Chantons la langue avec Daniel Lavoie

Daniel Lavoie, «Jours de plaine», 1991, pochette

(Il n’y a pas que «La langue de chez nous» dans la vie. Les chansons sur la langue ne manquent pas. Petite anthologie en cours. Liste d’écoute disponible sur Spotify. Suggestions bienvenues.)

 

Daniel Lavoie, «Jours de plaine», 1991

 

Y a des jours de plaine
On voit jusqu’à la mer
Y a des jours de plaine
On voit plus loin que la Terre
Y a des jours de plaine
L’on entend parler nos grands-pères
Dans le vent
Y a des jours de plaine
J’ai vu des Métis en peinture de guerre
Y a des jours de plaine
J’entends gémir la langue de ma mère
Y a des jours de plaine
L’on n’entend plus rien
À cause du vent
J’ai grandi sur la plaine
Je connais ses rengaines
Et ses vents
J’ai les racines dans la plaine
J’ai toutes ses rengaines
Dans le sang
J’ai des racines en France
Aussi longues que la Terre
Une langue qui danse
Aussi bien que ma mère
Une grande famille
Des milliers de frères et sœurs
Dans le temps
J’ai des racines en France
Aussi fortes que la mer
Une langue qui pense
Une langue belle et fière
Et des milliers de mots
Pour le dire comment je vis
Qui je suis
J’ai grandi sur la plaine
Je connais ses rengaines
Et ses vents
J’ai les racines dans la plaine
J’ai toutes ses rengaines
Dans le sang
Y a des jours de plaine
Où, dans les nuages, on voit la mer
Y a des soirs de plaine
Où on se sent seul sur la Terre
Y a des nuits de plaine
Où y a trop d’étoiles, y a trop de Lune
Le ciel est trop clair
Y a des jours de plaine
On voit plus loin que la Terre
Y a des jours de plaine
Où je n’entends plus la langue de ma mère
Y a des jours de plaine
Où même mes grands-pères
Ne sont plus dans le vent
J’ai grandi sur la plaine
Je connais ses rengaines
Et ses vents
J’ai les racines dans la plaine
J’ai toutes ses rengaines
Dans le sang

 

Chantons la langue avec Mononc’ Serge et Anonymus, ter

Mononc’ Serge et Anonymus, Métal canadien-français, 2024, pochette

(Il n’y a pas que «La langue de chez nous» dans la vie. Les chansons sur la langue ne manquent pas. Petite anthologie en cours. Liste d’écoute disponible sur Spotify. Suggestions bienvenues.)

 

Mononc’ Serge et Anonymus, «Métal canadien-français», album Métal canadien-français, 2024

 

Moitié d’la vallée du Saint-Laurent
Moitié de l’enfer
Moitié Jos Montferrand
Moitié Lucifer
Il marie les blast beats
De Napalm Death
Et les tapeux de pieds
De la région d’Joliette
Métal qui dégage
Des odeurs de soupe aux pois
De sirop d’érable
Et de pâté chinois
Il porte un coat de cuir
Il a les cheveux longs
Pourtant il trippe sur la Poune
Et sur la Bolduc
Autant il est possédé
Par le démon
Autant il capote
Sur les cabanes à sucre
Dans l’ombre le fantôme de Ronnie James Rio
Fraye avec celui d’Oscar Thiffault
Et de leur rencontre
Un nouveau métal naît
C’est le métal canadien-français

Le métal canadien-français
Y est canadien
Le métal canadien-français
Est en français
Le métal canadien-français
Y est canadien-français

Kek’ part entre Venom
Et les référendums
Kek’ part entre Queensrÿche
Et René Lévesque
Il y a ce métal imprégné de joual et de neige
De doubles bass drums
Et de sacrilèges
Où le satanisme et les messes noires
Fusionnent avec les sets carrés
Et les tourtières

Le métal canadien-français
Y est canadien
Le métal canadien-français
Est en français
Le métal canadien-français
Y est canadien-français

Comme dans le canot
Dans la chasse-galerie
Il est conduit par le diable
Jusqu’au bout de la nuit
Son âme est perdue
Malheur à celui qui fait
Du métal canadien-français

Métal
Canadien-français

Métal
Canadien-français

Métal
Canadien-français

Métal
Canadien-français

 

P.-S.—Ter ? Parce que et parce que.

 

Chantons la langue avec Mononc’ Serge, bis

Mononc’ Serge, Ça, c'est d’la femme !, 2011, pochette

(Il n’y a pas que «La langue de chez nous» dans la vie. Les chansons sur la langue ne manquent pas. Petite anthologie en cours. Liste d’écoute disponible sur Spotify. Suggestions bienvenues.)

 

Mononc’ Serge, «Le joual», Ça, c’est d’la femme !, 2011

 

Toé tu connais-tu le parler populaire
Qui s’élève des ruelles pis des caisses populaires
Ce n’est pas une langue châtiée
C’est la langue des shops pis des chantiers
Moé je parle comme je l’ai appris
J’parle comme mes voisins quand j’étais petit
C’est pas du français international
Moé c’que j’parle c’est le joual

C’est beau le joual — c’est s’a coche
C’est beau le joual — hostie qu’ça torche
C’est beau le joual — c’est malade mental
Fuck ceux-là qui disent qu’on parle mal
C’est beau le joual — t’es accoté tight
C’est beau le joual — fucké dans tête
C’est beau le joual — tu l’as d’ins dents
Fuck ceux-là qui disent qu’on parle mal

Le joual, c’t’un diamant en plywood
Gossé a’ec un couteau d’pêche
C’t’un tabarnak de bon coup de coude
D’ins côtes d’la langue française
Le joual, c’est des sacres en masse
Avec des mots anglais juste à bonne place
Comme «Hey man, t’aurais-tu une smoke ?»
Mais pas trop quand même, on n’est pas des blokes
On n’est pas des blokes

C’est beau le joual — ça garroche
C’est beau le joual — ça clenche en masse
C’est beau le joual — ça fesse dans l’dash
Fuck ceux-là qui disent qu’on parle mal
C’est beau le joual — on va voir c’qu’on va voir
C’est beau le joual — si tu veux la guerre
C’est beau le joual — ben tu vas l’avoir
Fuck ceux-là qui disent qu’on parle mal

Le joual ça sonne carré
C’est rugueux comme du ciment
C’est comme une poignée d’gravier
Qu’on frotterait su’ tes tympans
Le joual grafigne pis le joual grince
D’ins boutte à l’aut’ de la belle province
Le joual varge, le joual écorche
Mais le joual avance et sa victoire est proche

C’est beau le joual — C’est-y pas crisse
C’est beau le joual — C’est dans l’prélart
C’est beau le joual — Attache ta tuque
C’est beau le joual — C’pas des jokes
C’est beau le joual — C’pas pour les frais chiés
C’est beau le joual — Ni pour les pète-sec
C’est beau le joual — C’t’à nous autres au Québec
Pis fuck ceux-là qui disent qu’on parle mal

Fuck toé, fuck toé
Fuck vous autres qui disez qu’on parle mal

 

P.-S.—Vous avez l’oreille : il a déjà été question de Mononc’ Serge et du joual ici.

P.-P.-S.—Bis ? Parce que.

 

Chantons la langue avec Loco Locass

Loco Locass, Manifestif, 2000, pochette

(Il n’y a pas que «La langue de chez nous» dans la vie. Les chansons sur la langue ne manquent pas. Petite anthologie en cours. Liste d’écoute disponible sur Spotify. Suggestions bienvenues.)

 

Loco Locass, «Malamalangue», Manifestif, 2000

 

Peuple à la mer
À la merci des courants
Qui n’est pas au courant
Dont la langue à vau-l’eau
Navigue entre deux eaux
Dont la culture dérive au large des rives
D’un incontinent mercantile
Quand il s’agit de s’agiter sache
Que les Loco Locass occupent la place
Jacassent avec audace et cassent la glace
En dénonçant la menace
Qui sévit sur la masse
C’est assez sérieux
Plutôt pernicieux
On croirait au complot tacite de la nation
Car aucun ne s’indigne de la situation
Dans la symphonie multiculturelle de Trudeau
(Son rêve était beau)
La voix francophone est noyée sous le son du saxe Anglo-saxon
Tabarnak sont 300 millions
Pendant qu’un Néo-Québécois de souche se tire une bûche
Un autre Anglo Klaxon sac’ son camp
Notre syntaxe est en voie d’extinction
Minée contaminée déterminée
Par Shakespeare et ses sbires
Y a pas d’quoi rire
Car j’ai malamalangue

À court de discours
Je me dis cours toujours
Jour et nuit aucune dichotomie
C’est la grande noirceur qui sévit
C’est vite dit précis concis
Bref mon pays est loin de la Laconie
Honnie, bannie, c’est comme chercher Charlie
Où est ma langue ? Où est mon esprit ?
Où suis-je ? Qui suis-je ? Où vais-je ? Où vis-je ?
L’insidieuse érosion du langage et ses suites me terrifient
Je suis l’homme calcaire en beau calvaire
Devant les assauts séculaires d’une mer qui me sape les pieds
Y m’pogne des fois des envies d’hermétisme à l’extrême
Une néo-nipponnerie
Une genre de juiverie
Mais j’vivrais mal d’être jugé lepéniste
N’empêche qu’au bouche-à-bouche
Ma langue mal embouchée couche
Avec le butcher
J’en embrasse large mais je couche
Mes mots pour 7 millions de cocus sans colonne verbale
Avale mon venin mollusque, suce
Jusqu’à ce que t’en tire un antidote
Qui dotera ta glotte
Pour le french universel
J’ai rien contre l’orgie romaine man
Mais j’ramone personne en franglais
C’est pas vrai ou faux
Je m’en fous
Mon parti est pris
Tu l’auras compris
Ma rage contre la machine est une mutinerie contre le mutisme
Ce séisme tranquille
Je m’infiltre effronté
Forcé de fitter dans la foulée de ces fous paroliers
Qui mettent flamberge au vent
À tout moment
Pour défendre leur langue
Avant qu’exagérément exsangue
Elle pende comme une sorte
De langue morte (langue d’Oc) OK
Je te l’concède
On est un peu cons et on cède
Nous aussi à la tentation
De parsemer not’ tchatche loquace
Du langage des fat ass
Un petit cool par-ci, beat par-là
Whatever man, we speak like we
Speak white wouanh !
J’ai la voix blanche de m’être trop tu
Au silence blanches négresses et nègres blancs
Nos mots sont des balles à blanc, pan !
Beaucoup de bruit pour rien mais le lendemain
Je me souviens de rien
Aphasie, avachie, chie dans son froc de french frog
Vagissant piternellement
Le Québec de lièvre n’en finit pas de naître… pas
Ceux qui tracèrent la trachée d’une voix
Qui n’a pas la portée d’un crachat
J’mâche pas mes mots
C’est pas d’la mash potato
Sache que les Loco Locass
Sont des koubros [?] qui causent et qui haranguent
Ce qui leur cause des mots sur le bout de la langue

Tous et toutes, professeurs, citoyens
Animateurs de Musique plus ou politiciens
Je vous accuse au tribunal de la conscience
D’avoir immolé le français sur l’autel de l’indifférence
Malgré que le combat soit perdu d’avance
Même en France nous défendons notre patrie contre l’anglosphyxie
Tel que le firent les Phrygiens face à l’Empire romain
Nous avons pris le maquis linguistique
Et opposons à l’Amérique une résistance lyrique
Notre tactique est unique et consiste en la verbalistique
Nous faisons flèche de tout mot
Nos arbalètes envoient des carreaux lexicaux
Au macrophone les Loco détonnent
Et proposent entre autres choses
Une prose qui ose et qui désankylose
Si texturé soit-il
Ton texte doit expliquer le contexte de ton cortex car
Sans sens le son n’est que sensation
Mais sans son le sens est sans action
Si texturé soit-il
Ton texte doit expliquer le contexte de ton cortex car
Sans sens le son n’est que sensation
Mais sans son le sens est sans action

 

Chantons la langue avec Francine Raymond

Francine Raymond, les Années lumières, 1993, pochette

(Il n’y a pas que «La langue de chez nous» dans la vie. Les chansons sur la langue ne manquent pas. Petite anthologie en cours. Liste d’écoute disponible sur Spotify. Suggestions bienvenues.)

 

Francine Raymond, «Y a les mots», les Années lumières, 1993

 

Y a les mots qui amusent et ceux qui abusent
Les mots qui blessent comme autant de morsures
Les mots qu’on pleure et crache en venin dans le chagrin
Et ceux qu’on échange en poignées de main

Y a les mots qui nous lient sous le sceau du secret
Et ceux qui déchirent et séparent à jamais
Les mots qui nous hantent pour un instant de folie
Et ceux qui disparaissent dans l’oubli

Dans tous ces mots qui m’entourent et m’appellent
J’entends des enfants jouer dans la ruelle
Je vois des ponts bâtis au bout des hommes
Au bout des chaînes là où y a les mots

Y a les mots qu’on soupire pour passer aux aveux
Ceux qu’on murmure pour mieux parler à son Dieu
Les mots qui frappent pour nous aider à tout comprendre
Et ceux qu’on échappe qu’on aimerait bien reprendre

Dans tous ces mots qui m’entourent et m’appellent
J’entends des enfants jouer dans la ruelle
Je vois des ponts bâtis au bout des hommes
Au bout des chaînes là où y a les mots

Dans tous ces mots qui m’entourent et m’appellent
J’entends des enfants jouer dans la ruelle
Je vois des ponts bâtis au bout des hommes
Au bout des chaînes là où y a les mots

Dans tous ces mots
Oh oh oh oh
Oh oh oh oh
Oh oh oh oh
Au bout des chaînes
Là où y a les mots