La clinique des phrases (eeee)

La clinique des phrases, logo, 2020, Charles Malo Melançon

(À l’occasion, tout à fait bénévolement, l’Oreille tendue essaie de soigner des phrases malades. C’est cela, la «Clinique des phrases».)

On le sait : l’Oreille est volontiers tatillonne en matière d’énumérations; elle les aime rigoureusement construites.

Elle a donc tiqué devant cette phrase :

Je me réjouis que l’on veuille développer la pensée critique et la capacité à dialoguer en ces heures de dangereuse polarisation; que l’on veuille faire connaître les nouveaux médias et leurs périls et mettre en garde contre eux; que l’on veuille parler de sexualité; faire connaître nos institutions politiques; parler de liberté d’expression et de liberté de conscience.

Son rédacteur semble s’être lassé en cours de route de l’anaphore que l’on veuille. Il n’aurait pas dû.

Deux corrections sont possibles.

Je me réjouis que l’on veuille développer la pensée critique et la capacité à dialoguer en ces heures de dangereuse polarisation; que l’on veuille faire connaître les nouveaux médias et leurs périls et mettre en garde contre eux; que l’on veuille parler de sexualité; que l’on veuille faire connaître nos institutions politiques; que l’on veuille parler de liberté d’expression et de liberté de conscience.

Je me réjouis que l’on veuille : développer la pensée critique et la capacité à dialoguer en ces heures de dangereuse polarisation; faire connaître les nouveaux médias et leurs périls et mettre en garde contre eux; parler de sexualité; faire connaître nos institutions politiques; parler de liberté d’expression et de liberté de conscience.

Convenons-en : il reste encore des répétitions de mots (faire connaître, parler). Essayons de régler cela.

Je me réjouis que l’on veuille développer la pensée critique et la capacité à dialoguer en ces heures de dangereuse polarisation; que l’on veuille faire connaître les nouveaux médias et leurs périls et mettre en garde contre eux; que l’on veuille discuter de sexualité; que l’on veuille présenter nos institutions politiques; que l’on veuille parler de liberté d’expression et de liberté de conscience.

Je me réjouis que l’on veuille : développer la pensée critique et la capacité à dialoguer en ces heures de dangereuse polarisation; faire connaître les nouveaux médias et leurs périls et mettre en garde contre eux; discuter de sexualité; présenter nos institutions politiques; parler de liberté d’expression et de liberté de conscience.

À votre service.

La clinique des phrases (dddd)

La clinique des phrases, logo, 2020, Charles Malo Melançon

(À l’occasion, tout à fait bénévolement, l’Oreille tendue essaie de soigner des phrases malades. C’est cela, la «Clinique des phrases».)

Soit le texte suivant, tiré d’un quotidien montréalais :

La crise que nous traversons montre bien tout cela. Le virus mue, des variants que l’on ne connaît pas encore bien apparaissent; la situation évolue, parfois dans des directions qu’on n’avait pas prévues, avec pour conséquence que les faits pertinents ne sont pas tous bien connus. Nos décisions doivent aussi arbitrer entre des valeurs importantes.

Attachons-nous à la dernière phrase.

Volontiers chichiteuse, l’Oreille tendue n’est pas très portée sur les constructions où des inanimés font des choses concrètes (voir ici). Comment des «décisions» pourraient-elles «arbitrer» ? L’Oreille ne voit pas non plus comment on pourrait «arbitrer entre des valeurs», qu’elles soient «importantes» ou pas. Que vient faire le «aussi» dans cette phrase ?

Simplifions :

Nous devons choisir entre plusieurs valeurs.

À votre service.

Pénurie de conjugaison

Les premières fois que l’Oreille s’est tendue devant ce qui semble un usage de plus en plus commun, c’était à la radio : «Vous dire que nous nous entretiendrons avec XYZ dans trente minutes.»

Puis ce fut sur Twitter :

Tweet de Marie-Louise Arsenault, 5 décembre 2019

Enfin, c’est dans la presse :

«Quel soulagement ! Et vous dire à quel point ce fut un plaisir de parler avec Beigbeder de notre fascination commune pour le roman The Catcher in the Rye et de découvrir l’écrivain généreux et sympathique qu’il est derrière son personnage» (la Presse+, 3 juillet 2021).

«Patricia Wenzel est à la fois enchantée, soulagée et charmée par l’arrivée du chef Danny Smiles. “Te dire comme il est le meilleur candidat que j’aurais pu avoir !”» (la Presse+, 3 juillet 2021)

Vous dire que l’infinitif, c’est bien, mais que la conjugaison, ce n’est pas mal non plus.

P.-S.—Dans sa jeunesse, l’Oreille appelait cela un médiatic.

La clinique des phrases (aaaa)

La clinique des phrases, logo, 2020, Charles Malo Melançon

(À l’occasion, tout à fait bénévolement, l’Oreille tendue essaie de soigner des phrases malades. C’est cela, la «Clinique des phrases».)

Soit les deux phrases suivantes :

Pour dire les choses en une formule que je sais un peu boiteuse, la laïcité, si elle ne devait s’appliquer qu’à une institution, ce serait à l’école. Elle a pour but, par elle, de préserver la liberté de conscience des enfants en créant un espace qui préfigure celui, politique, dans lequel ils exerceront plus tard leur citoyenneté.

Si elle le pouvait encore, l’Oreille tendue s’arracherait volontiers les cheveux devant cet obscur «Elle a pour but, par elle».

Le premier «Elle» devrait renvoyer, normalement, au sujet (grammatical) de la phrase précédente, «la laïcité». Nous aurions donc :

La laïcité a pour but, par elle […].

Logiquement, dès lors, le deuxième «elle» devrait renvoyer à «l’école» :

La laïcité a pour but, par l’école […].

On pourrait cependant sans aucun mal, et avec profit, imaginer la phrase inverse :

L’école a pour but, par la laïcité […].

Que faire devant pareil embrouillamini ? Essayons ceci :

Pour dire les choses en une formule que je sais un peu boiteuse, la laïcité, si elle ne devait s’appliquer qu’à une institution, ce serait à l’école. Celle-ci a pour but, par la laïcité, de préserver la liberté de conscience des enfants en créant un espace qui préfigure celui, politique, dans lequel ils exerceront plus tard leur citoyenneté.

À votre service (mais non sans mal et hésitations).

La clinique des phrases (ttt)

La clinique des phrases, logo, 2020, Charles Malo Melançon

(À l’occasion, tout à fait bénévolement, l’Oreille tendue essaie de soigner des phrases malades. C’est cela, la «Clinique des phrases».)

Soit la phrase suivante :

Depuis l’affaire Verushka Lieutenant-Duval, la question de l’usage de certains mots par les professeurs d’université en classe a suscité jusqu’à maintenant une foule de débats contradictoires.

Temporellement, cela est bien confus :

Depuis l’affaire Verushka Lieutenant-Duval, la question de l’usage de certains mots par les professeurs d’université en classe a suscité une foule de débats contradictoires.

À votre service.