Autopromotion 545

Benoît Melançon, «Parlons local», la Presse+, 7 janvier 2021, illustration

Récemment, l’Oreille s’est tendue devant des publicités télévisuelles québécoises. Elle n’a pas aimé ce qu’elle a entendu. C’est dans la Presse+ du jour.

P.-S.—Vous trouvez que cela ressemble à une montée de lait ? Vous n’avez pas complètement tort.

 

[Complément du 8 janvier 2021]

On peut entendre l’Oreille discuter de ce texte (et d’autres questions concernant la langue au Québec) à l’émission de radio Que la Mauricie se lève. C’est ici.

 

[Complément du 14 janvier 2021]

Rebelote aujourd’hui, mais à l’émission Plus on est de fous, plus on lit !, de la radio de Radio-Canada. C’est .

Plaisir solitaire

Maurice Richard et Stan Fischler, Les Canadiens sont là !, 1971, couverture

En 1971, chez Prentice-Hall of Canada, dans une traduction de Louis Rémillard, paraît le livre Les Canadiens sont là ! La plus grande dynastie du hockey. En couverture, deux noms pour un seul auteur, «par Maurice “Rocket” Richard et Stan Fischler» : Maurice Richard est un joueur de hockey; Stan Fischler, un très prolifique journaliste sportif. (Il est arrivé, à l’occasion, à l’Oreille tendue de parler de Richard.)

Dans sa livraison de juillet 1971, le Magazine Maclean publie une publicité pour l’ouvrage (p. 39).

Le Magazine Maclean, juillet 1971, publicité pour Les Canadiens sont là !

Comment l’éditeur entend-il appâter le chaland ?

En proposant une «version authentique» de la «belle carrière» de Richard, parfois ramené à son seul prénom, «Maurice».

En promettant un texte enlevant : «Captivant, le récit bondit au rythme du hockey lui-même; rapide, imprévisible, tout comme l’équipe; tout comme le plus grand de ses joueurs»; «Plus de 20 grandes illustrations et 300 pages pleines de mouvement vous placeront au beau milieu de la patinoire.»

En offrant la possibilité à l’acheteur de retourner le livre pour quelque raison que ce soit : «J’examinerai ce livre chez moi pendant dix jours. Si je décide de ne pas le conserver, je pourrai vous renvoyer le livre, et mon argent [6,95 $] me sera intégralement remboursé.» Il n’y a rien à craindre : «COMMANDEZ VITE ! OFFRE SÛRE !»; «sans aucun risque !»; «votre commande est entièrement garantie !»; «Examinez ce livre pendant 10 jours sans risque !»; «GARANTIE DE REMBOURSEMENT !»

Surtout, en suggérant un plaisir solitaire : «“Les Canadiens sont là” est un livre passionnant, que vous tiendrez à lire vous-même.» Personne ne le lira à votre place ! C’est toujours bon à savoir.

 

Référence

Richard, Maurice et Stan Fischler, Les Canadiens sont là ! La plus grande dynastie du hockey, Scarborough, Prentice-Hall of Canada, 1971, vii/296 p. Ill. Traduction de Louis Rémillard.

Un dimanche après-midi devant le poste

Pub de Tremfya : «Chérie, est-ce qu’on a des assiettes à quelque part ?» «À quelque part» ? Non, jamais : «quelque part» suffit.

Pub de Sonnet : «Vous avez de l’eau dans la cave.» On est toujours le feu de plancher de quelqu’un.

Les Steelers de Pittsburgh — c’est du football américain — jouent mal ? «La chaîne a débarqué.» (Malheureusement, leur chaîne a rembarqué.)

La société Audible annonce un livre audio. Ce n’est pas étonnant. Karine Vanasse, qui fait la publicité, ne prononce pas Audible à l’anglais, mais à la française. Ça, c’est étonnant.

Pub du gouvernement du Québec : «Mais comment le Père Noël facteur va faire pour m’amener mes cadeaux ?» Apporter mes cadeaux, non ?

Pub de Loto-Québec, donc du gouvernement du Québec : «Les câbles, c’est moi qui les a.» Non : «les ai».

Pub de poulet : «Bon, ben, coudonc. On soupe.»

Quand la réalité rejoint la fiction

En 2001, avec Pierre Popovic, l’Oreille tendue publiait le Village québécois d’aujourd’hui. Y apparaissait une bière fictive, La Môsus.

Trois ans plus tard sortait une «deuxième édition, revue, corrigée et full upgradée» de l’ouvrage, sous le titre Dictionnaire québécois instantané. La Môsus était alors remplacée par La Torrieuse.

Que commercialise dorénavant la Brasserie Maltco ?

Bière La Torrieuse, Brasserie Maltco, 2020

Ça ne s’invente pas.

 

Références

Melançon, Benoît et Pierre Popovic, le Village québécois d’aujourd’hui. Glossaire, Montréal, Fides, 2001, 147 p.

Melançon, Benoît, en collaboration avec Pierre Popovic, Dictionnaire québécois instantané, Montréal, Fides, 2004 (deuxième édition revue, corrigée et full upgradée), 234 p. Illustrations de Philippe Beha. Édition de poche : Montréal, Fides, coll. «Biblio-Fides», 2019, 234 p.

Benoît Melançon, en collaboration avec Pierre Popovic, Dictionnaire québécois instantané, éd. de 2019, couverture

Évolution sémantique souhaitée

Au Québec, on l’a déjà vu, le frais chié (avec ou sans trait d’union) n’a pas bonne presse.

Ajoutons trois exemples.

Le premier chez Victor-Lévy Beaulieu, dans Monsieur de Voltaire (1994) : «Plus frais-chié que jamais, Voltaire lui répond […]» (p. 82).

Le deuxième chez Emmanuel Schwartz, dans le recueil collectif Et si on s’éteignait demain ? (2019) : «À ma mère je laisse / Mon sourire fendant du fils le plus frais-chié de la rue» (p. 39).

Le troisième chez Pierre Corbeil, dans Canadian French for Better Travel : le «frais-chié» (p. 61), comme le «frachié» (p. 150), serait «orgueilleux» ou «prétentieux».

La Brasserie Maltco espère sans aucun doute que les choses vont changer.

Bière La fraîchier, Brasserie Maltco, 2020

P.-S.—On notera que tous les produits alimentaires ne peuvent pas s’appeler «Fraîchier».

P.-P.-S.—Ainsi que le font remarquer Léandre Bergeron (1980, p. 234), Ephrem Desjardins (2002, p. 84) et Pierre DesRuisseaux (2015, p. 158), on peut dire, plus économiquement, frais, comme dans faire son frais. Le sens est le même.

 

[Complément du 10 décembre 2020]

Les férus de grammaire auront noté que frais est ici employé adverbialement. Il ne s’accorde donc pas. Voilà pourquoi Alexie Morin, dans Ouvrir son cœur, doit écrire «une petite frais chiée de Valcourt» (éd. de 2020, p. 37).

 

Références

Beaulieu, Victor-Lévy, Monsieur de Voltaire. Romancerie, Montréal, Stanké, 1994, 255 p. Ill. Rééd. : Montréal, Boréal, coll. «Boréal compact», 220, 2010, 240 p.

Bergeron, Léandre, Dictionnaire de la langue québécoise, Montréal, VLB éditeur, 1980, 574 p.

Corbeil, Pierre, Canadian French for Better Travel, Montréal, Ulysse, 2011 (troisième édition), 186 p. Ill.

Desjardins, Ephrem, Petit lexique de mots québécois à l’usage des Français (et autres francophones d’Europe) en vacances au Québec, Montréal, Éditions Vox Populi internationales, 2002, 155 p.

DesRuisseaux, Pierre, Trésor des expressions populaires. Petit dictionnaire de la langue imagée dans la littérature et les écrits québécois, Montréal, Fides, coll. «Biblio • Fides», 2015 (nouvelle édition revue et augmentée), 380 p.

Et si on s’éteignait demain ? Collectif dirigé par Marie-Élaine Guay, Montréal, Del Busso éditeur, 2019, 109 p. Ill.

Morin, Alexie, Ouvrir son cœur. Roman, Montréal, Le Quartanier, coll. «Écho», 29, 2020, 343 p. Édition originale : 2018.