Astronomie médiatique

Certaines planètes perdent du galon; cela est arrivé à Pluton il n’y a pas si longtemps. D’autres en prennent.

Exemples

«Innovante planète design» (la Presse, 16 mars 2013, cahier Maison, p. 7).

«En attendant la fin du conflit, le DG du Canadien voyage aux quatre coins de la planète hockey» (la Presse, 9 novembre 2012, cahier Sports, p. 1).

«La “planète goût” à Turin» (la Presse, 3 novembre 2012, cahier Voyage, p. 4).

«Sur la planète vélo on aime aimer Cadel même s’il n’est pas beau» (la Presse, 30 juin 2012, cahier Sports, p. 4).

«les meilleurs espoirs de la planète hockey» (la Presse, 23 juin 2012, cahier Sports, p. 3).

«Tremblant arrive sur la planète Ironman» (la Presse, 23 juin 2012, cahier Sports, p. 6).

«il convient de regarder les éléments de la planète Gretzky» (le Hockey vu du divan, p. 191).

Planète Zoockey (2012)

Autour de quelle étoile ces planètes (surtout) médiatiques tournent-elles ? L’espace doit être encombré.

P.-S. — Le phénomène n’est pas nouveau : en 1996, Jean-Claude Guédon publiait la Planète cyber.

P.-P.-S. — C’est la deuxième fois que l’Oreille tendue explore la planète planète.

 

Références

Grondin, Simon, le Hockey vu du divan, Sainte-Foy (Québec), Presses de l’Université Laval, 2012, 214 p. Ill.

Guédon, Jean-Claude, la Planète cyber. Internet et cyberespace, Paris, Gallimard, coll. «Découvertes Gallimard. Techniques», 280, 1996, 128 p. Ill.

Sirois, Shawn et Jean-François Vachon, Planète Zoockey, Montréal, Le petit homme, 2012, 50 p. Idée originale de Bob Sirois. Bande dessinée.

Citations printanières, hors saison

Montréal, 19 mars 2013

Montréal, 19 mars 2013

Officiellement, le printemps commence aujourd’hui. Deux citations de circonstance.

«À cause du printemps, justement, à cause de cet air champagnisé qu’il avait commencé à respirer la veille» (le Voleur de Maigret, p. 9).

«c’est toujours émouvant à observer, le printemps, même quand on commence à connaître le système, c’est une bonne façon de se changer les idées» (14, p. 98).

 

Références

Echenoz, Jean, 14. Roman, Paris, Éditions de Minuit, 2012, 123 p.

Simenon, Georges, le Voleur de Maigret, Paris, Presses de la cité, coll. «Maigret», 44, 1967, 182 p.

Tombeau d’Ella (7) : Paris

Ella Fitzgerald, All my Life, le Monde du jazz, 2009

[Ce texte s’inscrit dans la série Tombeau d’Ella. On en trouvera la table des matières ici.]

«We’ll always have Paris.»
Humphrey Bogart, Casablanca, 1942

Que sait Ella Fitzgerald de la France ?

Qu’on y mange du camembert et que ce mot rime avec «Fred Astaire» («You’re the Top», 1956). Qu’un paquebot légendaire s’appelait Île-de-France («A Fine Romance», 1957). Qu’il existe un chapeau parisien, le «Paris hat» («I’m Alway True to You in my Fashion», 1956). Qu’Abélard et Héloïse se sont écrits («Just One of those Things», 1956). Que les artistes français lui ont donné des pochettes : Bernard Buffet (Ella Fitzgerald Sings the George and Ira Gershwin Songbook, 1959), Henri Matisse (Ella Fitzgerald Sings the Harold Arlen Songbook, 1961), Jean Dubuffet (Clap Hands, Here Comes Charlie !, 1961). C’est normal : elle connaît le Louvre («You’re the Top», 1956).

Elle glisse quelques mots en français dans ses chansons : «fini» («Bewitched», 1956); «chéri» et «rendez-vous» («That’s my Desire», 1947); «’s magnifique», «s’élégante» et «’s exceptionnel» («’s Wonderful», 1959). Il en est même une qui s’appelle «Dites-moi» (1963) : «Dites-moi / Pourquoi / La vie est belle / Dites-moi / Pourquoi / La vie est gaie.»

Surtout, elle chante Paris. Après Charlie Parker (1949) et Frank Sinatra (1950), pour ne nommer qu’eux, il y a bien sûr, en 1956, ses premières interprétations d’«April in Paris», l’une avec Count Basie, l’autre, plus lente, avec Louis Armstrong (on préférera nettement cette version). Et il y a, la même année, «I Love Paris», avec les paroles de Cole Porter.

Même une oreille aussi peu musicale que celle de l’Oreille tendue ne peut qu’être frappée par les arrangements de Buddy Bregman, par le célesta en ouverture, par les cordes, par la timbale et la basse, par la montée en puissance de l’orchestre et de la voix, parfois ensemble, parfois à tour de rôle.

L’interprète se pose une question et y répond : «I love Paris / Why oh why / Do I love Paris ? / Because my love is near.» Voilà pourquoi elle aime Paris : l’être aimé («my love») y est. Dans cette ville hors du temps («this timeless town»), on peut aimer toutes les saisons («drizzles», l’hiver, rime avec «sizzles», l’été), du moment qu’on n’y est pas seul.

Pourquoi «I Love Paris» est-elle la chanson d’Ella Fitzgerald que l’Oreille a le plus écoutée ? Parce qu’elle aime Ella Fitzgerald. Parce qu’elle aime Paris. Lui faut-il d’autres raisons ? En 1966, André Belleau écrivait une de ces phrases paradoxales dont il avait le secret : «J’aime la chanson actuelle de toute ma faiblesse» (éd. de 1986, p. 63). Paraphrasons : «J’aime cette chanson de toute ma faiblesse.»

P.-S. — La France a bien rendu son affection à Ella Fitzgerald. Deux exemples : la précieuse anthologie des chansons 1935-1952 publiée par le Monde du jazz, dans sa collection «Le chant du monde», en 2009, sous le titre All my Life; le lycée qui porte le nom de la chanteuse à Saint-Romain-en-Gal.

 

[Complément du 12 juillet 2016]

À Montpellier, qui ne voudrait habiter la résidence Ella-Fitzgerald ?

 

[Complément du 23 mars 2017]

Il y a les honneurs publics. En 1990, Ella Fitzgerald reçoit, des mains de Jack Lang, les insignes de Commandeur des arts et des lettres du gouvernement de la France.

Il y a aussi les passions individuelles, par exemple celle de Boris Vian, qui l’appelle le plus souvent seulement «Ella». Un exemple parmi bien d’autres : «Personnellement, et afin de rétablir l’équilibre dans les consciences torturées de ceux qui me font l’honneur de me prendre pour directeur (de conscience), et chacun sait qu’ils sont légion, je précise que les trois grands moments de mon existence furent les concerts d’Ellington en 1938, les concerts de Dizzy en 1948 (c’est bien 48 ?) et Ella en 1952. Dieu sait si Flip Phillips m’emmerde (soyons nets), mais j’accepterais de l’écouter une heure pour entendre Ella dix minutes (j’ai une drôle de résistance)» («Revue de presse», Jazz Hot, 67, juin 1952; dans Œuvres, vol. 6, p. 324).

 

[Complément du 24 avril 2017]

Aux honneurs officiels ajoutons l’émission d’un timbre-poste en 2002.

Timbre-poste Ella Fitzgerald

 

[Complément du 10 août 2018]

Dans un reportage de France Culture, on peut voir le piano de Boris Vian dans son appartement de la cité Véron (Paris, 18e arrondissement). Sur ce piano, un disque : «Ella Fitzgerald Sings the Cole Porter Song Book.»

 

[Complément du 25 avril 2019]

À Paris, prenez le tramway jusqu’à l’arrêt Ella-Fitzgerald.

 

Station de tramway Ella-Fitzgerald, Paris, avril 2019

 

Références

Belleau, André, «La rue s’allume», Liberté, 46 (8, 4), juillet-août 1966, p. 25-28; repris dans Y a-t-il un intellectuel dans la salle ? Essais, Montréal, Primeur, coll. «L’échiquier», 1984, p. 17-19; repris dans Surprendre les voix. Essais, Montréal, Boréal, coll. «Papiers collés», 1986, p. 59-63; repris dans Surprendre les voix. Essais, Montréal, Boréal, coll. «Boréal compact», 286, 2016, p. 59-64. https://id.erudit.org/iderudit/30058ac

Vian, Boris, Œuvres. Tome sixième, Paris, Fayard, 1999, 645 p. Édition publiée sous l’autorité d’Ursula Vian Kübler. Sous la direction de Gilbert Pestureau. Édition établie et présentée par Claude Rameil. Documentation et archives : Nicole Bertolt.

[Les dates entre parenthèses devraient être celles des enregistrements. Elles ne sont pas toujours fiables.]

Les zeugmes du dimanche matin et de Josée Marcotte

Josée Marcotte, Marge, 2010, couverture

«Marge prit son courage à deux mains et cette bouteille de Tequila…»

«À bout de patience, elle lui a lancé des remarques désobligeantes, un camembert et une brique de cheddar doux…»

Josée Marcotte, Marge. En numérique : Saint-Cyr-sur-Loire, publie.net, coll. «Décentrements», 2010. En papier : Saint-Cyr-sur-Loire, publie.papier, 2013, 212 p.

(Merci à @ljodoin.)

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

Les zeugmes du dimanche matin et de François Hébert

François Hébert, De Mumbai à Madurai, 2013, couverture

«Son alter ego fait du stop, prend des bus, des bières et son temps» (p. 64).

«Zeus aussi visitait les mortelles et celles-ci en perdaient des plumes, leur réputation et à coup sûr leur virginité» (p. 73).

François Hébert, De Mumbai à Madurai. L’énigme de l’arrivée et de l’après-midi. Récit, Montréal, XYZ éditeur, coll. «Romanichels», 2013, 127 p. Ill.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)