L’oreille tendue de… François Hébert

François Hébert, Pour orienter les flèches, 2002, couverture

«Je tends l’oreille, comme un élastique. Au bout, des paysages m’apparaissent.
Chaque matin, je débarque sur la lune.»

François Hébert, Pour orienter les flèches. Notes sur la guerre, la langue et la forêt, Montréal, Trait d’union, coll. «Échappées», 2002, 221 p., p. 72.

Lançons-nous

Anne-Marie Beaudoin-Bégin, la Langue rapaillée, 2015, couverture

Le Petit Robert (édition numérique de 2018) connaît deux sens du mot garrocher, propre à la langue familière du Québec : lancer; se précipiter.

Lancer ? Exemple en titre de chronique : «De l’art de garrocher un livre» (le Romancier portatif, p. 89-92).

Se précipiter ? Exemple poétique chez Marie-Hélène Voyer ici. Exemple en prose : «on s’est tous garrochés» (Des histoires d’hiver, p. 10).

Ajoutons un troisième sens, proche du premier : jeter, voire se débarrasser de. Exemple romanesque : «Si j’avais deux cent mille de plus à garrocher en rénovations pis dix ans de ma vie à mettre là-dedans» (Arvida, p. 257).

Le mot a déjà cours au XIXe siècle, mais en un usage un brin différent : «Une gang s’est mise après moi et ils m’ont garoché avec des cailloux» (les Mystères de Montréal, p. 45).

À votre service.

P.-S.—Garocher ou garrocher ? Anne-Marie Beaudoin-Bégin propose une mise au point utile dans la Langue rapaillée (p. 60-62).

 

Références

Archibald, Samuel, Arvida. Histoires, Montréal, Le Quartanier, coll. «Polygraphe», 04, 2011, 314 p. Ill.

Beaudoin-Bégin, Anne-Marie, la Langue rapaillée. Combattre l’insécurité linguistique des Québécois, Montréal, Somme toute, coll. «Identité», 2015, 115 p. Ill. Préface de Samuel Archibald. Postface de Ianik Marcil.

Berthelot, Hector, les Mystères de Montréal par M. Ladébauche. Roman de mœurs, Québec, Nota bene, coll. «Poche», 34, 2013, 292 p. Ill. Texte établi et annoté par Micheline Cambron. Préface de Gilles Marcotte.

Dickner, Nicolas, le Romancier portatif. 52 chroniques à emporter, Québec, Alto, 2011, 215 p.

Robitaille, Marc, Des histoires d’hiver avec encore plus de rues, d’écoles et de hockey. Roman, Montréal, VLB éditeur, 2013, 180 p. Ill.

L’oreille tendue de… Jean-François Nadeau

Lettres québécoises, 193, été 2024, couverture

«Dans l’éternité du temps contenu dans un instant de vie passé en forêt à tendre l’oreille, les êtres humains se nourrissent d’abord de mythe pour s’éviter de mourir du froid qui ronge leurs vies en toutes saisons.»

Jean-François Nadeau, «Le prisme de la chasse», Lettres québécoises, 193, été 2024, p. 100-101, p. 101.

L’oreille tendue de… Pierre Nepveu

Pierre Nepveu, Intérieurs du Nouveau Monde, 1998, couverture

«Les Amérindiens nourrissent de ce point de vue, même dans leur absence, le chant profond du continent : basse continue de l’anéantissement, présence fantomatique qui anime le moindre paysage et lui donne sa déchirante mélancolie. Parler des Amériques, c’est forcément, tôt ou tard, en venir à parler d’eux, mais aussi à eux, comme s’ils tendaient éternellement l’oreille à nos discours et nos chants, comme s’ils étaient le foyer auditif du Nouveau Monde.»

Pierre Nepveu, Intérieurs du Nouveau Monde. Essais sur les littératures du Québec et des Amériques, Montréal, Boréal, coll. «Papiers collés», 1998, 378 p., p. 210-211.

Canidé dégarni

16 mai, «Journée mondiale des chiens pas de médaille»

Dans le français populaire du Québec, le chien pas de médaille peut désigner, péjorativement, une personne. La référence à l’animalité (chien) et à ce qui lui manquerait (la médaille) n’augure rien de bon.

C’est à cela que pense Léandre Bergeron en 1980 : «Être un chien-pas-d’médaille», «Être un tout-nu-dans-à-rue» (p. 315, sous «médaille»).

Il fallait Serge Bouchard pour réhabiliter ce canidé dégarni. C’est dans Un café avec Marie :

Pour le chien que l’on promène, la liberté n’est plus la liberté, c’est devenu un jeu, un loisir, un exercice pour garder la forme. Sa liberté est une distraction bien encadrée. Car le chien véritablement libre deviendrait vite un chien-loup, c’est-à-dire un chien perdu pour la société cultivée, un authentique chien “pas de médaille”. Il irait où il veut (p. 155-156).

La pauvreté n’empêche pas la liberté.

 

Références

Bergeron, Léandre, Dictionnaire de la langue québécoise, Montréal, VLB éditeur, 1980, 574 p.

Bouchard, Serge, Un café avec Marie, Montréal, Boréal, coll. «Papiers collés», 2021, 270 p.