Citation outrée du jour

Adeline Dieudonné, Reste, 2023, couverture

Ceci, dans Reste (2023), le plus récent roman d’Adeline Dieudonné :

Le monde d’Hugo ne m’intéressait pas parce qu’il me rendait triste. Il m’a fallu plusieurs mois après notre séparation pour identifier exactement l’origine de cette tristesse. C’était son vocabulaire. Management, CEO, implémenter, data, digitalisation, customer, gestion des flux, expérience client, ressources humaines, target. Un vocabulaire de nazi. Hugo et moi ne parlions pas la même langue. Pourtant c’était un homme intelligent. Peut-être que c’est ça aussi qui me rendait triste. Toute cette intelligence gâchée.

Jusqu’à «nazi», l’Oreille tendue était assez d’accord avec cette détestation de la place des mots (anglais, notamment) de la gestion dans l’univers linguistique contemporain.

P.-S.—On ne confondra évidemment pas ce que dit un personnage et ce que pense sa créatrice.

 

Référence

Dieudonné, Adeline, Reste. Roman, Paris, Éditions de l’Iconoclaste, 2023. Édition numérique.

Les anglicismes, ça se remplace

Capsule sur les anglicismes dans le domaine de la gestion

Monique Cormier et Noëlle Guilloton ont conçu une formation numérique gratuite intitulée «Les indésirables : anglicismes du domaine de la gestion». Ça se découvre ici.

P.-S.—Si vous suivez la formation, il n’est pas impossible que vous entendiez la voix de l’Oreille tendue. C’est, en effet, un cas de transparence totale.

P.-P.-S.—Bel exemple de sexisme journalistique ordinaire hier : «Deux femmes ont décidé de prendre à bras-le-corps le problème de la dégradation du français au Québec, en élaborant une formation sur les anglicismes du domaine de la gestion.» Deux femmes ? Une linguiste et une terminologue, plutôt. Personne n’aurait écrit «Deux hommes ont décidé […]».

 

[Complément du 28 avril 2023]

Pour entendre, à la radio, Monique Cormier et Noëlle Guilloton expliquer leur projet, on tend l’oreille de ce côté.

Ivrogne toponymique

Georges Simenon, Signé Picpus, 1944, couverture

Au début de Signé Picpus (1944), de Georges Simenon, le commissaire Maigret et son équipe sont rassemblés dans l’attente d’un crime : on le lui a annoncé. Cela commence par une série de fausses alertes. Parmi celles-ci : «Un Bercy ! Ce qui, en terme de métier, signifie un ivrogne» (éd. de 1992, p. 379). Plus tard, quand un deuxième cas se manifeste, on apprend que le Bercy sévit à l’envi le samedi (p. 381).

Pourquoi avoir choisi ce toponyme ? «Les entrepôts de Bercy étaient un ensemble réservé aux négociants en vin situé dans le quartier de Bercy en périphérie du 12e arrondissement. Situé le long de la Seine, cette zone recevait, stockait et redistribuait vins et spiritueux» (Wikipédia, 25 mars 2023).

À votre service.

P.-S.—Cela relève indubitablement du vocabulaire de l’imbibition, mais pas de celui du Québec.

 

Référence

Simenon, Georges, Signé Picpus, dans Tout Simenon 24, Paris et Montréal, Presses de la Cité et Libre expression, coll. «Omnibus», 1992, p. 377-464. Édition originale : 1944.