Les zeugmes du dimanche matin et de Joseph-Charles Taché

Joseph-Charles Taché, Forestiers et voyageurs, éd. de 2014, couverture

«Au plus fort de la tempête et de ma douleur, je fis un vœu […]» (p. 136).

«Un voyageur ne peut pas porter son sac et le chagrin tout à la fois» (p. 138).

Joseph-Charles Taché, Forestiers et voyageurs. Mœurs et légendes canadiennes, Montréal, Boréal, coll. «Boréal compact classique», 137, 2014, 267 p. Texte conforme à l’édition de 1884, avec une postface, une chronologie et une bibliographie de Michel Biron. Édition originale : 2002.

 

P.-S.—Vous croyez reconnaître le Kramer de la série télévisée Seinfeld sur la couverture ci-dessus ? Le fils cadet de l’Oreille tendue est d’accord avec vous.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

L’oreille tendue de… André Belleau

Portrait d’André Belleau, 1963

«Dans la cellule adjacente, plus un bruit. Ils tendent l’oreille, tâchent de capter des bribes. La sonnerie les a fait sursauter. Enfin la caution qui s’annonce… Puis le déclic de l’appareil raccroché. Et le silence à nouveau.»

André Belleau, «Trois nouvelles», Écrits du Canada français, 16, 1963, p. 190-217, p. 211. [«Sous le pont de l’Est» (p. 191-202), «Ce jour-là à Deception Bay» (p. 203-210), «Liguori» (p. 211-217)]

Illustration : portrait d’André Belleau, le Devoir, 26 octobre 1963, p. 17.

P.-S.—André Belleau ? Par ici.

Accouplements 186

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

André Belleau, «Discours de Marcel Duchamp ivre sur la condition des filles du boulevard Saint-Laurent», Liberté, 76-77 (13, 4-5), décembre 1971, p. 5-10; repris dans Montréal en prose. 1892-1992. Anthologie présentée par Nathalie Fredette, Montréal, l’Hexagone, coll. «Anthologies», 5, 1992, p. 288-294. https://id.erudit.org/iderudit/30676ac

À l’instar de ces bègues qui cessent de l’être tout à fait lorsqu’ils se mettent à chanter, Marcel ne bredouillait ni ne bafouillait comme à l’accoutumée. Il continua d’une voix claire et nette :
«Aussi bien ai-je envie de redire ici même et pour tous vos beaux noms scintillants que publie Montréal-Matin :
Presseuses
Assembleuses
Coupeuses de fils.
Filles expérimentées dans les uniformes de coton.
Contremaîtresses dans les robes, jupes et pantalons.
Opératrices de machine régulière, simple, à bords, à section, à boutons, à boutonnières, goose neck, Overlock, Singer à une seule aiguille, Union Spécial à deux ou trois aiguilles, à points cachés et même invisibles (p. 9).

Gilles Desjardins, Twitter, 25 avril 2022 : «1943. Montréal. Belle pub féministe : “Ces ’couturières’ qui ’cousent’ des chars d’assaut avec leurs lampes à souder, trouvent dans l’ASPIRIN un soulagement presque immédiat.”»

Publicité, Montréal, 1943

P.-S.—Sans oublier Couturière (2012), de Martine Sonnet.

Nelly Kaprièlian dit des niaiseries

Le masque et la plume, émission de radio, logo

Depuis plusieurs années, l’Oreille tendue écoute religieusement l’émission dominicale le Masque et la plume. On y parle, en alternance, de littérature, de cinéma ou de théâtre. Quatre critiques y sont réunis autour de Jérôme Garcin.

Ce n’est pas par intérêt esthétique que l’Oreille suit l’émission. Des phrases comme «J’ai a-do-ré» ou «C’est bien écrit» ne servent pas à grand-chose en critique littéraire. En revanche, les échanges entre les collaborateurs, chacun campé dans son rôle, ont une réelle valeur anthropologique : coups de gueules, vannes, cacophonie — voilà qui amuse et étonne, vu du Québec.

Dans la livraison du 24 avril, il était question du plus récent roman de Joël Dicker, l’Affaire Alaska Sanders (2022). Nelly Kaprièlian, des Inrockuptibles, comme les autres participants, n’a pas apprécié l’œuvre, et particulièrement ce qu’elle appelle son «style». Elle en profite pour dire deux niaiseries.

Première niaiserie : «Je croyais que c’était traduit de l’américain par un traducteur québécois.» Ne suit évidemment aucune démonstration : du fiel hexagonal à l’état pur.

Deuxième niaiserie : «J’adore le Québec et les Québécois. Commencez pas à me regarder comme ça.» Traduisons : j’ai préparé une petite phrase fielleuse; je sais qu’elle est fielleuse; je ne peux pas résister à la tentation de la dire; je la dis, tout en faisant semblant d’en atténuer la portée (j’aime les Québécois, même s’ils sont nuls [en traduction]).

En si peu de mots, tant de bêtise(s) : il faut admirer.

 

[Complément du 11 mai 2022]

«Chacun campé dans son rôle» ? Allons-y voir.

 

Cinéma

Michel Ciment : «C’est un film bulgare de l’année dernière, mais John Ford a déjà fait bien mieux, quoi qu’en pense la presse parisienne unanime.»

Pierre Murat : «C’est un film sympatoche, mais inférieur aux grands films russes. Je ne vous raconterai pas la fin.»

Xavier Leherpeur : «Vous n’avez rien dit encore de la grammaire du film.»

Éric Neuhoff : «Manifestement, la réalisatrice est mal baisée.»

Sophie Avon : «Le film est imparfait, certes, mais il est beau.»

Jean-Marc Lalanne : «On peut lire le film, jusque dans son rapport aux corps et aux fantasmes, comme une métaphore de la déliquescence dans les Balkans aujourd’hui.»

Camille Nevers : «Ce n’est pas mon film préféré de ce réalisateur.»

Éva Bettan : «Je n’aime pas utiliser ce mot-là, mais je vais l’utiliser quand même.»

 

Littérature

Arnaud Viviant : «En apparence, c’est un roman sur la culture de la betterave, mais c’est un grand livre politique. J’ai a-do-ré.»

Olivia de Lamberterie : «Je n’aime pas les betteraves, mais mon mari, si. J’ai a-do-ré.»

Nelly Kaprièlian : «Ce n’est pas traduit par un traducteur québécois. J’ai a-do-ré.»

Jean-Claude Raspiengas : «Vous pouvez bien rigoler, tous autant que vous êtes, mais le travail du style est magnifique. J’ai a-do-ré.»

Frédéric Beigbeder : «La romancière est jolie. J’ai a-do-ré.»

Éric Neuhoff : «Ouais, elle est pas mal. J’ai a-do-ré.»

Michel Crépu : «De quel livre parle-t-on ? Quoi qu’il en soit, j’ai a-do-ré.»

Jean-Louis Ézine : «Je n’ai pas tout lu, mais ça m’a fait penser à une phrase d’Henri Calet. J’ai a-do-ré.»

Patricia Martin : «J’ai a-do-ré.»

 

Théâtre

Jacques Nerson : «Ça ne va pas du tout. Gérard Philippe, c’était bien bien mieux.»

Vincent Josse : «Je suis trop jeune pour avoir vu ce spectacle.»

Fabienne Pascaud : «Mais voyons, Jacques !»

Armelle Héliot : «Elle est géniale, cette petite comédienne. Ils sont tous bons, les acteurs.»

 

L’animateur

Jérôme Garcin : «Moi, je ne suis pas critique.»

Guy Lafleur publiciste

Les sportifs modernes sont des véhicules publicitaires prisés. Guy Lafleur, qui vient de mourir, ne faisait pas exception.

À qui a-t-il prêté son nom et son image ? Quelques exemples, parmi bien d’autres.

À des entreprises philanthropiques :

Publicité de Guy Lafleur pour le Centre hospitalier de l’Université de Montréal

 

Guy Lafleur dans une publicité épistolaire de la Fondation des maladies mentales du Québec

 

Publicité de Guy Lafleur pour les scouts et guides du Québec
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Publicité de Guy Lafleur pour la lutte contre le cancer (Merck)

À des vendeurs de produits alimentaires ou alcoolisés :

Publicité de Guy Lafleur pour les produits Weston
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Publicité de Guy Lafleur pour les saucisses Lafleur
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Publicité de Guy Lafleur pour Yoplait

 

Publicité de Guy Lafleur pour la boisson énergisante Flower Power
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Publicité de Guy Lafleur pour la bière Molson
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Publicité de Guy Lafleur pour Molson
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Société des alcools du Québec, gin Guy Lafleur 10, 2020

Publicité de Guy Lafleur pour son propre vin
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À des sociétés (péri)(pseudo)médicales :

Publicité de Guy Lafleur pour Hairfax
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Publicité de Guy Lafleur pour Revitive
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À des équipementiers sportifs :

Publicité de Guy Lafleur pour les chaussures Bauer

Publicité de Bauer pour les produits de hockey BauerPublicité de Raymond Bourque et Guy Lafleur pour les bâtons de hockey Sher-Wood

 

À un fabricant de voitures :

Publicité de Guy Lafleur pour la Chevrolet Monte Carlo
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À un propriétaire de casino :

Publicité de Guy Lafleur pour un casino
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À une chaine de magasins :

Publicité de Guy Lafleur pour la chaîne de magasins Zellers
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À un salon de technologie :

Publicité de Guy Lafleur pour un salon de technologie

 

 

P.-S.—Si jamais vous aviez sous la main la publicité de Viagra par Lafleur, l’Oreille tendue serait évidemment preneuse. Discrétion assurée.

P.-P.-S.—Sur ce sujet, voyez les articles d’Olivier Bourque, «Idole des Québécois, icône des annonceurs», et de Frédéric Guindon, «27 des meilleures publicités mettant en vedette des hockeyeurs québécois».