La clinique des phrases (g)

La clinique des phrases, logo, 2020, Charles Malo Melançon

(À l’occasion, tout à fait bénévolement, l’Oreille tendue essaie de soigner des phrases malades. C’est cela, la «Clinique des phrases».)

Soit la phrase suivante :

Née en 1972 à Québec, Dominique Fortier vit à Outremont. Elle a vu son premier roman Du bon usage des étoiles (2008) devenir finaliste à un Prix littéraire du Gouverneur général (la Presse+, 14 août 2016).

Donnons-lui d’abord les virgules qu’elle appelle.

Née en 1972 à Québec, Dominique Fortier vit à Outremont. Elle a vu son premier roman, Du bon usage des étoiles (2008), devenir finaliste à un Prix littéraire du Gouverneur général.

Puis simplifions-la, en n’ayant pas peur d’utiliser le verbe être.

Née en 1972 à Québec, Dominique Fortier vit à Outremont. Son premier roman, Du bon usage des étoiles (2008), a été finaliste à un Prix littéraire du Gouverneur général.

À votre service.

La clinique des phrases (f)

La clinique des phrases, logo, 2020, Charles Malo Melançon

(À l’occasion, tout à fait bénévolement, l’Oreille tendue essaie de soigner des phrases malades. C’est cela, la «Clinique des phrases».)

Soit la phrase suivante :

Installée sous les poutres et les fenêtres, la salle à manger jouit de luminosité et de vastitude (la Presse+, 30 juillet 2016).

(Ah ! la jouissance de la vastitude ! Encore !)

Et si on essayait ceci ?

Installée sous les poutres et les fenêtres, la salle à manger est lumineuse et vaste.

À votre service.

L’arroseur arrosé

Dans le Devoir des 30 et 31 janvier 2016, ceci : «Les messages qui émergeront sur les réseaux sociaux, mélange d’attaques violentes, d’affligeantes banalités et de syntaxe à faire pleurer un Bescherelle, ne feront que cimenter ce [que le personnage de Thomas Bernedi du roman Étoiles tombantes de Ghislain Taschereau (2015)] supposait de plus dégueulasse ou décourageant chez ses semblables.»

Bescherelle comme modèle de syntaxe ? C’est peu plausible. (Un guide de conjugaison, si, puisque c’est pour cela que Bescherelle est passé à la postérité.)

Est pris qui croyait prendre.

Mission impossible

«Précision», la Presse+, 29 janvier 2016

On le sait : au quotidien montréalais la Presse, on préfère préciser plutôt que rectifier. En revanche, au Devoir, on n’hésite pas à publier des «Rectificatifs».

Mais il y a plus fort. Il arrive que l’on demande à ses lecteurs de lire ce qui n’a pas été écrit. Exemple, tiré de la Presse+ du jour : «Il aurait fallu lire que le marché de la mode masculine devrait atteindre 40 milliards de dollars en 2019, et non 40 millions comme il était indiqué.»

«Il aurait fallu lire» ? Mais comment lire autre chose que ce qui est écrit ? S’il est «indiqué» qu’il s’agit d’une somme de «40 millions», par quel tour de magie les lecteurs pourraient-ils lire «40 milliards» ?

L’Oreille tendue aurait besoin de précisions là-dessus.

 

[Complément du 2 février 2016]

L’Oreille y perd ses petits. Le Devoir du jour publie, non pas un «Rectificatif», mais une «Précision» :

Il aurait fallu lire «…l’un affichant une sensibilité à l’inflation basse, l’autre une sensibilité élevée». Et non «…l’un étant sensible à une inflation basse, l’autre à une inflation élevée» (p. A10).

«Précision», «Il aurait fallu lire» : c’est le monde à l’envers.

Finalement

Un collègue de l’Oreille tendue, croulant sous les corrections, lui écrit ceci :

Pourquoi les gens ont-ils décidé que l’adverbe «finalement» n’existait plus ? Pourquoi «en définitive» est-elle devenue une expression obsolète ? […] «Au final» est devenu au Québec ce qu’est «pas de souci» en France : une ponctuation. Bon je me calme.

«Au final», donc.

Ce collègue n’est pas seul à avoir remarqué sa prolifération, au Québec comme en France. Antoine Perraud a consacré sa chronique du 25 octobre 2015 sur France Culture à ce «tic de langage». Le Monde publiait, le 7 février 2014, un article de Didier Pourquery intitulé «Pour en finir avec l’expression “au final”».

La récrimination est généralisée : pas de doute là-dessus.

Signalons cependant le flair de James Grieve, qui a publié un article savant sur le sujet. Son incipit : «A new connective structure has recently evolved in French : au final.» Quand a-t-il annoncé cette évolution «récente» ? En 1995.

 

[Complément du jour]

Oups ! L’Oreille allait oublier ce texte de François Bon.

 

Référence

Grieve, James, «Au final : A Connector in the Making», Cahiers AFLS, 1, 1, printemps 1995, p. 18-23. http://afls.net/cahiers/1.1/grieve.pdf