Portrait sommaire

Jean-Patrick Manchette, la Position du tireur couché, 1981, couverture

«— Tout va bien. Décrivez-moi cette personne.

— C’était une dame, dit le réceptionniste. Je ne sais pas quoi dire. Des cheveux noirs, courts, en forme de casque, ça se porte beaucoup en ce moment, avec une frange, voyez-vous ? Des yeux bleus, un nez fin et long, une bouche un peu tombante, comme Jeanne Moreau, l’actrice, voyez-vous ? Et puis quoi ? Taille moyenne, peut-être un mètre soixante-trois. Un imperméable en nylon bleu marine, boutonné jusqu’au cou, et des bottes de cuir bleu. Elle avait un chapeau de pluie à la main, assorti à son imperméable, et… ah, elle portait des gants montants en peau bleue. Elle fumait une cigarette à bout liégé. Elle m’a donné vingt francs, deux pièces de dix. C’est tout ce que je vois. Ah si. Pour me permettre un jugement, monsieur, elle avait la peau sèche. Les joues roses, voyez-vous ? Mais comme après qu’on a pelé à cause d’un coup de soleil, ou bien comme lorsqu’on a une mauvaise circulation. Ça n’allait pas jusqu’à la couperose, parce que c’est une dame d’une trentaine d’années, mais cependant… Certaines Anglaises et certaines Scandinaves ont ce genre de teint. Je crains de ne pas me rappeler grand-chose d’autre, en fait. Je ne suis pas très observateur et je n’ai pas fait très attention.»

Jean-Patrick Manchette, la Position du tireur couché, Paris, Gallimard, coll. «Série noire», 1856, 1981, 181 p., p. 58-59.

Économie graphique

Jean-Patrick Manchette, le Petit Bleu de la côte ouest, 1976, couverture

Que ça => Qu’ça => Qça

Exemple tiré du Petit Bleu de la côte ouest : «Ça me fait plaisir de bavarder avec vous mais j’ai pas qça à faire» (p. 76).

Ce n’est pas plus compliqué qça.

 

Référence

Manchette, Jean-Patrick, le Petit Bleu de la côte ouest, Paris, Gallimard, coll. «Série noire», 1714, 1976, 181 p.

Les zeugmes du dimanche matin et d’Albert Camus

Albert Camus, la Peste, édition de 1972, couverture

«Dans ces appartements surchauffés par la fièvre et l’angoisse, des scènes de folie se déroulaient» (p. 92).

«Tous descendent alors dans les rues, s’étourdissent à parler, se querellent ou se convoitent et sous le ciel rouge de juillet la ville, chargée de couples et de clameurs, dérive vers la nuit haletante» (p. 123).

«On ne savait si l’air était lourd de menaces ou de poussières et de brûlure» (p. 144).

«Voilà pourquoi le narrateur croit qu’il convient, à ce sommet de la chaleur et de la maladie, de décrire de façon générale et à titre d’exemple, les violences de nos concitoyens vivants, les enterrements des défunts et la souffrance des amants séparés» (p. 169).

«Pour eux tous, la vraie patrie se trouvait au-delà des murs de cette ville étouffée. Elle était dans ces broussailles odorantes sur les collines, dans la mer, les pays libres et le poids de l’amour» (p. 299).

Albert Camus, la Peste, Paris, Gallimard, coll. «Folio», 42, 1972, 308 p. Édition originale : 1947.

P.-S.—L’Oreille tendue a présenté ce texte le 10 avril 2020.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)