Récit de voyage

Même en villégiature dans les Laurentides, l’Oreille reste tendue.

Capitale. Mont-Tremblant serait celle du golf.

Club de golf, Mont-Tremblant, 2010, publicité

 

Gaspille. Le fils aîné de l’Oreille tendue mange beaucoup, et jusqu’à la dernière miette. «Au moins, il n’y aura pas de gaspille», se rassure notre serveuse.

Magasiner. Il y eut d’abord un verbe employé absolument, au sens de faire du shopping : Hier, je suis allé magasiner. Il est devenu transitif direct : «Le problème dans notre culture, c’est que les gens ne magasinent pas assez leurs partenaires !» (la Presse, 17 décembre 2003). Dorénavant, il semble qu’on puisse magasiner sa destination de magasinage.

Promenades Mont-Tremblant, Mont-Tremblant, 2010, publicité

Quitter. L’ennemi intime de l’Oreille tendue — le verbe quitter utilisé sans complément — la poursuit jusque dans sa chambre d’hôtel.

Hôtel, Mont-Tremblant, 2010, consignes

Ride à l’os. À l’os fait partie de ces particules intensives dont la langue actuelle est si friande (super, extrême, méchant, trop, etc.). Mais le verbe rider (prononcé raïdé) ? Aller vite, ne pas se laisser ralentir, foncer — au propre comme au figuré, avec ou sans moteur. Cela a désormais son festival.

Productions Ride à l’os, Mont-Tremblant, 2010, publicité

Voyage dans le temps

L’Oreille tendue est entrée, il y a un certain temps déjà, dans son second demi-siècle. L’autre jour, un garçon à peine dans son premier quart de siècle retient la porte de l’ascenseur et lui crie «T’embarques-tu ?». Ça aurait pu la rajeunir. Ça ne l’a pas fait.

À employer avec modération

«Duceppe en pèlerinage au Canada-anglais», écrit le Devoir (1er avril 2010, p. A2). Non : «au Canada anglais» (même si ça fait moins monolithique).

«Un Mariage Traditionnel-Grec», annonce la Communauté hellénique de Montréal. Non : pas de majuscules, pas de trait d’union.

Place des arts, Montréal, mai 2010, publicité

(Pendant que nous y sommes.) «Radio tiret Canada point ca», recommande-t-on sur les ondes de la radio d’État. Non : il ne faut pas confondre le tiret (—) et le trait d’union (-). On met «abusivement» l’un pour l’autre, dit le Petit Robert, qui pèse ses mots. L’Oreille tendue serait beaucoup plus sévère.

Fil de presse 007

Logo, Charles Malo Melançon, mars 2021

Le numérique a besoin de mots.

Philip B. Corbett tient le blogue After Deadline du New York Times. Il y conseille les journalistes, et les lecteurs, sur les questions de langue («grammar, usage and style»). Il recommandait récemment d’utiliser tweet — le substantif et le verbe — avec circonspection. (On le lui a reproché.)

En janvier dernier, le secrétaire d’État français chargé de la coopération et de la francophonie a lancé le concours «Francomot», rapporte le Monde du 30 mars : «les étudiants et élèves étaient invités à envoyer par mail [!!!] des équivalents français à cinq termes anglophones : “chat”, “buzz”, “tuning”, “newsletter” et “talk”». Les gagnants ? (On vous reprochera leur utilisation.) Ramdam (buzz), bolidage (tuning), éblabla et tchatche (chat), infolettre (newsletter) et débat (talk).

Comme à chaque année, les dictionnaires annoncent l’entrée de mots dans leur nomenclature. (On ne saurait le leur reprocher.) Le Petit Larousse accueille, entre autres nouveautés lexiconumériques, agrégateur, carnet d’adresses, Google, nerd, pop-up et Wikipédia. Dans le Petit Robert ? Geek et réalité augmentée.

La langue bouge, comme de toute éternité elle a bougé.