La clinique des phrases (124)

La clinique des phrases, Charles Malo Melançon, logo, 2020

(À l’occasion, tout à fait bénévolement, l’Oreille tendue essaie de soigner des phrases malades. C’est cela, la «Clinique des phrases».)

Certains n’ont rien à faire des répétitions dans un même texte. C’est le cas de Paul Léautaud dans son Journal littéraire : «Je ne changerais pour rien au monde une phrase qui contient deux fois, même trois, le même mot, si elle dit ce que je veux dire et si elle est venue ainsi» (16 juin 1905, p. 182).

D’autres, par exemple l’Oreille tendue, sont moins tolérants.

Soit la phrase suivante, tirée d’un quotidien montréalais :

Tout en enchaînant les rôles d’idiote sexy, elle quitte son mari et se marie avec Mickey Hargitay, un ex-Monsieur Univers d’origine hongroise avec qui elle aura trois enfants.

Ça fait un peu désordre, non, «son mari et se marie» ?

Proposons donc ceci :

Tout en enchaînant les rôles d’idiote sexy, elle quitte son mari et épouse Mickey Hargitay, un ex-Monsieur Univers d’origine hongroise avec qui elle aura trois enfants.

À votre service.

 

Référence

Léautaud, Paul, Journal littéraire. I. 1893-1906, Paris, Mercure de France, 1975, 364 p. Ill. Édition originale : 1956.

Accouplements 229

Collage de couvertures de livres de Peter Handke et Jean Tortel

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

En 1980, les éditions Gallimard publient, de Peter Handke, le Poids du monde. Un journal (Novembre 1975-Mars 1977), dans une traduction de Georges-Arthur Goldschmidt. Aucune des entrées ne se termine par un point final.

En 1987, les éditions André Dimanche publient, de Jean Tortel, Passés recomposés. Tous les vers se terminent par un point final.

Le zeugme du dimanche matin et d’André Carpentier

André Carpentier, Journal de mille jours, 1988, couverture

«Je doute si je suis jamais plus près de l’incendie ! Des ouvriers qui creusaient un trou devant la maison avec une excavatrice ont touché des fils de l’Hydro et ont arraché le fil d’alimentation de l’entrée d’électricité dans la salle de lavage. Si cela s’était produit durant mon absence […], j’aurais sans doute retrouvé la maison brûlée; les deux creuseurs ne voyaient, joli zeugma, ni la fumée ni l’utilité d’appeler les pompiers.»

André Carpentier, Journal de mille jours. Carnets 1983-1986, Montréal, XYZ éditeur et Guérin, coll. «Guérin littérature», 1988, 354 p., p. 207.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

L’oreille tendue des… Goncourt

Portrait des Goncourt par Vallotton

«Sur les boulevards, on voit les hommes, les femmes interroger de l’œil la figure qui passe, tendre l’oreille à la bouche qui parle, inquiets, anxieux, effarés.»

Edmond et Jules de Goncourt, Journal, 22 août 1870, dans Journal. Tome 2, 1864-1878, Paris, Flammarion, 1959, 1277 p., p. 583. Texte intégral établi et annoté par Robert Ricatte.

 

Illustration : portrait des Goncourt par Félix Vallotton tiré du Livre des masques (vol. II, 1898) de Rémy de Gourmont, déposé sur Wikimedia Commons