Le magazine Têtu recommande de visiter le Canada, «Le pays friendly». L’Oreille tendue peut-elle proposer un ajout à ce slogan ? «Le pays friendly et fully bilingual.»
Chroniques du bilinguisme hexagonal 001
Les voyages ont des effets souvent imprévus. L’Oreille tendue, qui se croyait bilingue, débarquant à Paris, est prise de doutes. Devant cette publicité, par exemple.
«Flunch» ? «Flunch in the USA» ? Non, elle doit le confesser : l’Oreille tendue, qui vient de découvrir l’existence de la chaîne de restauration rapide Flunch, n’est pas bilingue.
Demande de traduction
Vue dans le métro de Montréal il y a quelques semaines une nouvelle publicité, trilingue (français, anglais, espagnol), pour ce qui semble être un nouveau magazine, Vertice (la page «en construction» de son site annonce un lancement en juin… 2010).
Thème de la publicité : l’«intégration piquante».
Les bras de l’Oreille lui en tombent. De quoi peut-il bien s’agir ?
Faire la passe
«“C’est la meilleure passe que j’ai faite.” — David Desharnais. #58 Canadiens de Montréal» : voilà la publicité que faisait paraître Boucherville Nissan dans la Presse du 15 mars (cahier Sports, p. 1).
Triple niveau de lecture pour cette annonce.
David Desharnais, le joueur de centre des Canadiens de Montréal — c’est du hockey —, est reconnu pour la qualité de ses passes (sur la glace). Il peut néanmoins en faire de «meilleures» que d’autres.
Faire la passe, au Québec, signifie aussi qu’on vient d’obtenir quelque chose à son propre avantage. Cet avantage est le plus souvent financier. Acheter sa voiture chez Boucherville Nissan, ce serait donc faire une (très) bonne affaire.
Une dernière chose, peut-être moins visible. Les amateurs de sport le savent : avant de jouer sur une base régulière pour les Canadiens cette année, le numéro 58 a longtemps galéré dans le monde du hockey mineur. Sur ce plan-là, promu à Montréal, il vient aussi de faire la passe.
C’est, foi d’Oreille tendue, joliment tourné.
[Complément du 10 mars 2022]
Grâce au magnifique site Wikia La BD de journal au Québec, l’Oreille découvre cette publicité illustrée parue dans la Presse du 18 novembre 1972. Ce n’est pas d’hier qu’on fait la passe au Québec.
[Complément du 1er août 2022]
On peut souhaiter éviter toute ambiguïté : «C’était pas à ça qu’elle se destinait, elle, l’hôtellerie, et elle avait jugé préférable de faire une passe d’argent pour mieux assir sa pratique de sage-femme» (la Bête creuse, p. 87). Il est clair, ici, que l’avantage est pécuniaire.
Référence
Bernard, Christophe, la Bête creuse. Roman, Montréal, Le Quartanier, coll. «Polygraphe», 14, 2017, 716 p.
Le simple et le compliqué
L’Oreille tendue a eu l’occasion de le dire : certains publicitaires aiment faire inutilement compliqué.
Nouveau cas, dans la Presse du 16 février, cahier Affaires, p. 10.
On l’aura compris : tout est dans le g qui manque à Négocier. Pour comprendre (?) cette absence, il faut aller jusqu’à la dernière ligne du texte au bas de la photo : «C’est là toute la force du G.»
Cette publicité vise un public strictement local et averti, celui qui se doute que le comptable général accrédité (CGA) n’est pas un comptable agréé (CA) : il a un G en plus; il ne doit donc pas faire le même travail. Voilà ce qu’il fallait mettre en lumière.
On pourrait imaginer démonstration plus simple.
P.-S. — Même journal, même cahier, même page, le 23 février : Diriger perd son g.