On aime beaucoup dire, au Québec, que le hockey y serait une religion.
Le premier à sérieusement réfléchir à cette association a été Olivier Bauer, d’abord en dirigeant, avec Jean-Marc Barreau, un ouvrage collectif, la Religion du Canadien de Montréal (2009), puis en publiant Une théologie du Canadien de Montréal (2011). Dans l’ouvrage de 2011, il concluait ceci :
la religion du Canadien m’apparaît comme une fausse religion qui vénère un mauvais dieu ou, s’il n’y a qu’un Dieu — ce que je crois —, qui l’adore d’une mauvaise façon. Ce qui, je ne me lasserai jamais de le répéter, ne prive pas le Canadien de tout caractère religieux. Car même une fausse religion est encore une religion (p. 126).
On aime aussi dire que cette religion hockeyistique serait propre au Québec. (S’agissant du hockey, l’Oreille tendue a pondu quelques lignes sur d’autres supposées caractéristiques propres à cette province; c’est ici.)
Comme toujours, les choses sont plus compliquées qu’elles ne le paraissent.
Ouvrons Twenty Miles (2007) de Cara Hedley :
I’ve always known about hockey being the Religion of Canadians. But what about the other side : the hockey atheists, the disbelievers, the half-believers ? I played, so I’d never thought to look in that direction. The ones sitting on the fence. Jacob made it sound like I was headed to Hell (p. 116).
S’il existe une religion du hockey, cela suppose la présence d’athées («atheists»), de mécréants («disbelievers»), de demi-croyants («half-believers»), d’indécis («The ones sitting on the fence») et de l’enfer («Hell»). On notera surtout que cette religion serait celle des Canadiens («the Religion of Canadians»), pas seulement celle des Québécois.
L’Oreille est désolée de s’en prendre une fois de plus à un mythe national.
«Ce qui a changé, c’est Cocotte elle-même, marquée par trois décennies d’un mariage malheureux, qui lui a laissé beaucoup de désillusions et deux enfants, dont Tony, le pilote, le casse-cou, le fils prodigue pour lequel elle tremble de crainte et de fierté»
(Accouplements : une rubrique où l’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)
DeLillo, Don et Sue Buck, Amazons. An Intimate Memoir by the First Woman Ever to Play in the National Hockey League, New York, Holt, Rinehart and Winston, 1980, 390 p. Sous le pseudonyme de Cleo Birdwell. https://archive.org/details/amazonsintimatem00deli/page/n5/mode/2up
«Our driver kept racing down side streets from one traffic jam to another» (p. 227).
Melançon, Benoît, Bangkok. Notes de voyage, Montréal, Del Busso éditeur, coll. «Passeport», 2009, 62 p. Quinze photographies en noir et blanc. https://doi.org/1866/32401
«Les rues de Bangkok sont bondées. Les feux sont interminables. Heureusement qu’il y a les autoroutes. Elles permettent de filer d’un bouchon à l’autre» (p. 16).
(Le hockey est partout dans la culture québécoise et canadienne. Les chansons sur ce sport ne manquent pas, plusieurs faisant usage de la langue de puck. Petite anthologie en cours. Liste d’écoute disponible sur Spotify. Suggestions bienvenues.)
[Bruits de patin, de rondelle et de bâton sur la glace et sur la bande. Musique d’orgue]
Icitte au Québec y fait pas froid y fait frette
C’est d’même parce que c’est d’même
Pis c’est ben correct on d’la place en masse
Pis nos face-à-face on les fait sur la glace
Alors on lace nos patins pis nos casques
C’est comme Maurice on glisse
Dans l’arène avec la haine
De la défaite et le feu dans les yeux
En fait quand on veut on peut
Gagner
Gagner
Gagner
Gagner
En des temps si lointains qu’les francos s’app’laient Canadiens
À une époque où les pucks étaient faites de crottin
On a réuni des hommes dont le destin commun
Est comme un film sans fin
En technicolor et tricolore
Bleu comme le Saint-Laurent
Blanc comme l’hiver
Rouge comme le sang qui nous coule à travers
Le corps de l’équipe c’est le cœur de la nation
À chaque année faut clore avec une célébration
Y l’diront jamais tel quel aux nouvelles
Mais le tissu social de Montréal
C’est de la sainte flanelle
Quand y est question de hockey
Nous on fait pas dans la dentelle
Ok c’est plus qu’un sport
C’t’une métaphore de not’sort
C’est ça qui nous ressemble
C’est ça qui nous rassemble
Anglo franco peu importe ta couleur de peau
Si tu détestes Toronto le sang qui bouge dans tes artères
Est aussi rouge mon frère que les chandails de nos vingt cœurs
De vainqueurs qui luttent avec honneur
Les Canadiens pour une fois rallient tous les Québécois
Vingt cœurs de vainqueurs pour le pire et le meilleur
Les Canadiens d’Montréal
Notre équipe nationale
Un plan de match qu’on respecte à la lettre
Un gardien alerte
Des bonnes mises en échec
Des passes drette sur la palette
Pis des lancers précis et secs
C’est comme ça
Qu’on va gagner nos épaulettes
Mais quand ça va mal
Quand on cale ou on dévire
Qu’j’voye pas un sale quitter le pont du navire
C’pas à matin non qu’on accroche nos patins
Un Flying Frenchman
Franchement ça franchit sans flancher
Allez-y les Habitants quand vous la mettez d’dans
Y a un p’tit peu de nous autres là-d’dans
On est debout avec vous on ira jusqu’au bout
Durant la saison c’est toute la nation
Qui vibre au même diapason
Comme quand les gens criaient «Guy Guy Guy»
C’tait en dépit du combat constant de la vie
Ça leur donnait des forces
Y pouvaient bomber l’torse
Voilà l’amorce d’un ralliement réussi
On peut gagner
On veut plus que participer nous on veut gagner
À soir on fonce sur la patinoire pour gagner
Si on s’défonce pour la victoire on va gagner
On va gagner
[Bruits de foule]
Enfin on fait les séries
Finies les folies
Là c’est baston et rififi
Boston Philadelphie
Avec les fantômes du Forum
On n’a pas peur de personne
Chaque homme donne le maximum
Pour que cette année soit la bonne
Au printemps la fièvre est universelle
Pis y a juste une place où la glace y faut pas qu’à dégèle
Ici le sang c’est de la sève qui monte jusqu’à nos lèvres
Le cri se change en un chant de ralliement qui s’élève
Nos chevaliers sont en cavale pour ramener le Graal
À Montréal le tournoi est un chemin de croix
Parsemé d’émois mais la coupe on y croit
Comme autrefois on a la foi
Pis si c’est pas c’t’année
Ben comme dirait René «À la prochaine fois»
Québécois
On va gagner on veut plus que participer
Nous on veut gagner
À soir on fonce sur la patinoire
Pour gagner
Si on s’défonce pour la victoire on va gagner
On va gagner
Allez allez allez allez Montréal
Allez allez Montréal
Du sang neuf depuis 1909
Avec Jack Laviolette
Lach, Pitre et Pit Lépine
En passant par Newsy Lalonde et Joe Malone
Aurèle et Morenz, Hainsworth, Plante, Gump et le Concombre
Pocket Boum Rocket Boum, Cournoyer, Coco, Carbo, Casseau, Naslund
Oublie pas les anglos yo
Toe, Dickie, Doug et Scotty
Shutt, Larry, Ken et Bobby
L’arrêt de Roy, rebond
Butch Bouchard à Savard vers Béliveau
Qui esquive un joueur
Passe à Lafleur, Lafleur accélère, remet au Rocket Richard
Deux hommes sur le dos rien de trop gros
[Commentateur]
C’est le but !
On a gagné
On a gagné
Allez Montréal
On veut gagner
On peut gagner
On va gagner
Ho Habs go
Allez allez allez allez Montréal
Allez allez allez allez Montréal
Allez allez allez allez Montréal
On veut gagner
On peut gagner
On va gagner
Allez allez allez allez Montréal
Allez allez allez allez Montréal
Allez allez allez allez Montréal
Gagner
Gagner
Gagner
P.-S.—Pour Brendan Kelly, cette chanson est «un merveilleux hymne engagé» (p. 65). Il lui consacre un chapitre de son livre Le CH et son peuple, «Le CH et Le but» (2024, p. 149-155).