Accouplements 269

Annotation par Gilles Marcotte d’un ouvrage de Jean Marcel

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Pourquoi Hector Fabre rassemble-t-il ses Chroniques en 1877 ?

Notre littérature est en pleine floraison. Chaque saison voit naître un ouvrage nouveau, prose ou vers. Autour de moi. mes confrères se relisent, se recueillent et font réimprimer leurs écrits. Qu’est-ce à dire ? Il y a donc des lecteurs au Canada, et même des acheteurs ? L’abonné fidèle nous suivrait du journal jusqu’au livre ! Je me pique d’émulation et je veux comme les autres en tenter l’épreuve. Aussi bien mes amis m’y invitent, et, en refusant de me rendre à leurs instances, j’aurais l’air de douter d’eux, autant pour le moins que de moi-même (éd. de 2007, p. 9).

Pourquoi Jean Marcel publie-t-il en 1992 ses Pensées, passions et proses ?

À force d’insistance, l’amitié bienveillante de certains a eu raison de ma réticence à réunir en recueil les textes qu’on va lire (p. 9).

Qu’est-ce qui unit ces deux déclarations de joug amical ?

En 2007, Gilles Marcotte a réédité les Chroniques de Fabre. Vers 1995, le même Marcotte avait offert à l’Oreille tendue son exemplaire du recueil de Jean Marcel et lui avait dit, sourire en coin, que ses amis à lui n’étaient pas aussi insistants. Il avait aussi annoté son exemplaire.

 

Références

Fabre, Hector, Chroniques, Montréal, Boréal, coll. «Boréal compact classique», 189, 2007, 302 p. Postface, chronologie et bibliographie de Gilles Marcotte.

Marcel, Jean, Pensées, passions et proses. Essais, Montréal, L’Hexagone, coll. «Essais littéraires», 13, 1992, 399 p.

Le zeugme du dimanche matin et de Victor-Lévy Beaulieu

Victor-Lévy Beaulieu, Ma Chine à moi, 2021, couverture

«Je savais qu’il y avait une pelle ronde dedans, une masse et un coin de fer. Que j’avais hâte de les prendre à bras-le-corps et d’aller me cacher derrière de bouquet de cèdres qui me protégerait de la chaleur et de mes parentés !»

Victor-Lévy Beaulieu, Ma Chine à moi. Candiderie, Paroisse Notre-Dame des Neiges, Éditions Trois-Pistoles, 2021, 306 p., p. 99.

 

P.-S.—L’Oreille tendue a présenté ce texte le 10 novembre 2025.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

L’oreille tendue de… Hector Fabre

Hector Fabre, Chroniques, éd. de 2007, couverture

«Vous me faites l’honneur de me rendre visite et, tout naturellement, vous me demandez comment va l’abonnement. Je me dispose à vous répondre lorsque, tout à coup, je songe à un abonné qui se plaint de ne pas recevoir son journal régulièrement et que l’on va peut-être oublier encore. Je pars comme un trait et vous laisse la bouche béante, l’oreille tendue.»

Hector Fabre, «Journal et élections», 31 mai 1867, dans Chroniques, Montréal, Boréal, coll. «Boréal compact classique», 189, 2007, p. 143-149, p. 143. Postface, chronologie et bibliographie de Gilles Marcotte.

Il faut savoir y arriver

Sophie Bienvenu, les Orphelines, 2025, couverture

Soit la phrase suivante, tirée du roman les Orphelines (2025) de Sophie Bienvenu :

Quand son patron est arrivé avec un spray pour colorer les roses blanches dans des tons fluo, ça a été la proverbiale goutte d’eau. Vingt ans plus tard, elle contait pour la cinquantième fois l’anecdote comme si je n’avais pas été aux premières loges, et elle n’avait toujours pas dépompé (p. 80).

«Dépompé» ? Dans le français populaire du Québec, qui se fâche «pompe». Logiquement, qui décolère «dépompe».

À votre service.

P.-S.—Usito connaît «pomper», mais pas son antonyme.

 

Référence

Bienvenu, Sophie, les Orphelines. Roman, Montréal, Le Cheval d’août, 2025, 173 p.

Quasi-curiosité voltairienne

Victor-Lévy Beaulieu, Ma Chine à moi, 2021, couverture

En 1994, l’écrivain québécois Victor-Lévy Beaulieu publie Monsieur de Voltaire, une Romancerie. S’il lui arrive de reconnaître le génie de l’auteur de Candide, la plupart du temps, il médit de celui qui incarnerait «une monstruosité totalitaire dont la littérature ne nous a donné aucun autre exemple» (p. 21).

En 2021, le même Beaulieu publie Ma Chine à moi. En sous-titre : Candiderie. Y aurait-il du Voltaire là-dessous ? Que nenni.

Le narrateur de Monsieur de Voltaire mêlait le récit d’une cure de désintoxication à une analyse littéraire. Celui de Ma Chine à moi déplore son «vieillardissement» et livre ses impressions de l’histoire chinoise.

La seule allusion à Voltaire se trouve dans une lettre publique de Victor Hugo sur le palais d’Été de Pékin (25 novembre 1861, citée p. 270). De Candide, personnage et titre, il ne sera rien dit. Au lecteur de faire les liens qui s’imposent, ou pas.

Voltaire est toujours bien vivant, même si ce n’est pas là où l’attend.

 

Références

Beaulieu, Victor-Lévy, Monsieur de Voltaire. Romancerie, Montréal, Stanké, 1994, 255 p. Ill. Rééd. : Montréal, Boréal, coll. «Boréal compact», 220, 2010, 240 p.

Beaulieu, Victor-Lévy, Ma Chine à moi. Candiderie, Paroisse Notre-Dame des Neiges, Éditions Trois-Pistoles, 2021, 306 p. Ill.