébrise telle ou telle tête. Les bustes des princes trouvent moins d’acheteurs qu’autrefois; on préfère les têtes pensantes (éd. de 1994, tome II, p. 991).

Dans les années 1950, un amateur a décidé de représenter deux joueurs de hockey, le gardien de but Turk Broda des Maple Leafs de Toronto et l’ailier droit Maurice Richard des Canadiens de Montréal, sur un jeu de salière / poivrière. C’est du moins ce qu’avance un marchand sur eBay (il est vrai qu’il n’est pas tout à fait sûr de l’identité des joueurs représentés).

Salière et poivrière, années 1950 (?), représentant Turk Broda et Maurice Richard

Chaque époque — chaque société — choisit ses idoles.

 

P.-S. — Ce n’est pas la première fois que l’Oreille cite le texte de Mercier.

P.-P.-S. — Par ailleurs, elle a beaucoup travaillé sur la présence de Maurice «Rocket» Richard dans la culture matérielle québécoise et canadienne dans un livre qu’elle a publié en 2006.

 

Références

Melançon, Benoît, les Yeux de Maurice Richard. Une histoire culturelle, Montréal, Fides, 2006, 279 p. 18 illustrations en couleurs; 24 illustrations en noir et blanc. Nouvelle édition, revue et augmentée : Montréal, Fides, 2008, 312 p. 18 illustrations en couleurs; 24 illustrations en noir et blanc. Préface d’Antoine Del Busso. Traduction : The Rocket. A Cultural History of Maurice Richard, Vancouver, Toronto et Berkeley, Greystone Books, D&M Publishers Inc., 2009, 304 p. 26 illustrations en couleurs; 27 illustrations en noir et blanc. Traduction de Fred A. Reed. Préface de Roy MacGregor. Postface de Jean Béliveau. Édition de poche : Montréal, Fides, coll. «Biblio-Fides», 2012, 312 p. 42 illustrations en noir et blanc. Préface de Guylaine Girard.

Mercier, Louis Sébastien, Tableau de Paris, Paris, Mercure de France, coll. «Librairie du Bicentenaire de la Révolution française», 1994, 2 vol. : 8/ccii/1908 et 2063 p. Édition établie sous la direction de Jean-Claude Bonnet. Édition originale : 1781-1788.

Les Yeux de Maurice Richard, édition de 2012, couverture

Né le 31 janvier 1919

Dessin de Jackie Robinson par John Collins, The Gazette, 4 juin 1946

 

«Nobody’s Jackie Robinson.»
Robert B. Parker, Hush Money, 1999

L’Oreille tendue n’a jamais caché son admiration pour le baseballeur Jackie Robinson (1919-1972). Celui-ci étant né un 31 janvier, ci-dessous, pour rappel, les textes qu’elle lui a consacrés.

Sur le livre numérique «augmenté» ou «enrichi» — texte, photos, vidéos, liens — de Lyle Spencer, Fortitude. The Exemplary Life of Jackie Robinson, le 22 avril 2013.

Sur le film biographique 42 de Brian Helgeland, le 25 avril 2013.

Sur Robinson et Maurice Richard — c’est du hockey —, le 15 avril 2015.

 

[Complément du 31 janvier 2019]

Sur le documentaire consacré à Robinson par Ken Burns, le 11 avril 2016.

Sur Mohamed Ali et Robinson, le 4 juin 2016.

Sur l’exposition The Color Line. Les artistes africains-américains et la ségrégation, le 23 novembre 2016.

Sur la présence de Robinson à UCLA, le 25 mai 2017.

Sur Ella Fitzgerald et Robinson, le 2 février 2018.

Sur Robinson et Olympe de Gouges, le 13 décembre 2018.

L’Oreille a aussi été invitée à présenter Robinson aux auditeurs de l’émission de radio Aujourd’hui l’histoire (Radio-Canada), le 17 janvier 2019.

 

[Complément du 31 janvier 2021]

Chez l’ami Laurent Turcot :

 

[Complément du 28 juillet 2023]

Sur la biographie True. The Four Seasons of Jackie Robinson, le 5 mai 2022.

Sur l’ouvrage collectif 42 Today. Jackie Robinson and His Legacy, le 9 janvier 2023.

 

Illustration : John Collins, «The Colored Comet», The Gazette, Montréal, 4 juin 1946.

 

Référence

Parker, Robert B., Hush Money. A Spenser Novel, New York, G. P. Putnam’s Sons, 1999, 309 p.

La mémoire des objets

Gravure représentant Louis-Sébastien Mercier

Il y a ceux qui croient que les œuvres de la tradition se suffisent à elles-mêmes.

Et il y a ceux, moins idéalistes, qui croient que la mémoire culturelle est aussi faite d’objets, indispensables à la transmission de ces œuvres.

C’est à cela que pensait Louis Sébastien Mercier dans le chapitre «Cheminées» de son fabuleux Tableau de Paris (vol. 10, texte 837) :

On place volontiers sur nos cheminées, en petits bustes de bronze ou de plâtre doré, les têtes de Voltaire et de J.-J. Rousseau; mais Jeannot et Préville [deux acteurs] ont obtenu le même honneur. La fantaisie de nos sculpteurs célébrise telle ou telle tête. Les bustes des princes trouvent moins d’acheteurs qu’autrefois; on préfère les têtes pensantes (éd. de 1994, tome II, p. 991).

Pour devenir / rester populaires, les œuvres de Voltaire et de Rousseau ont profité de ces supports inattendus.

Le texte de Mercier est revenu à l’Oreille tendue en lisant un article récent de Serge Deruette consacré au curé Jean Meslier (1664-1729). Meslier ? Un «intrépide penseur à la fois matérialiste athée et révolutionnaire communiste» (p. 65); un «penseur matérialiste et révolutionnaire, […] proche du peuple, des paysans pauvres et écrasés qu’il a connus» (p. 88). Cela au début du XVIIIe siècle.

Sur un obélisque érigé en Russie en 1918, le nom de Meslier côtoyait celui de dix-huit autres «précurseurs du socialisme» (p. 75). Le monument ayant été détruit en 2013, et aucun n’autre n’existant, une nécessité s’impose à Deruette : «Meslier mérite son monument» (p. 89) et il faut donc lui en consacrer un.

C’est bien ainsi que la mémoire circule de génération en génération.

 

Références

Deruette, Serge, «À quand un monument à la mémoire de Jean Meslier ?», Cahiers internationaux de symbolisme, 140-141-142, 2015, p. 65-89. Ill.

Mercier, Louis Sébastien, Tableau de Paris, Paris, Mercure de France, coll. «Librairie du Bicentenaire de la Révolution française», 1994, 2 vol. : 8/ccii/1908 et 2063 p. Édition établie sous la direction de Jean-Claude Bonnet. Édition originale : 1781-1788.