«Si on tend bien l’oreille, microscopiquement, les fleurs font boum au moment de leur éclosion.»
Anne-Marie Olivier, Annette. Une fin du monde en une nanoseconde, Montréal, Dramaturges éditeurs, 2012, 53 p., p. 22.
« Nous n’avons pas besoin de parler français, nous avons besoin du français pour parler » (André Belleau).
«Si on tend bien l’oreille, microscopiquement, les fleurs font boum au moment de leur éclosion.»
Anne-Marie Olivier, Annette. Une fin du monde en une nanoseconde, Montréal, Dramaturges éditeurs, 2012, 53 p., p. 22.
(Accouplements : une rubrique où l’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)
DeLillo, Don et Sue Buck, Amazons. An Intimate Memoir by the First Woman Ever to Play in the National Hockey League, New York, Holt, Rinehart and Winston, 1980, 390 p. Sous le pseudonyme de Cleo Birdwell. https://archive.org/details/amazonsintimatem00deli/page/n5/mode/2up
«Our driver kept racing down side streets from one traffic jam to another» (p. 227).
Melançon, Benoît, Bangkok. Notes de voyage, Montréal, Del Busso éditeur, coll. «Passeport», 2009, 62 p. Quinze photographies en noir et blanc. https://doi.org/1866/32401
«Les rues de Bangkok sont bondées. Les feux sont interminables. Heureusement qu’il y a les autoroutes. Elles permettent de filer d’un bouchon à l’autre» (p. 16).
P.-S.—L’Oreille tendue a présenté Amazons le 16 juin 2025.
Ceci, dans le quotidien montréalais le Devoir :
En l’espace d’une semaine, la Victoire de Montréal, après avoir dominé la saison régulière de la LPHF, se faisait de nouveau sortir en demi-finale de la coupe Walter — à ne pas confondre avec la coupe Longueuil — tandis que la troupe composite qui représentait les arpents de neige de Charles III au Mondial de hockey masculin se faisait montrer la porte en quart de finale par le minuscule Danemark.
Au début du vingt-troisième chapitre de Candide, «Candide et Martin vont sur les côtes d’Angleterre; ce qu’ils y voient», Candide discute avec Martin sur le pont d’un navire hollandais : «Vous connaissez l’Angleterre; y est-on aussi fou qu’en France ? — C’est une autre espèce de folie, dit Martin. Vous savez que ces deux nations sont en guerre pour quelques arpents de neige vers le Canada, et qu’elles dépensent pour cette belle guerre beaucoup plus que tout le Canada ne vaut.»
Voltaire est toujours bien vivant.
Lire Saved (2007), de Jack Falla, pour ses qualités romanesques serait une erreur : c’est surcousu de fil blanc.
En revanche, il y a nombre de phrases parfaitement justes sur le monde du hockey, dans la bouche d’un narrateur gardien de but. Ci-dessous, un florilège (incomplet).
«Every shot is a snowflake. No two are alike» (p. 62).
«The first rule of life, love, and hockey is the same rule — you’ve got to play hurt» (p. 27).
«Goalies don’t see goals. We hear them» (p. 75).
«We’re [les gardiens] united in a brotherhood of apartness and fear» (p. 86).
«The family metaphor in pro sports is ridiculous. Family members don’t get cut, traded, waived, benched, or sent to the minors» (p. 93).
«The shelf life on loyalty to a goaltender is about twenty minutes or three goals, whichever comes first» (p. 129).
«In most businesses people get better as they age. But not in pro sports» (p. 171).
«In this game friendship lasts, allegiance doesn’t» (p. 206).
«A goalie coach is a head coach» (p. 243).
Référence
Falla, Jack, Saved. A Novel, New York, Thomas Dunne Books, St. Martin’s Press, 2007, ix/276 p.
«I don’t know who wrote it.
Who writes these things ?
Does anybody know ?»
En 1980 paraît à New York Amazons. An Intimate Memoir by the First Woman Ever to Play in the National Hockey League. Ces Mémoires (majuscule, masculin, merci) fictifs sont signés Cleo Birdwell, mais leurs auteurs sont en fait Don DeLillo et Sue Buck. (DeLillo a mis du temps à reconnaître sa copaternité; voir, par exemple, l’entretien donné à David Marchese pour le New York Times en 2020.)
Ceux qui s’attendraient à des propos sportifs soutenus seront déçu : «La première femme à jamais jouer dans la Ligue nationale de hockey», à sa première saison, à 23 ans, score beaucoup plus souvent sexuellement que sur la glace, d’où le «Intimate» du sous-titre.
Le roman est très souvent désopilant. La satire du charlatanisme médical réjouit. L’Oreille tendue ne connaissait pas les vertus anti-érectiles du mot «Watergate». Quand son père explique à la jeune Cleo le sens des expressions vulgaires qu’elle va sûrement entendre dans les vestiaires et sur la glace, on se croirait chez François Blais. Les relations tentaculaire de la mafia et de la motoneige sont inattendues. Certain duel, pas seulement à l’épée, dans l’église en ruine d’une plantation du vieux Sud vaut le détour. Quand son équipe change de main et passe sous le contrôle de mystérieux «men in the Gulf», Cleo donne un nouveau sens à l’expression «tir voilé». L’ailière des Rangers de New York est un aimant à confession : tout un chacun se confie à elle; c’est le cas de son entraîneur, Jean-Paul Larousse (!), qui insiste pour lui parler en français, langue qu’elle ne maîtrise pourtant pas. Cela se termine souvent au lit, ce qui ne fait que rarement taire la hockeyeuse : écouter ne l’empêche jamais de parler. Bémol : la fin du roman est complètement bâclée.
Ce qui nous amène au latin. La mère de Cleo enseignait cette langue dans la ville où elle a élevé sa famille, Banger (Ohio). Sa fille a bien suivi ses enseignements : «“That’s my penis.” / “I know what it is. It’s from the Latin”» (p. 27); «“Does it have a Latin name ?” […] “Frenulum,” I said. “And that technique isn’t for impotence, it’s for premature ejaculation”» (p. 65); «Sanders licked me everywhere, nuzzled my labia, from the Latin […]» (p. 72); «I guess he felt that an intake of air would give his silhouette a touch of extra sveltness, from the Latin» (284).
Cleo Birdwell a plus d’une langue dans son sac.
P.-S.—En papier, Amazons est rare comme de la marde de pape, et donc cher : Don DeLillo en a toujours refusé la réédition. Heureusement, il est disponible gratuitement en ligne grâce aux bienfaiteurs de l’humanité d’Internet Archive.
Références
DeLillo, Don et Sue Buck, Amazons. An Intimate Memoir by the First Woman Ever to Play in the National Hockey League, New York, Holt, Rinehart and Winston, 1980, 390 p. Sous le pseudonyme de Cleo Birdwell. https://archive.org/details/amazonsintimatem00deli/page/n5/mode/2up
Marchise, David, «We All Live in Don DeLillo’s World. He’s Confused by It Too», The New York Times, 11 octobre 2020.