La clinique des phrases (uu)

La clinique des phrases, logo, 2020, Charles Malo Melançon

(À l’occasion, tout à fait bénévolement, l’Oreille tendue essaie de soigner des phrases malades. C’est cela, la «Clinique des phrases».)

Soit le tweet suivant :

La biologiste, Alice Lebreton, ouvre la porte de son laboratoire. Selon elle, «une grande partie de la société a une vision utilitariste de la science. Alors que le versant de la science, qui est de comprendre, n’est pas forcément directement d’innover.»

Commençons par la première phrase. On peut croire qu’il reste plus d’un biologiste sur la planète. Donc :

La biologiste Alice Lebreton ouvre la porte de son laboratoire. Selon elle, «une grande partie de la société a une vision utilitariste de la science. Alors que le versant de la science, qui est de comprendre, n’est pas forcément directement d’innover.»

La troisième phrase pose un problème qui n’est pas, lui, de ponctuation (encore que). La biologiste a-t-elle bien dit ce qu’on rapporte entre guillemets ? Si oui, souffrons en silence. Sinon, essayons, dans une «vision utilitariste», de clarifier un peu les choses :

La biologiste Alice Lebreton ouvre la porte de son laboratoire. Selon elle, «une grande partie de la société a une vision utilitariste de la science. La science doit comprendre, ce qui ne veut pas forcément dire innover.»

À votre service.

Accouplements 149

Gousses d’ail

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Les pouvoirs salvateurs de l’ail à travers les âges.

Hardy, Siméon-Prosper, Mes loisirs, ou Journal d’événemens tels qu’ils parviennent à ma connoissance (1753-1789). Volume VII (1781-1782), Paris, Hermann, «Collections de la République des lettres», 2019, 705 p. Sous la direction de Pascal Bastien, Sabine Juratic, Nicolas Lyon-Caen et Daniel Roche. Présentation de Hans-Jürgen Lüsebrink. (Merci à Martine Sonnet.)

«Du vendredi cinq juillet : Espèce d’épidémie répandue à Paris après avoir circulé dans l’Europe.

Ce jour une maladie qu’on prétendoit avoir circulé dans presque toute l’Europe, que les uns appelloient la Coquette du Nord, comme ayant commencé par la Russie, d’autres la Générale, et d’autres encore, la Royale ou la Lévite; consistant en rhume, mal de gorge et fiebvre, mais qui par bonheur n’étant pas intraitable, moissonnoit peu d’individus, se faisoit sentir dans notre capitale, au point qu’il n’existoit pas, pour ainsi dire, de maison où l’on n’entendît quelqu’un se plaindre d’en être tourmenté. Bien des gens avoient l’esprit frappé qu’une sorte de contagion se répandoit dans l’air et portoient en conséquence par précaution des gousses d’ail dans leurs poches.»

Arsenault, Mathieu, la Morte, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 141, 2020, 131 p.

«Son imaginaire corporel était baroque, enthousiaste, désinhibé. Son tramp stamp, sa vaginite, les gousses d’ail qu’elle se mettait dans le vagin pour se soigner» (p. 18).

 

[Complément du 1er avril 2020]

En bas du pont

Fanny Britt et Alexia Bürger, Lysis, 2020, couverture

On le sait : pour prendre langue, il suffit parfois de se tirer une bûche.

Dans un registre plus sombre, on peut se tirer en bas du pont.

«il vient de me dire que / quand je vais être grosse pis laitte je vas me tirer / en bas du pont !» (le Guide des bars et pubs de Saguenay, p. 11)

«Ils allaient pas arrêter d’en vendre parce / que ça mène des femmes à se tirer en bas / des ponts» (Lysis, p. 33).

Qui se jette en bas du pont cherche donc la mort volontaire.

P.-S.—Se tirer (une balle) a le même sens.

P.-P.-S.—Il est aussi possible de se crisser en bas du pont.

P.-P.-P.-S.—L’Oreille tendue a présenté le Guide des bars et pubs de Saguenay le 16 mai 2016.

 

Références

Arsenault, Mathieu, le Guide des bars et pubs de Saguenay. Essai • Poèmes, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 97, 2016, 51 p.

Britt, Fanny et Alexia Bürger, Lysis, Montréal, Atelier 10, coll. «Pièces», 22, 2020, 141 p.

Les deux côtés de la rondelle

La rondelle des Rolling Stones (Montréal, 2013)

La rondelle — l’Oreille tendue n’apprendra rien à personne — est essentielle au hockey. (Il en était longuement question ici.)

La rondelle — bis — est ronde.

On pourra dès lors s’étonner de lire ceci, sur le site de Radio-Canada : Nick Suzuki «a été fiable des deux côtés de la rondelle, affirme Carey Price». Ronde, la rondelle n’a habituellement pas de côté(s). Que peut bien vouloir dire le gardien des Canadiens de Montréal ? (La rondelle a bien deux faces, mais cela ne nous avance guère dans l’interprétation de la nouvelle radio-canadienne.)

Laissons un coéquipier de Suzuki, Phillip Danault, traduire : le jeune joueur de centre des Canadiens est solide «dans les deux sens de la patinoire», à l’offensive comme à la défensive.

Voilà un joueur complet.

P.-S.—Oui, c’est de la langue de puck.

 

Référence

Melançon, Benoît, Langue de puck. Abécédaire du hockey, Montréal, Del Busso éditeur, 2014, 128 p. Préface de Jean Dion. Illustrations de Julien Del Busso.

Langue de puck. Abécédaire du hockey (Del Busso éditeur, 2014), couverture