Liste de (parfois vieilles) lectures recommandées

Il y a les choses que l’Oreille tendue lit tout de suite. Puis il y a les choses qu’elle envoie sur la plateforme Readability, histoire de les lire plus tard sur son iPad — et qu’elle ne lit pas tout de suite (euphémisme). Au cours des derniers jours, elle y est retournée voir. D’où les dix suggestions ci-dessous, pas toutes fraîches, dans le désordre et anglais (pour la plupart).

• Pour dialoguer, il faut un terrain argumentatif commun. Démonstration de Malcolm Gladwell à partir de la tuerie de Waco en 1993.

• Pour créer la plus grande bibliothèque numérique publique aux États-Unis, la Digital Public Library of America (DPLA), il faut quarante personnes inspirées par le XVIIIe siècle. Récit de l’historien Robert Darnton.

• Pour animer les villes, il faut une volonté politique. Proposition du philosophe Daniel Weinstock.

• Pour enseigner la création littéraire, il faut réfléchir hors des lieux communs. Mise au point de Laure Limongi.

• Pour enseigner la création littéraire, il faut peut-être refuser d’enseigner la création littéraire. Plaidoyer de Kenneth Goldsmith. Où il est également question de plagiat.

• Pour voir le Web créer (presque) tout seul des identités, il faut y mettre du temps : dix ans, par exemple. Expérience, à partir de gmail, de Matthew J. X. Malady.

• Pour voir Facebook créer tout seul des profils des gens qui n’y ont pas de compte, il faut connaître le fonctionnement de la bête. Visite guidée (glaçante) de Natasha Lomas.

• Pour comprendre ce qui distingue le courriel et la lettre, il faut ne pas avoir peur des paradoxes. Présentation de celui de Shaun Usher.

• Pour ne rien rater de la Coupe du monde 2014, il faut être sensible aux choix vestimentaires des entraîneurs. Comparaisons d’Ian Crouch.

• Pour se rendre compte de la caducité de certaines pratiques universitaires, il faut participer à des colloques. Questions et réponses de Larry Cebula.

• Pour écrire, à l’université, il faut (parfois) écrire des choses qu’on ne publiera jamais. Conseil (utile) de Nate Kreuter.

P.-S. — Il y a plusieurs textes tirés du magazine The New Yorker ? Oui.

Lectures de Ballon

Pierre Popovic, le Dzi, 2009, couverture

Comme tout un chacun, l’Oreille tendue a ses préférences en matière de lectures sportives : le hockey, mais, d’abord et avant tout, le baseball. Cela étant, œcuménique comme il lui arrive d’être, elle lit itou des livres sur le football (le soccer). Lesquels ? Ceux-ci, entre autres, pour le plaisir.

Ancion, Nicolas, «L’album de foot», dans Les ours n’ont pas de problème de parking, Saint-Cyr sur Loire, publie.net, coll. «Fiction 17», 2011. Édition numérique. Édition originale : 2001. https://www.publie.net/livre/les-ours-nont-pas-de-probleme-de-parking/

Une citation, au hasard : «Le football, c’est pas un sport pour les difformes.»

Barthes, Roland, le Sport et les hommes. Texte du film le Sport et les hommes d’Hubert Aquin, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 2004, 79 p. Ill. Préface de Gilles Dupuis.

Le hockey, la corrida, la course automobile, le cyclisme — et le football, dans le cadre d’une réflexion sur sport et nation.

Ce court texte, écrit pour un film d’Hubert Aquin, a été traduit en anglais, en espagnol, en allemand, en japonais, etc.

Bureau, Jérôme, avec la collaboration de Jules Chancel (édit.), l’Amour foot. Une passion planétaire, Paris, Autrement, coll. «Mutations-Poche», 17, 1993, 283 p.

L’Oreille n’a pas le livre sous les yeux et elle l’a lu il y a plus de quinze ans, mais ses notes sont formelles : parmi les textes à retenir, il y a celui de François Bon sur le Heysel (p. 14-19). Elle n’aurait pas cru possible l’association du nom de son ami et de ce sport.

Courson, Jacques de et André Joyal, avec la collaboration de Luciana Vargas Netto Oliveiras, À la découverte du Brésil, Montréal, Del Busso éditeur, 2014, 197 p. Ill.

L’éditeur de l’Oreille tendue vient de publier un livre sur le Brésil, pays hôte de la présente Coupe du monde. Il y est évidemment question de football («La culture et le sport», p. 155-167).

Didion, Philippe, Notules dominicales de culture domestique, Saint-Cyr sur Loire, publie.net, coll. «Temps réel», 2008, 355 p. Édition numérique.

Le Notulographe est un partisan assidu des matchs du S.A. Épinal. Si si.

Enquist, Per Olov, Une autre vie. Récit, Arles, Actes Sud, coll. «Lettres scandinaves», 2010, 475 p. Traduction de Lena Grumbach et Catherine Marcus. Édition originale : 2008.

L’auteur, qui parle de lui-même à la troisième personne et au présent, se souvient de son enfance : «Le village est divisé en deux moitiés, une impie et une religieuse» (p. 39). C’est dans l’«impie» que jouent les Comètes de Hjoggböle. Le petit garçon n’a pas le droit d’assister à leurs matchs, mais il les entend de son jardin : «Derrière la haie d’églantiers, il intercepte l’appel du péché sportif» (p. 40).

Foer, Franklin, How Soccer Explains the World. An Unlikely Theory of Globalization, New York, Harper Perennial, 2007, 261 p. Édition originale : 2004.

Il n’est pas toujours facile d’aimer le sport, ainsi que le démontre ce récit de voyage sur la planète foot.

Gautier, Laurent, Notices, manuels techniques et modes d’emploi. Roman, Paris, Gallimard, 1998, 119 p.

Le personnage principal de ce roman, Paul Gautier, est gardien de but; on le voit à l’œuvre, façon de parler, dans un match que son équipe doit nécessairement perdre (p. 28-32). L’Oreille a de l’affection pour ce texte.

Klinkenberg, Jean-Marie, Petites mythologies belges, Bruxelles, Les impressions nouvelles, coll. «Réflexions faites», 2009 (édition revue et considérablement augmentée), 175 p.

Pour saisir la Belgique — Jean-Marie Klinkenberg est un excellent guide —, il faut comprendre «Une opposition structurante : Anderlecht vs Standard» (p. 130-133). Philosophiquement, cela donne : «Le Standard c’est Aristote. Anderlecht c’est Platon» (p. 133).

Kundera, Milan, La vie est ailleurs, Paris, Gallimard, coll. «Folio», 834, 1987, 473 p. Traduit du tchèque par François Kérel. Postface de François Ricard. Nouvelle édition revue par l’auteur.

Sur le modèle d’un match de foot, discussion entre onze poètes et le public venu les entendre à l’invitation de la police (p. 344-346).

Mauvignier, Laurent, Dans la foule, Paris, Éditions de Minuit, 2006, 372 p.

Le roman pour dire le mal : Heysel, 1985.

Müller, Denis, le Football, ses dieux et ses démons. Menaces et atouts d’un jeu déréglé, Genève, Labor et Fides, coll. «Le champ éthique», 49, 2008, 254 p.

Il y a des théologiens qui s’intéressent au hockey et d’autres au football.

Parks, Tim, Adultère et autres diversions, Paris, Christian Bourgois, 2000, 225 p. Traduction de Jean Guiloineau. Édition originale : 1998.

La preuve que les intellectuels peuvent très bien aller au stade (en Italie) sans se couvrir de ridicule.

Plimpton, George, «The Smaller the Ball, the Better the Book : A Game Theory of Literature», The New York Times. http://www.nytimes.com/books/97/06/08/nnp/26049.html

La théorie générale est connue : «There are superb books about golf, very good books about baseball, not many good books about football or soccer, very few good books about basketball and no good books at all about beach balls.» Plus petite est la balle (golf < baseball < football ou soccer < basketball < ballon de plage), meilleur est (serait) le livre.

Pour le soccer, en particulier, le jugement est sans appel (mais contestable) : «Soccer has no important literature at all that I can find, though it is such a universal activity that surely I am at fault here — I must have missed a South American novel, or a Yugoslav’s essay on the bicycle kick, or an appreciation by a Frenchman on the existential qualities of the game. Albert Camus once played goal for the Oran Football Club of Algiers, but he did not seem moved to write about it. The best I have come across is Pele’s “My Life and The Great Game,” a fine, literate account of the Brazilian’s astonishing career. The evident lack may have something to do with the practitioners of the game, who tend to be more agile with their feet than with articulation. A well-known definition is that soccer is a gentleman’s game played by thugs, whereas rugby is a thug’s game played by gentlemen. This might hold, but in fact I don’t know that rugby has produced much of a literature either

Popovic, Pierre, le Dzi. Nouvelles, Montréal, Fides, 2009, 163 p.

La nouvelle éponyme (p. 59-123) s’ouvre et se clôt sur les mêmes mots : «Le vrai buteur est patient et taiseux.» Elle fait la démonstration que le sport est affaire de vitesse.

Le même Pierre Popovic est l’auteur d’une excellente lecture du livre de Tim Parks évoqué ci-dessus : «Avatars footballistiques de l’idée de stade : Éric Cantona, Tim Parks», dans Yan Hamel, Geneviève Lafrance et Benoît Melançon (édit.), Des mots et des muscles ! Représentations des pratiques sportives, Québec, Nota bene, 2005, p. 117-138.

Suaudeau, Jean-Pierre, la Partie, publie.net, 2014. Édition numérique. http://www.publie.net/livre/partie-jean-pierre-suaudeau/

Milieu défensif, le numéro 6 fait vivre à ses lecteurs toutes les phases du match — «Approche», «Échauffement», «Première mi-temps», «La mi-temps», «Deuxième mi-temps», «Fin de partie». Aucun lyrisme : «je n’aime pas les joueurs à mon image, ceux qui ne cherchent pas à briller, dont l’activité consiste à détruire le jeu, à récupérer Ballon, à le passer à un équipier plus talentueux». Le sport est une guerre, et contre soi-même.

Toussaint, Jean-Philippe, la Mélancolie de Zidane, Paris, Éditions de Minuit, 2006, 17 p.

«La mélancolie de Zidane est ma mélancolie, je la sais, je l’ai nourrie et je l’éprouve» (p. 12). Toutes les occasions de lire Jean-Philippe Toussaint, même une agression footballistique, sont bonnes. (Dans l’Urgence et la patience [Paris, Éditions de Minuit, 2012, 106 p.], Toussaint a même un conseil pour les joueurs de foot.)

[Depuis la mise en ligne de ce texte, Toussaint a publié Football, Paris, Éditions de Minuit, 2015, 122 p. L’Oreille tendue en parle ici.]

Nouveaux conseils (titrologiques) à un jeune critique

Le jeune critique doit faire face à plusieurs difficultés. Parmi elles, le choix d’un titre percutant. Il devra se méfier impérativement des titres éculés.

Exemples de titres à fuir comme la peste.

Un roman coup-de-poing

Un poète entre tradition et modernité

Un ovni littéraire / théâtral / cinématographique (voir ici)

Écrire à livre ouvert

Un ouvrage fascinant qui se laisser dévorer… (pour un livre de cuisine)

X a passé le test du deuxième roman (merci à @david_turgeon)

P.-S. — Ce conseil s’ajoute à ceux déjà prodigués par l’Oreille tendue le 17 février et le 2 mai 2014.

La bibliothèque idéale de l’amateur de baseball

«Le baseball, comme le cinéma,
est une sculpture du temps.»
Daniel Canty

Le 31 octobre 2013, l’Oreille tendue proposait sa liste de titres de livres pour constituer la bibliothèque idéale de l’amateur de hockey. Ci-dessous, rebelote, mais pour le baseball. Il y a bien sûr plus de livres pour le baseball que pour le hockey.

Roger Angell, Late Innings. A Baseball Companion (1982).

Pour découvrir la prose de l’inventeur du palindrome «Not so, Boston».

Nicholas Dawidoff, The Catcher Was a Spy. The Mysterious Life of Moe Berg (1994).

Pour constater qu’il est des gens aussi bizarres que les gardiens de but au hockey : les receveurs au baseball. Particulièrement ce receveur-là.

Stephen Jay Gould, Triumph and Tragedy in Mudville. A Lifelong Passion for Baseball (2003).

Pour apprécier le fait que la paléontologie mène à tout.

David Homel, Rat Palms (1992).

Pour lire la scène où le narrateur sait ce qui va arriver à son père quand il va se présenter au bâton.

Jonah Keri, Up, Up, & Away. The Kid, The Hawk, Rock, Vladi, Pedro, Le Grand Orange, Youppi !, The Crazy Business of Baseball, & the Ill-fated but Unforgettable Montreal Expos (2014).

Pour ne pas oublier les Expos.

Ring Lardner, You Know Me Al (1916).

Pour marier art de la lettre et art du baseball.

Michael Lewis, Moneyball. The Art of Winning an Unfair Game (2003).

Pour ne plus jamais voir le baseball du même œil.

Arnold Rampersad, Jackie Robinson. A Biography (1997).

Pour continuer à admirer Jackie Robinson.

Philip Roth, The Great American Novel (1973).

Pour comprendre ce qu’est un «inside the mouth grand slam home run». (Et pour les allitérations.) (Et pour tout le reste.)

George F. Will, Men at Work. The Craft of Baseball (1990).

Pour être obligé d’être d’accord avec un chroniqueur conservateur.

Vos suggestions ?

 

Référence

Canty, Daniel, «Tintin dans la Batcave. Aventures au pays de Robert Lepage, épisode 7», Liberté, 295 (53, 3), avril 2012, p. 63-79. https://id.erudit.org/iderudit/63792ac

Cinq (autres) conseils à un critique littéraire débutant

Le 17 février 2014, l’Oreille tendue pontifiait sur la critique littéraire. Rebelote et suite.

VI.

Utilise des verbes conjugués, pas seulement des verbes à l’infinitif. (Ne fais pas comme certaine chroniqueuse du Devoir.)

VII.

Ne parle pas de l’indicible. Si tu peux parler de quelque chose, c’est du dicible. Si tu ne peux pas parler de quelque chose, ce n’est pas ton objet.

VIII.

Cesse de tergiverser, affirme, flushe sembler de ton vocabulaire.

(«“Semble”, soit dit entre parenthèses, semble bien être la principale ressource lexicale du critique, sans doute pour se protéger des poursuites légales», Ian Watt, «L’institution du compte rendu», traduction de Rosine Christin, présentation de Pierre Bourdieu, Actes de la recherche en sciences sociales, 59, 1985, p. 85-86, p. 85.)

IX.

Ne dis pas d’une œuvre qu’elle est «humaine». Sauf si un chat en est l’auteur. (Merci à @ppferland.)

X.

Ne qualifie jamais un livre singulier / déroutant / original / étrange / curieux / atypique de véritable ovni littéraire. (Merci à @revi_redac.)