Hockey, bibliographie et écriture inclusive

Marc Beaudet et Luc Boily, Tour du chapeau, 2022, couverture

Marc Beaudet et Luc Boily, après «Gangs de rues», lancent une nouvelle série de bandes dessinées sur le hockey avec deux titres : Tour du chapeau et le Grand Dégagement. (Il a déjà été question ici d’un des albums de la première série.)

Cette nouvelle série pose un intéressant problème bibliographique. En couverture des albums, on lit «Tatouées hockey !» tout en blanc, sauf pour le e, en orange. En écriture inclusive, on aurait pu, par exemple, écrire «Tatoué(e)s» ou «Tatoué.e.s». (L’écriture inclusive ? Par .)

Dans son catalogue (il faut cliquer sur «Détails»), Bibliothèque et Archives nationales du Québec a choisi «Tatouées».

Bibliothèque et Archives nationales du Québec, données de catalogage, 28 novembre 2022

L’éditeur a fait le même choix dans ses URL : https://www.ada-inc.com/?s=tatouées.

N’est-ce pas se priver d’une des dimensions du nom de la série ?

Tant de questions (bibliographiques), si peu d’heures.

P.-S.—L’Oreille tendue a opté pour «Tatoué.e.s hockey !»

 

[Complément du 6 août 2023]

Depuis la rédaction de ceci, l’éditeur a changé d’idée : https://www.ada-inc.com/livres?collections%5B%5D=19.

 

 

Références

Beaudet, Marc et Luc Boily, Tour du chapeau, Varennes, AdA, coll. «ScaraB», série «Tatoué.e.s hockey !», 2022.

Beaudet, Marc et Luc Boily, le Grand Dégagement, Varennes, AdA, coll. «ScaraB», série «Tatoué.e.s hockey !», 2022.

Lire Gilles Cyr

Gilles Cyr, Voix riches voix sèches, 2022, couverture

«le recueil annoté sans lourdeur
ne ruine pas les prunelles»

L’Oreille tendue rassemble ses notes de lecture dans une base de données.

L’Oreille tendue vient de lire avec plaisir le plus récent recueil du poète Gilles Cyr.

Qu’a-t-elle noté de Voix riches voix sèches dans FileMaker ? Ceci, brut.

Scènes croquées, de la Crète (sections I et II) à des endroits plus familiers. Autodérision (12, 15, 24, 26, 31, 32, 35, 39, 61, 64, 70, toute la section V et toute la section VI). «je m’attarde sur les ambiances» (15). Understatement : «peu sujets à passer inaperçus / les fromages sont excellents» (16). Contre le tourisme de masse : 20, 23. «un texte / s’alarmant sur des riens» (21). Voyage en Crète à deux. Insuffisance des mots à dire le monde (37). Poésie au je. Travail de la nature contre travail des hommes (40, 67). Actualité involontaire : «midi vaches partout» (43). Poésie concrète, matérielle (47-48). Une page = un poème (commençant par une majuscule, sans point final; autrement, seuls les noms propres ont des majuscules). Vacuité des entreprises humaines, durant une réunion (section III) : «Les choses ne tournent pas rond / c’est hyper déprimant» (52). «du coup» (16). Faune, flore. Narquois. Bibi = le poète (70) ? Image forte de la campagne : «un champ de pneus sépare aussi» (70). Une poésie qui ne se prend pas au sérieux, mais qui prend les matières du monde au sérieux (section IV). Les sections V et VI portent sur la poésie, sur la littérature — son écriture, sa lecture, son interprétation : «à toux performative / écriture enrouée» (83); «des périodiques ombrageux / ont expédié leurs comptes rendus» (88); «un essai bien troussé / cela se laisse découvrir» (89); «le recueil annoté sans lourdeur / ne ruine pas les prunelles» (90); «selon le vocabulaire désastreux / généralement en vigueur» (98). Poésie sur la poésie, sur le livre. Quelques allusions à la traduction (94, p. ex.).

Avec quels descripteurs ?

Québec
Poésie
Grèce
Crète
Humour
Icare (71)
Posture (95)

Voilà. Vous savez tout.

 

Référence

Cyr, Gilles, Voix riches voix sèches, Montréal, L’Hexagone, coll. «L’appel des mots», 2022, 105 p.

 

Banque de données, saisie d’écran

Divergences transatlantiques 072

«Ne le prenez pas contre vous, mais vous êtes très mal habillé», publicité de France Culture, 22 novembre 2022

Lu hier, sur Twitter, ceci, pour annoncer une émission de France Culture : «Ne le prenez pas contre vous, mais vous êtes très mal habillé.»

Pour une oreille québécoise, une autre tournure aurait été attendue : «Ne le prenez pas personnel, mais vous êtes très mal habillé.»

Autre exemple, venu du XVIIIe siècle : Quand Jean-Jacques Rousseau a lu, dans le Fils naturel, de Diderot, la phrase «Il n’y a que le méchant qui soit seul», il l’a pris personnel. Chez Wikipédia : «Rousseau prit effectivement pour lui cette critique indirecte».

À votre service.

P.-S.—En effet, ce n’est pas la première fois que nous croisons cette expression.

 

[Complément du 14 décembre 2022]

Existe aussi une variante : «Ça colle avec sa personnalité. On peut ne pas tomber d’accord avec Roger [Federer], il ne le prend pas personnellement, il ne se démonte pas plus que ça […]» (Federer, p. 542).

L’Office québécois de la langue française ne recommande, dans ce cas, ni personnel ni personnellement.

 

Référence

Clarey, Christopher, Federer. Le maître du jeu. Biographie, Montréal, Flammarion Québec, 2022, 589 p. Traduction de Suzy Borello. Édition originale : 2021.

Laissez-les mourir, bis

Le Journal de Montréal, rubrique nécrologique, logo

L’Oreille tendue ne fréquente pas beaucoup les pages du Journal de Montréal : elle n’a guère d’atomes crochus avec les chroniqueurs de la maison.

Ça ne risque pas de changer. Pourquoi ?

Le quotidien publie des notices nécrologiques (en échange de quelques centaines de dollars). Quand, dans une notice, le client, en l’occurrence l’Oreille, écrit «X est mort», le journal remplace d’office «mort» par «décédé», sans consultation — entre autres corrections inutiles.

Vous savez quoi, le Journal de Montréal ? Mêlez-vous de vos affaires.

P.-S.—Non, mourir et décéder ne sont pas des synonymes.

P.-P.-S.—«Bis» ? Oui, «bis».

P.-P.-P.-S.—Merci à la Presse+ de respecter la volonté des familles.

C’est clair, non ?

Stéphane Larue, le Plongeur, 2016, couverture

Importé de l’anglais to clear, clairer a plus d’un sens dans le français populaire du Québec.

Pour passer tout juste, le verbe est disponible : «Le Vista fait une brusque embardée au moment où l’hydravion passant en rase-mottes claire tout juste l’antenne radio» (Autour d’Éva, p. 364); «Ils montent la marche. Florence se penche en entrant afin de clairer le petit chambranle de la porte» (Correlieu, p. 181).

Se faire congédier ? «J’étais certain que j’allais me faire clairer sur-le-champ» (le Plongeur, p. 80).

Qui gagne un salaire intéressant après impôt est réputé clairer un bon salaire.

Enfin et bref, pour tout ce qui concerne le fait d’éviter, de vider ou de dégager, clairer peut être d’un bon rendement.

À votre service.

 

P.-S.—L’Oreille tendue a présenté Correlieu le 14 novembre 2002.

 

Références

Hamelin, Louis, Autour d’Éva. Roman, Montréal, Boréal, 2016, 418 p.

La Rocque, Sébastien, Correlieu. Roman, Montréal, Le Cheval d’août, 2022, 192 p.

Larue, Stéphane, le Plongeur. Roman, Montréal, Le Quartanier, coll. «Polygraphe», 11, 2016, 568 p.