Une fois n’est pas coutume

La rubrique «Publicité» de ce blogue l’atteste : les occasions de se plaindre de la langue des publicitaires ne manquent pas.

Il y a cependant des exceptions, par exemple ce message télévisé de Vaillancourt Portes et fenêtres :

L’emploi de l’allitération — «fenêtre finement façonnée par de fervents fabricants», «poser la porte peaufinée passionnément par des professionnels perfectionnistes» — et le passage (involontaire) d’un niveau de langue à l’autre («déguédine») chez ces ouvriers de la construction réjouissent l’Oreille tendue, tout particulièrement le «Kâ», amorce potentielle d’un juron, devenu «Qualité colossale».

Merci.

 

[Complément du 24 mars 2017]

Isabelle Neault (Ogilvy Montréal) a remporté cette semaine le Grand Mérite Francopub et le Mérite du public Francopub de l’Office québécois de la langue française pour cette publicité. Voilà un excellent choix.

Robert Bourassa, Bell Canada et Céline Dion

Double arc-en-ciel, Baie-Saint-Paul, Québec, 2013

 

Pendant la campagne électorale de 1989, Robert Bourassa, alors candidat pour le Parti libéral du Québec, était l’objet de publicités télévisées. Petite, l’Oreille était déjà tendue. Voici ce qu’elle écrivait à ce sujet dans le magasine Spirale :

Publicité télévisée du Parti libéral : devant une foule en liesse, le premier ministre commence son discours par un «Ce que le Québec a besoin» là où la grammaire exige un «Ce dont le Québec a besoin». Existe-t-il un autre pays où le chef de l’État, conseillé, on l’imagine, par toutes sortes d’experts en communication, accepterait de présenter une publicité incorrecte grammaticalement ?

Plusieurs années plus tard, et beaucoup moins jeune, l’Oreille avait des choses à dire sur une publicité, également télévisée, de Bell Canada. Une femme y interrogeait une de ses amies au sujet d’un groupe d’hommes enfermés dans le garage de celle-ci : «Ça leur dérange pas […] ?» (La publicité a finalement été corrigée.) Là encore, on imagine que plusieurs personnes ont dû donner leur aval avant que cette faute («Ça les dérange pas») se retrouve en ondes.

Ces jours-ci, selon des sources médiatiques, circule un clip de Céline Dion dans lequel la «diva de Charlemagne» (PQ) se trompe sur le genre du mot arc-en-ciel, féminisé par elle.

Comment expliquer la présence de cette faute ?

On peut plaider l’ignorance, Céline Dion croyant vraiment que le mot arc-en-ciel est féminin. Mais personne ne l’aurait corrigée ? La réputation de la chanteuse étant ce qu’elle est en matière de contrôle de son image publique, cela paraît peu probable.

Comme pour Robert Bourassa et pour Bell Canada, on peut craindre le mépris de la langue et, au-delà, du public. Une faute ? Y a rien là. Le monde comprennent.

Autre hypothèse, pas moins cruelle : parlant mal et le sachant, Céline Dion ne se corrigerait pas volontairement, histoire de se montrer proche de son public. A parle don comme nous autres.

Enfin, les problèmes des Québécois avec une certaine classe de mots étant ce qu’ils sont, peut-être cette faute est-elle l’indice que l’arc-en-ciel, pour Céline Dion, est un moyen de transport.

 

Référence

Melançon, Benoît, «Fragments de dictionnaire pour une campagne», Spirale, 93, décembre 1989 / janvier 1990, p. 14. https://benoitmelancon.quebec/docs/langue_elections_spirale_1989.html

Accouplements 64

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

C’était en 2010. L’Oreille tendue s’inquiétait du fait qu’on puisse acheter des enfants dans une grande chaîne de librairies.

Publicité des librairies Indigo, 2010

L’autre jour, l’ami François Bon tombe sur ceci au supermarché :

«Enfant / Allégé à / tartiner», photographie de François Bon, juillet 2016

(Commentaire : «prometteur mais non vegan.»)

Qu’il est dangereux d’être petit aujourd’hui !

 

[Complément du 7 novembre 2017]

Vu sur Twitter :

Vous n’y allez pas par quatre chemins

L’Oreille tendue se promenait rue Wellington, ce matin, dans l’arrondissement montréalais de Verdun, là où elle est née. Elle est alors tombée sur ce message fort clair.

Panneau publicitaire, rue Wellington, Verdun, 7 juillet 2016

Heureusement, cela ne s’adressait pas à elle, malgré le (quadruple) tutoiement. Elle en eût été marrie.

P.-S. — Le site de l’arrondissement n’est pas moins comminatoire.

 

[Complément du 3 août 2016]

Ça joue un peu moins dur à Westmount, mais à la même deuxième personne du singulier.

Panneau de signalisation, Westmount, août 2015

 

[Complément du 5 août 2016]

Ça y est. Toute l’administration municipale montréalaise s’y met.

Ville de Montréal, publicité pour la propreté, 2016

 

[Complément du 1er septembre 2016]

Voici ce qui s’appelle frapper fort.

Publicité contre les déjections canines, Montréal, 2016

Autopromotion 249

Sarrau blanc

L’Oreille tendue enseigne à l’université. Elle y a longtemps dirigé un département d’études littéraires. Pendant plus longtemps encore, elle s’y est occupée d’édition scientifique. En outre, elle blogue, elle est active sur les réseaux sociaux et elle répond souvent aux invitations des médias dits traditionnels (presse, radio, télévision).

C’est dire qu’elle a un certain nombre de choses à dire sur la place des universitaires dans l’espace public.

Elle a donc été ravie de soumettre un texte à la série que l’agence Science-presse a lancée ce printemps à propos du journalisme scientifique. Ça s’appelle «Université, diversité» et ça se trouve ici ou .

P.-S. — Merci à Pascal Lapointe de l’invitation.

 

[Complément du 21 février 2017]

Ce texte vient d’être repris par l’Association francophone pour le savoir (Acfas), sous le titre «Les chercheurs universitaires ne portent pas tous un sarrau blanc» (http://www.acfas.ca/publications/decouvrir/2017/02/chercheurs-universitaires-ne-portent-pas-tous-sarrau-blanc). Merci à Johanne Lebel.

 

[Complément du 26 février 2022]

Parlant de sarrau, deux choses.

Sous la plume de Gérard Bouchard, dans le Devoir du jour, ceci : «Ce déséquilibre appelle une répartition plus équitable des subventions, bien sûr, mais aussi une nouvelle reconnaissance des titres et des emplois. Il plaide aussi pour une réforme de l’imaginaire scientifique, lequel ne tient pour “savant” que le manieur d’éprouvettes, le porteur de sarrau ou, plus généralement, la recherche appuyée sur une impressionnante infrastructure d’équipement.»

Dans la Presse+ du 20 février, cela :

«Nos chercheurs ne portent pas de sarrau», la Presse+, 20 février 2022, publicité

 

[Complément du 31 mai 2022]

L’association sarrau/science n’est pas évidemment pas que québécoise, ainsi que le rappelait en 2016 Jack Lynch dans son excellent You Could Look It Up : «By the middle of the nineteenth century, the modern scientific establishment was in place. Knowledge about the natural world came not from tradition, not from authority, but from empirical research no longer carried out by gentleman amateurs in potting sheds, but by white-coated specialists in academies or universities, with laboratories fitted with expensive equipment paid for by grants» (p. 342). Depuis le milieu du XIXe siècle, la connaissance du monde s’acquerrait en vêtement blanc.

 

Référence

Lynch, Jack, You Could Look It Up. The Reference Shelf from Ancient Babylon to Wikipedia, New York et Londres, Bloomsbury, 2016, 453 p. Ill.