Les zeugmes du dimanche matin et du Devoir

«Maka Kotto a ensuite épousé la cause indépendantiste et la mairesse de Longueuil» (le Devoir, 24 septembre 2012, p. B7).

«En forme, en voix, en total contrôle de son public, Neil Diamond en imposait comme en 1993» (le Devoir, 22 juin 2012, p. B4).

«En tambours, en images, en poésie, en mémoire et en devenir» (le Devoir, 19 juin 2012, p. B8).

Il était «non seulement en état de nature, mais aussi d’ébriété» (le Devoir, 26 mai 2012).

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

Les zeugmes du dimanche matin et de la Presse

«L’heure du ménage et de rêver ?» (la Presse, 30 octobre 2012, cahier Sports, p. 4)

«Fibre entrepreneuriale et de carbone» (la Presse, 16 octobre 2012, cahier Portfolio PME innovations, p. 6).

L’Empreinte à Crusoé est un «long conte au souffle philosophique écrit avec application et créolité» (la Presse, 25 mai 2012, cahier Arts, p. 4).

Un triumvirat «doit sortir le Canadien de son marasme et surtout de la cave du classement» (la Presse, 26 mai 2012, cahier Sports, p. 3).

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

Une semaine dans les mots et dans les médias

Cette semaine, entre autres choses, l’Oreille tendue a appris quelques nouveaux mots.

20 octobre

Anacoluthe du jour

«Même si âgé et fragile, l’entraînement physique reste bénéfique» (la Presse, 20 octobre 2012, cahier publicitaire «Chez soi 55+»).

Donc, si l’on se fie à la syntaxe de cette phrase, un «entraînement physique» pourrait être «âgé et fragile». C’est toujours bon à savoir.

(Quelques jours plus tôt, sur Twitter, @LeDevoir avait, lui aussi, son anacoluthe : «Véronique Hivon renonce à ses fonctions ministérielles. Enceinte, son médecin lui a recommandé un repos complet.» On est heureux d’apprendre que le médecin de Mme Hivon est enceinte.)

22 octobre

L’Oreille tendue connaissait déjà les mobigoinfres et les mobinautes. Grâce à la Presse, elle découvre la mobilographie, cette «écriture de la mobilité» rendue possible par les téléphones dits «intelligents» (22 octobre 2012, cahier Arts, p. 5).

Vous pratiquez cette «écriture» avec un iProduit ? Vous faites alors de liphonographie.

(Intermède publicitaire : les Trottoirs de Montréal, que diffuse l’Oreille sur Tumblr, ne relèvent-ils pas de cette mobilographie ?)

22 octobre

Vous faites dans la bibliothèque et dans le blogue ? Vous faites partie de la biblioblogosphère. C’est Daniel Bourrion qui le dit.

23 octobre

Les yeux de beaucoup de Québécois sont tournés, depuis le début septembre, vers la Commission d’enquête sur l’industrie de la construction, dite Commission Charbonneau. (Un des témoins y a donné un sens inédit au mot redevances.)

Comme il est très souvent question de collusion durant les audiences de la commission, le mot collusionnaire est devenu populaire.

«Appris un nouveau mot grâce à la #ceic : COLLUSIONNAIRE. Sonne comme le stade dégénératif d’une maladie grave. Et c’est exactement ça…» (@MFBazzo)

24 octobre

Une liste de livres ? Une bibliographie. Une liste de disques ? Une discographie. Une liste de films ? Une filmographie. Une liste de ressources sur le Web ? Une webographie. Une liste de sites ?

«BIBS, besoin d’infos ! Connaissez-vous des sitographies recensant les sites sur le cinéma utiles pour le travail des vidéothécaires ?» (@PoivertGBF)

24 octobre

On connaissait l’«angoisse fiscale». Voilà que se manifestent les premiers symptômes de la «détresse hypothécaire» (la Presse, 24 octobre 2012, cahier Affaires, p. 10). La psychopathologie du pognon a un bel avenir.

24 octobre

L’organisme Culture Montréal organisait ce matin une «Table ronde sur la participation culturelle des jeunes à Montréal». Si l’on se fie à Twitter (#JeunesetCulture), l’inventivité lexicale était au rendez-vous. L’Oreille tendue, en tout cas, a étendu son vocabulaire.

Prosommateur : «un profil mixte entre “producteur” et “consommateur”» (@CultureMontreal).

Tricograffiti : «Du tricot dans l’espace urbain» (@CultureMontreal).

Museogeeks : «On s’organise, on aime aussi la spontanéité, on aime le contact» (@CultureMontreal).

25 octobre

Tous les (dé)goûts sont dans la nature.

«Je suis sapiosexuelle #jeudiconfession» (@MadameChos).

Sapiosexuelle ? Une personne, dit Internet, «chez qui l’intelligence de l’autre provoque une excitation sexuelle».

25 octobre

Le plus grand poème sur le joueur de hockey Maurice Richard s’intitule «Homage to Ree-shard», il date de 1976 et il est signé Al Purdy. Son premier vers — «Frog music in the night» — est une allusion à une insulte classique adressée aux Canadiens français, devenus Québécois : ce seraient des «frogs», des «grenouilles».

L’Oreille est toujours étonnée du fait que cette insulte soit encore pratiquée de nos jours. Ce serait le cas dans le monde du sport.

L’exemple le plus récent vient du football canadien. Un joueur (anglophone) des Alouettes de Montréal aurait traité de «frog» un joueur (francophone) des Rough Riders de Regina (la Presse, 25 octobre 2012, cahier Sports, p. 5).

En 2012 ?

25 octobre

La philosophie ne connaît pas de limites. La preuve ? L’«apiphilosophie» («happy philosophie» ?) vient de naître.

De quoi s’agit-il ? Pour un dentiste de la clinique Groupe Api, «la plus importante de Laval et l’une des plus importantes au Québec», il suffit d’être «à l’écoute» de ses clients (la Presse, 25 octobre 2012, dossier publicitaire «Santé dentaire»).

Voilà une doctrine facile à respecter, non ?

26 octobre

Scène de la vie radiophonique

«“S’emmieuter” a dit RHR à #CBMLM “Voyons, je dis même plus ça, moi” MlleCadette» (@PimpetteDunoyer).

N’oublions pas cependant qu’il existe un cas où s’emmieuter est acceptable : quand il est utilisé avec rempirer. Exemple : Les choses vont rempirer avant de s’emmieuter.

Métapoutine d’or

Pour paraphraser Alexandre Vialatte — qui, lui, parlait de la femme —, on pourrait dire du sophisme qu’il «remonte à la plus haute Antiquité». Il doit bien être aussi vieux que la parole.

Il connaît cependant depuis quelque temps une belle carrière québécoise. Tout un chacun parle aujourd’hui de lui.

Une raison de cette omniprésence est peut-être à chercher du côté des interventions radiophoniques du philosophe Normand Baillargeon. Au micro de l’émission Dessine-moi un dimanche, animée par Franco Nuovo sur les ondes de Radio-Canada, Baillargeon, de semaine en semaine, s’est mis à la chasse au sophisme dans l’actualité québécoise. Les autres collaborateurs de l’émission lui ont emboîté le pas, puis les auditeurs, qui se sont mis à lui envoyer leurs suggestions. Le meilleur sophisme présenté à l’émission valait à son auteur «La poutine d’or».

«La poutine d’or» de Radio-Canada
Stéphane Leclair remettant «La poutine d’or» à Normand Baillargeon le 8 juillet 2012.

(L’Oreille tendue a souvent fréquenté le studio de Dessine-moi un dimanche. En deux tentatives, elle a remporté une «poutine d’or». Malheureusement, aucune photo ne l’atteste.)

Pourquoi s’arrêter en si bon chemin ?

Essayant de décrire l’argumentation de l’omnicommentateur Richard Martineau, le site mauvaiseherbe.ca crée le «multisophisme» et le «métasophisme». À quand, dès lors, «La métapoutine d’or» ?

 

[Double complément du 2 décembre 2012]

Vous n’aimez pas «omnicommentateur» ? Essayez «toutologue». Le mot est de Guillaume Lamy dans C’est faux ! 50 idées déconstruites par des spécialistes (Québec, Septentrion, 2012; cité dans le Devoir, 1er-2 décembre 2012, p. F7).

«Traiter son adversaire de sophiste, c’est un peu le point #Godwin en philosophie» (@cyborgphilosoph, via @fbouchard).