Les zeugmes du dimanche matin et de Monique Proulx

Monique Proulx, les Aurores montréales, éd. de 2016, couverture

«Il est seul, bon, il s’en doute depuis longtemps, et peut-être un jour finira-t-il par s’y faire. Il est seul, échappant aux statistiques idiotes et aux clichés, il n’est pas cet ado fluo en panne de cause et d’orthographe que les sociologues ont érigé en norme et que les journaux n’arrêtent pas de fustiger. Sont morons» (p. 159-160).

«Chez lui, presque tout de suite après, il la débarrasse de son sac, de ses hésitations, de ses vêtements, et voilà que la magie recommence […]» (p. 174).

«Il prit alors la parole et ne la lâcha pas de tout le repas, tant qu’il n’eut pas exprimé du sujet et des plats leurs sucs substantiels, car une rare dextérité lui permettait d’agiter alternativement la luette et la langue sans que rien n’en souffre, ni déglutition ni discours. Sylvain, lui, toucha à peine à ses aliments, incapable de s’abandonner à l’appétit et au foudroiement en même temps» (p. 183).

Monique Proulx, les Aurores montréales. Nouvelles, Montréal, Boréal, coll. «Boréal compact», 85, 2016, 238 p. Édition originale : 1996.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

Canidé mort

Siam, caniche royal, 2017

Quand, au Québec, dans la langue populaire, on veut marquer l’échec d’un projet, la fin d’un espoir ou l’absence de confiance en quelqu’un, on peut dire «Son chien est mort».

Ainsi, dans Usito, le dictionnaire numérique, à chien, on trouve ceci :

Son chien est mort : il ou elle n’a (plus) aucune chance. «Il voudrait sortir avec toi, ça crève les yeux. — Eh bien ! ma chère, son chien est mort depuis toujours» (Gr. Gélinas, 1950).

Il arrive aussi que des chiens meurent pour vrai. RIP Siam (2009-2022).

P.-S.—Non, les animaux ne décèdent pas.

Interrogation toponymique du jour

Publicité pour l’emploi en région, métro de Montréal, avril 2022

Ayant quitté le Togo pour vivre à Granby, comment Taka prononcera-t-il/elle le nom de sa ville d’adoption, cette «“capitale du bonheur” autoproclamée» (le Basketball et ses fondamentaux, p. 229) ?

Ainsi que le faisait remarquer, à juste titre, @OursMathieu, on entend parfois quelque chose comme «Grammebé».

La troupe de théâtre Le théâtre du futur propose, dans son plus récent spectacle, «Graine B». (Graine comme dans graine ?)

Le Wiktionnaire offre cinq variations phonétiques pour le même mot.

Tant de questions, si peu d’heures.

P.-S.— Les auditeurs de la radio de Radio-Canada se souviendront que Serge Bouchard avait toujours grand plaisir à mâcher ce mot en ondes.

 

Référence

Messier, William S., le Basketball et ses fondamentaux. Nouvelles, Montréal, Le Quartanier, coll. «Polygraphe», 2017, 239 p.

La loi poche du plus fort la poche

Simon Boudreault, Je suis un produit, 2021, couverture

Soit la phrase suivante, tirée de la Presse+ d’hier, au sujet de l’homme politique Éric Duhaime :

Ce qui m’inquiète du personnage en politique, c’est que c’est un dogmatique. C’est quelqu’un qui estime que le plus fort doit gagner, note Myriam Ségal. On est dans une société où il y a beaucoup de solidarité. Je ne suis pas tout à fait sûre qu’au plus fort la poche, ce soit la bonne politique.

Au plus fort la poche, donc : cela manquait à la collection (de poches) de l’Oreille tendue.

Usito, le dictionnaire numérique, offre la définition suivante de l’expression : «le plus fort l’emporte sur le plus faible».

D’autres exemples ?

Toujours dans la Presse+, mais en titre, le 29 mai 2021 : «Au plus fort la poche ? Pas toujours !»

Au théâtre, dans Je suis un produit (2021), de Simon Boudreault :

Y a toujours eu du monde tassé. À partir du moment où y a quelqu’un qui a quelque chose, y a quelqu’un qui l’a pas. Appelle ça de l’équilibre ou ben de l’injustice ou ben le revers la médaille ou ben la loi poche du plus fort la poche (p. 87).

À votre service.

 

Référence

Boudreault, Simon, Je suis un produit, Montréal, Dramaturges éditeurs, 2021, 157 p.