Fromage plâtreux

L’Oreille tendue est père. Une de ses activités paternelles du temps des Fêtes fut d’assister, avec son cadet, au spectacle Geronimo Stilton dans le royaume de la fantaisie. L’Oreille a beau être père, elle n’en est pas moins tendue pour autant.

I.

Vous le savez : l’Oreille n’est pas du genre à s’effaroucher parce que, sur scène, le passé simple côtoie le slam. En revanche, elle se demande toujours pourquoi des concepteurs de spectacle se croient drôles parce qu’ils jouent du décrochage, chez le même personnage, des accents, de l’accent le plus neutre au gros accent québécois. Ils ne savent pas que nous sommes en 2013 et que cela a été fait mille fois ? Croient-ils vraiment nécessaire d’éduquer nos chères têtes blondes à cette alternance codique parfaitement éculée ?

II.

Si ses oreilles ne l’ont pas trompée, l’Oreille a entendu un homard chanter «Nous devons se sauver». Elles saignent encore.

III.

Au-dessus de la scène, des images étaient projetées, dont celle-ci :

Geronimo Stilton dans le royaume de la fantaisie

Personne ne s’est aperçu qu’il fallait «leurs» au lieu de «ses» ?

Geronimo Stilton dans le royaume de la fantaisie n’était probablement pas un spectacle éducatif.

Le pion fou a encore frappé

Le 16 janvier 2013, l’Oreille tendue publiait ses «Dix commandements», une série de conseils (universitaires) en matière de rédaction et de présentation des devoirs. Il n’y en avait pas dix, mais trente. Il y en eut ensuite trente-sept, puis quarante-deux. Il y en a maintenant quarante-six. C’est ici.

Bell et la linguistique

L’Oreille tendue le disait l’autre jour : la compagnie de télécommunications Bell méprise la langue française et, par là, ses clients, actuels et potentiels, et les téléspectateurs qui sont exposés à ses publicités. Elle semble refuser de le reconnaître, mais, pour certains, «ça leur dérange».

(Félicitons au passage la Société Radio-Canada qui a retiré de ses ondes le message dont il était question ici le 21 octobre. Le Réseau des sports n’a pas eu le même courage. Il est vrai qu’il est propriété… de Bell.)

Le plus récent message télévisé de Bell ne comporte pas de fautes de langue aussi grossières que le précédent. Il repose toujours, en revanche, sur le recours aux stéréotypes : ici, celui de la belle-mère qui ne se mêle pas de ses affaires. En outre, il prend appui sur une erreur de conception linguistique commune au Québec : le personnage de la belle-mère y postule en effet que «“on” exclut la personne qui parle».

On entend beaucoup, et depuis longtemps, cette fausseté. Comment démontrer que ce n’est pas vrai ? Un exemple devrait suffire.

Quand un des membres d’un couple dit Ce soir, chéri(e), toi et moi, on fait l’amour, on peut légitimement déduire qu’il ne pense pas à s’exclure de l’invitation. Du moins, on ne le lui souhaite pas.

P.-S.—Ce n’est pas la première fois qu’il est question de cette supposée exclusion chez l’Oreille. Voir ici.

Le mépris de Bell

I.

Bell est un des géants des télécommunications au Canada. On ne s’étonnera pas que l’entreprise multiplie les campagnes publicitaires : la compétition est féroce dans ce secteur de l’économie.

Dans un de ses plus récents messages télévisés, une femme interroge une de ses amies au sujet d’un groupe d’hommes enfermés dans le garage de celle-ci : «Ça leur dérange pas […] ?»

La faute est grossière : déranger est un verbe transitif direct (Ça les dérange pas […] ?).

On pourrait penser qu’il s’agit d’une faute involontaire.

Quand on compare cette publicité à d’autres de Bell, certaines commentées par l’Oreille tendue, une autre par le chroniqueur Pierre Foglia dans la Presse, on est plutôt porté à penser qu’il s’agit d’un choix délibéré des concepteurs de ses publicités : mal parler pour vendre.

II.

Sur un plan différent, on notera que ce message télévisé peint, une fois de plus, les hommes québécois comme de joviales andouilles.

Ils s’enferment dans un garage pour regarder un match de hockey et tonitruer quand leur équipe marque un but. Leur décor ? Fauteuils, tête d’animal empaillée au mur, vélos, moto. La maîtresse de maison explique à son interlocutrice, celle qui dit «leur dérange», que ce lieu serait, selon ses occupants, le «temple de la testostérone».

Il y avait les hommes des cavernes. Il y a maintenant les Québécois des garages.

III.

La femme qui pose la question est Noire. Elle parle mal. Elle est donc parfaitement intégrée à la société québécoise.

IV.

Cela s’appelle du mépris.

 

[Complément du 26 octobre 2013]

Le commentateur Pierre Foglia, dans la Presse du jour, partage la position de l’Oreille tendue sur cette nouvelle publicité.

 

[Complément du 19 mai 2014]

On recommence à rediffuser cette publicité. Si les oreilles de l’Oreille ne la trompent pas, la faute a été corrigée. Merci.

La clinique des phrases (a)

La clinique des phrases, logo, 2020, Charles Malo Melançon

(À l’occasion, tout à fait bénévolement, l’Oreille tendue essaie de soigner des phrases malades. C’est cela, la «Clinique des phrases».)

Soit les phrases suivantes :

Réalisé par Guy Beaulne, en avril 1954, ce radiothéâtre est donné en reprise dans une réalisation de Madeleine Gérôme, en décembre 1965. Son originalité tient à l’inventivité de l’argumentation et du style, à l’humour qu’on y trouve, mais plus encore à la satire qui caractérise l’écriture de ce radiothéâtre.

C’est une évidence : elles ne sont pas en santé. Comment les soigner ? Est-il possible de leur redonner vie ?

On peut d’emblée enlever un bout de phrase répétitif : «qui caractérise l’écriture de ce radiothéâtre». On sait qu’il s’agit d’un radiothéâtre; voir la première phrase. On sait qu’il s’agit de caractériser une écriture : c’est le but de la deuxième phrase.

Nous avons :

Réalisé par Guy Beaulne, en avril 1954, ce radiothéâtre est donné en reprise dans une réalisation de Madeleine Gérôme, en décembre 1965. Son originalité tient à l’inventivité de l’argumentation et du style, à l’humour qu’on y trouve, mais plus encore à la satire.

On peut faire mieux : pourquoi dire qu’on «trouve» dans ce radiothéâtre de l’«humour», alors que l’on trouve de l’«humour», de l’«inventivité» et de la «satire» ?

Coupons encore :

Réalisé par Guy Beaulne, en avril 1954, ce radiothéâtre est donné en reprise dans une réalisation de Madeleine Gérôme, en décembre 1965. Son originalité tient à l’inventivité de l’argumentation et du style, à l’humour, mais plus encore à la satire.

L’Oreille tendue aime bien la virgule, mais il y en a deux, dans la première phrase, qui ne lui paraissent pas indispensables. Ouste :

Réalisé par Guy Beaulne en avril 1954, ce radiothéâtre est donné en reprise dans une réalisation de Madeleine Gérôme en décembre 1965. Son originalité tient à l’inventivité de l’argumentation et du style, à l’humour, mais plus encore à la satire.

Vous ne vous sentez pas mieux ?

À votre service.