Manger de la politique

Boîte à lunch

Une proposition de loi pour encadrer la liberté universitaire au Québec ? «Tout le monde va être pour la tarte aux pommes. On l’a constaté dans nos travaux : tout le monde est pour la liberté universitaire. Ça se complexifie quand vient le temps de dire ce que ça veut dire et comment on la met en œuvre» (Alexandre Cloutier).

La volonté de ramener une équipe de hockey dans la ville de Québec ? «Retour des Nordiques : personne n’est contre le sirop d’érable, François. Mais sans vouloir t’insulter, t’es pas le premier à t’essayer… T’es pas non plus le premier politicien à essayer grossièrement de changer de sujet quand il sent la soupe chaude» (Catherine Dorion).

Il est périodiquement question de simplifier la vie des contribuables québécois en leur faisant remplir une déclaration d’impôt unique (il y a en deux actuellement) ? «Tout ça devient un peu, comment dire, de la poutine politique pour les gens» (Michel David, télévision de Radio-Canada, 19 août 2021).

Un parti vole à un autre un élément de son programme politique ? «QS [Québec solidaire] est en voie de “manger le lunch” du PQ [Parti québécois] qui devra se livrer à une remise en question déchirante et choisir un autre chef» (Donald Charette).

Vous appréciez les rencontres de toutes formes ? «Le Sommet. Une forme de manger mou politique» (la Presse, 25 février 2013, p. A15).

En politique, au Québec comme ailleurs, on trouve à boire et à manger.

La barbe de Maurice Richard

Il y a trois lustres, l’Oreille tendue publiait un livre sur Maurice Richard — c’est du hockey. Son titre, les Yeux de Maurice Richard, visait à rappeler un lieu commun des discours sur ce joueur mythique : il aurait parlé avec son regard.

À certains moments, depuis, l’Oreille s’est demandé si son essai n’aurait pas pu s’appeler le Système pilaire de Maurice Richard. On a comparé la chevelure du Rocket à celle de Samson. On a interviewé plusieurs fois son coiffeur, Tony Bergeron, et le fils de celui-ci. On lui a confié la publicité des lotions capillaires Vitalis («My hair shapes up like a league leader after the Vitalis “60-Second Workout !”») et Grecian Formula («Paraissez aussi jeune que vous vous sentez grâce à Grecian Formula 16 en liquide ou en crème»). On lui a fait vendre des rasoirs. On a commenté la luxuriance de ses poils, semblables, disait-on, à ceux d’un ours ou d’un gorille.

Et son image a orné la réclame de la mousse à raser Williams — en espagnol : «El campeón de “hockey” Maurice Richard / Se afeita mejor con WILLIAMS / porque Williams contiene Lanolina confortante.»

Publicité de la mousse à raser Williams en espagnol

Petite histoire de cette image. L’Oreille l’a achetée en ligne d’un vendeur en Amérique du Sud (en Argentine ?) au début des années 2000. Ce vendeur faisait partie de cette étrange confrérie de commerçants qui découpent des périodiques pour en vendre les publicités sans, évidemment, le moindre souci bibliographique : ni titre du périodique, ni date de publication. Bref, l’Oreille ne sait rien de l’origine de cette publicité, malgré des questions adressées au vendeur. Autre souvenir : les frais de poste avaient été au moins cinq fois plus élevés que le coût de l’image.

Se pose aussi la question de la destination de cette publicité : quel public compte-t-on séduire avec un Rocket hispanisé ? Hypothèse : les hommes du Sud des États-Unis. C’était du moins ce que pensait une Espagnole interrogée sur la provenance de la variété de langue du texte. Si quiconque a des suggestions plus précises, l’Oreille est intéressée : les commentaires ci-dessous sont ouverts.

P.-S.—Pourquoi parler de cela aujourd’hui. Parce que.

 

Référence

Melançon, Benoît, les Yeux de Maurice Richard. Une histoire culturelle, Montréal, Fides, 2006, 279 p. 18 illustrations en couleurs; 24 illustrations en noir et blanc. Nouvelle édition, revue et augmentée : Montréal, Fides, 2008, 312 p. 18 illustrations en couleurs; 24 illustrations en noir et blanc. Préface d’Antoine Del Busso. Traduction : The Rocket. A Cultural History of Maurice Richard, Vancouver, Toronto et Berkeley, Greystone Books, D&M Publishers Inc., 2009, 304 p. 26 illustrations en couleurs; 27 illustrations en noir et blanc. Traduction de Fred A. Reed. Préface de Roy MacGregor. Postface de Jean Béliveau. Édition de poche : Montréal, Fides, coll. «Biblio-Fides», 2012, 312 p. 42 illustrations en noir et blanc. Préface de Guylaine Girard.

Les Yeux de Maurice Richard, édition de 2012, couverture

Du pétard

Paul Verchères, Meurtre au hockey, [1953], couverture

En 2001, Shaka les chantait :

Méchants pétards, méchants pétards, méchants pétards
Méchants pétards, méchants pétards, méchants pétards

En 1972, Trevanian parlait de «beau pétard» (p. 11).

Dans les deux cas, il s’agissait de louanger la plastique de personnes du sexe.

L’expression est plus ancienne encore. On la trouve en 1953 chez Paul Verchères :

Le grand vieux se pencha vers son compagnon et lui dit assez haut, pour que les filles l’entendent :
— Deux beaux pétards, hein Aristide (p. 25).

Ce sera tout pour l’instant.

P.S.—Il a été question du contact des langues chez Trevanian ici et de la langue de puck chez Verchères .

 

[Complément du 6 décembre 2021]

«Les deux pétards» de Richard Desjardins (l’Existoire, 2012) sont une «déesse» et un «loup alpha en cuir d’agneau». On les retrouvera morts dans une chambre d’hôtel :

Le coroner lit le verdict
Ça s’est passé vers les minuit
Je suis formel catégorique
Nos beaux pétards
Sont morts d’ennui

 

Références

Desjardins, Richard, «Les deux pétards», l’Existoire, disque audionumérique, étiquette Foukinic, 2012, 5 minutes 1 seconde.

Shaka, «Méchants pétards», disque audionumérique, étiquette Guy Cloutier Communications, PGC-CD-132 DJ, 2001, 3 minutes 1 seconde.

Trevanian, The Main, New York, Harcourt Brace Jovanovitch, 1972. Réédition : New York, Jove, 1977, 332 p.

Verchères, Paul [pseudonyme d’Alexandre Huot ?], Meurtre au hockey, Montréal, Éditions Police journal, coll. «Les exploits policiers du Domino Noir», 300, [1953], 32 p.