Dur dur

René Bolduc, Sincèrement vôtre, 2018, couvertureCeci, chez René Bolduc, en 2018 : «Pas comme l’un de vos caniches serviles, non, mais comme un chien errant, sans laisse, qui en arrache un peu, mais qui est libre» (Sincèrement vôtre, p. 38).

Et chez Nicolas Dickner, en 2009 : «Une conversation butinante, sans but précis : il y a longtemps qu’on t’avait vu, le bar est tranquille, moyenne chaleur, non ?, paraît que les agriculteurs en arrachent» (Tarmac, p. 237).

En arracher, au Québec : avoir du mal.

 

Références

Bolduc, René, Sincèrement vôtre. Petite introduction épistolaire aux philosophes, Montréal, Poètes de brousse, coll. «Essai libre», 2018, 232 p. Préface de Normand Baillargeon.

Dickner, Nicolas, Tarmac, Québec, Alto, 2009, 271 p. Ill.

Les zeugmes du dimanche matin et d’Érik Vigneault

Érik Vigneault, Tout savoir sur Juliette, 2018, couverture

«Le Marchand d’art prit une pause, une gorgée et le temps de vérifier l’effet de son entrée en matière sur son auditoire» (p. 63).

«après que ses parents eurent disparu mystérieusement sans laisser d’adresse ni de trace» (p. 64).

«Quelqu’un dit : Pourquoi avez-vous quitté Mariá et Barcelone ?» (p. 97)

«Nous roulions doucement; ni Georges ni moi n’étions pressés, nous avons roulé en silence et en connivence […]» (p. 113).

«Le jour même un mercredi vinrent le cueillir chez lui sept individus arborant l’uniforme, l’air et le ton compassés de représentants de la loi tout ce qu’il y a d’ordinaire […]» (p. 158).

Érik Vigneault, Tout savoir sur Juliette. Roman, Montréal, Le Cheval d’août, 2018, 177 p.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

Rouler

Quad ou VTT ou Quatre roues

Soit deux poèmes tirés de recueils récents, les deux publiés au Québec :

Ici on voyage nulle part
on fait juste des tours
de bécique de pickup de tracteur
de batteuse de pelle mécanique
de quat’roues
de waguine
qu’il est long le temps
de l’indépassable campagne (Expo habitat, p. 14).

mon grand frère est toujours
ami avec des bums
comme les frères proulx
qui se promènent
en quatre roues (Mont de rien, p. 54-55).

Le poème de Marie-Hélène Voyer est situé en «indépassable campagne»; celui de Maxime Catellier, très précisément à Saint-Anaclet-de-Lessard. Ici et là, on se promène en quatre roues, avec ou sans apostrophe.

Pour désigner ce genre de véhicules, l’Office québécois de la langue française propose motoquad — «Véhicule tout-terrain motorisé à quatre roues muni d’une selle et d’un guidon» — ou autoquad — «Véhicule tout-terrain motorisé à quatre roues muni d’un ou de plusieurs sièges, d’un volant, de pédales et d’un cadre de protection». En France, la Commission d’enrichissement de la langue française recommande «officiellement» quad.

Dans la «langue courante», l’OQLF connaît aussi VTT («véhicule tout-terrain») et quatre-roues.

La poésie et la langue courante ont des raisons que la lexicologie ne connaît pas.

P.-S.—Oui, c’est vrai : l’Oreille tendue aurait pu choisir un autre poème de Maxime Catellier (p. 66).

 

Illustration : VTT, photo déposée sur Wikimedia Commons

 

Références

Catellier, Maxime, Mont de rien. Roman en trois périodes et deux intermèdes, Montréal, L’Oie de Cravan, 2018, 123 p.

Voyer, Marie-Hélène, Expo habitat, Chicoutimi, La Peuplade, coll. «Poésie», 2018, 157 p.

L’animal de la peur

Marie-Élaine Guay, Castagnettes, 2018, couverture
Soit une phrase tirée du recueil d’histoires de Raymond Bock, Atavismes (2011) : «Chaque fois que les portes de l’ascenseur ouvrent, j’ai la chienne» (p. 193).

Soit le vers suivant, de Castagnettes, le recueil de poésie récent de Marie-Élaine Guay : «j’ai la chienne d’eux de l’automne du sable qui engouffre» (p. 25).

Avoir la chienne : avoir peur. Le titre de poème de Marie-Élaine Guay dont provient ce vers ne laisse aucun doute : «frousse».

 

Références

Bock, Raymond, Atavismes. Histoires, Montréal, Le Quartanier, coll. «Polygraphe», 03, 2011, 230 p.

Guay, Marie-Élaine, Castagnettes. Poésie, Montréal, Del Busso éditeur, 2018, 76 p. Ill.